Rage et fureur dans l’univers du kawaii.
Princesse Mononoké a lui aussi connu, comme la plupart des Miyazaki, une sortie française tardive. Mais le succès a été immédiat. Et pour cause, il corrige ce que quelques uns pourraient appeler un défaut dans l’univers créatif de Miyazaki. Du moins, c’est ce que je me disais quand je l’avais vu à l’époque. Nous sommes dans le Japon médiéval et le prince d’un peuple isolé se retrouve frappé par une malédiction après avoir tué un démon. Il part loin loin pour tenter de se défaire de ce sort. Il croise dans son aventure des hommes cupides et une jeune fille élevée par des loups. Celle-ci ne ressent pour l’humanité que de la haine, une haine née des agressions de l’Homme contre son environnement. Visuellement, pas de doute, on connaît la chanson. C’est formidablement animé et le dessin est d’une précision remarquable. Tout le design est fabuleux d’inventivité et ce moyen-âge fantasmagorique nous mène à la frontière de l’heroic-fantasy. C’est bête à dire mais cette virtuosité, on y est habitué. Oui, c’est une remarque d’enfant gâté. Mais cette fois, c’est différent. Miyazaki prend le risque de sortir de la mignonnerie et de la fable écolo. Il nous livre ce coup-ci un brûlot violent et dur. Les premières scènes de giclées de sang font drôle, on ne s’y attend pas. Ça décuple la violence des images et du propos. L’habituel appel à la sagesse fait place à la guerre, une guerre qui oppose le monde sauvage au monde des humains. Ce monde humain ressemble à une ère pré-industrielle, gourmande en ressources, avide d’enrichissement personnel, convaincue de sa toute-puissance, persuadée que c’est par la destruction que viendra son salut et peu soucieuse de la durabilité de son développement. En face, les animaux ne veulent plus subir. Et le vrai plus du film, c’est l’intrigue politique qui se joue en toile de fond. C’est un véritable apport au récit et celui-ci laisse moins de place à la contemplation. C’est en ce point que Mononoké se démarque franchement des autres projets de Miyazaki même si, dans un sens, ça pourrait être une suite de Nausicaa, une autre princesse eco-friendly, comme si 15 ans plus tard les choses n’avaient fait qu’empirer. En bref, un histoire forte et belle dans un écrin de créativité et de sublime. Un incontournable.