Chacun des partis pris des films de Bertrand Tavernier est louable et témoigne d’une volonté de révéler l’image latente d’une institution, d’une génération ou d’une situation. «L-627» (France, 1992), nom donnée à un loi policière, suit le parcours mouvementé d’un agent de Police parisien, tourmenté par son impulsivité et par sa propension à abhorrer l’injustice. Personnage typique du cinéma de Tavernier que l’on retrouve dans nombre de ses films, de «L’Horloger de Saint-Paul» à «Ca commence aujourd’hui», ce personnage héroïque banal porte l’étendard du quidam révolté, enhardi face à la déloyauté de la société. Les caméras mobiles qui parcourent le film du début à la fin visent à traduire une urgence de la situation. Tavernier, souvent emporté par son enthousiasme vers son intrigue, par son amour pour les personnages qui la motive, oublie parfois l’esthétique du cinéma, préfère exalter le fond de son œuvre, rendre intelligible et agréable la transmission de son regard plutôt que d’offrir une composition inédite de la sensation esthétique. Pourtant l’émancipation selon Tavernier, lui qui entend libérer l’individu des marasmes délétères de la communauté pour mieux l’y réintégrer une fois cette dernière corrigée, oublie que le premier lieu de l’émancipation au cinéma, et dans l’art en général, se situe dans la forme. Or, outre les quelques plans-séquences et les scènes en caméra épaule qui émanent une sensation de proximité, la forme de l’œuvre est la part la moins travaillée. Chacun des personnages a pourtant le soin d’être très bien écrit, suffisamment composée pour être une couleur dans le récit (bâti sur le modèle hybride de l’arc-en-ciel où chaque personnage est une teinte). L’écriture du scénario, qu’une mise en scène immersive vient exalter, est trop présente. Pourtant visiblement concerné par l’homme banal, Tavernier le projette toujours dans une intrigue dramatique. Comparer le cinéma de Tavernier à celui de Rossellini révèle parfois les lacunes du premier.