On oublie souvent que les studios Universal ne se sont pas cantonnés, à leurs débuts, aux seuls films de monstres légendaires tels que "Dracula", "Frankenstein", "Le loup-garou", "La Momie" ou encore "L’homme invisible". Les acteurs vedettes du studio étaient, également, conviés dans des productions au ton toujours horrifiques mais au méchant moins iconographique. Dans cette production plus "classique", on trouve de petits trésors méconnus tels que "Le Chat Noir" ou "Le Corbeau", deux adaptations très libres et très réussies des nouvelles du légendaire Edgar Allan Poe. C’est, donc, en toute logique que j’ai voulu découvrir le film qui, en 1932, a ouvert le ban de ces films aux monstres plus discrets, à savoir "Double Assassinat dans la rue Morgue", également adapté de l’œuvre de Poe et comptant, à son générique, l’hypnotisant Bela Lugosi en méchant Dr Mirakle. Et, malheureusement, le film n’a pas supporté les attaques du temps aussi bien que les deux autres productions précitées. Il faut dire que, outre une image particulièrement vieillotte et un rythme invraisemblablement mou, le film souffre d’un scénario plus que léger qui peine à susciter l’intérêt. Certes, il y a des meurtres, un assassin mystérieux, un savant fou, une demoiselle en détresse… soit les ingrédients de bon nombre des productions Universal. Mais, une fois n’est pas coutume, l’alchimie ne prend pas ici, notamment ne raison des défauts formels et de la vacuité de l’intrigue. Autre problème de taille : le singe ! Il faut faire preuve d’une sacré indulgence pour ne pas ouvrir de grands yeux éberlués devant ce costume de singe pas crédible une seule seconde et, pire encore, devant l’effet de mise en scène risible qui veut que les gros plans sur l’animal laissent apparaître un vrai singe alors que les plans larges (où apparaissent d’autres acteurs) montrent un acteur en costume. La différence entre les deux plans est saisissante et représente peut être, avec le recul, le seul intérêt du film. J’exagère tout de même puisque le film compte, dans ses rangs, le légendaire Bela Lugosi, tout juste starifié grâce à son interprétation de Dracula en 1931. Comme souvent, l’acteur se montre terriblement cabotin (ce qui n’est pas un défaut dans les films d’horreur de l’époque) et parvient, sans mal, à éclipser le reste du casting. La séquence où il s’aperçoit que le sang de sa victime est vicié démontre, d’ailleurs, une facette intéressante de son jeu d’acteur et rappelle que, à l’instar d’un Boris Karloff ou d’un Lon Chaney Jr., il a été plus que sous-estimé par la critique. Et il fallait bien que l’acteur en fasse des tonnes pour faire oublier l’écriture assez brouillonne de son personnage dont les motivations sont pour le moins obscures. Bref, sans Bela Lugosi, "Double Assassinat dans la rue Morgue" n’aurait pas le moindre intérêt. Grâce à lui, il reste une curiosité… tout de même mineure dans sa filmographie.