Tremé, c’est les suites directes et indirectes du passage de l’ouragan Katrina sur la Nouvelle-Orléans. Tremé c’est le désarroi et la dégénérescence des forces de police et des instances judiciaires de la ville. C’est aussi le parcours chaotique, entre désenchantement et bonheur, de musiciens du cru. Treme, c’est le combat des minorités face à l’adversité, le combat des opprimés pour que justice soit faite. Tremé, c’est l’opportunisme du nanti qui voit en cette destruction soudaine la possibilité de s’en mettre plein les fouilles lors de la reconstruction. Tremé, c’est aussi les traditions, des indiens du Mardi Gras aux bars pleins à craquer crachant du jazz, du blues, à n’en plus finir. Tremé, c’est le combat des entrepreneurs locaux, des habitants, pour recouvrer leurs biens, leurs vies d’avant la tempête. En somme, Tremé, c’est la Nouvelle-Orléans.
Via les destinées d’une brochette de personnages, aussi hétéroclites que passionnants, David Simon et Eric Overmyer, le premier étant l’homme derrière la prodigieuse The Wire, nous servent le portrait éloquent d’une ville meurtrie par la nature, par l’adversité, la misère, la corruption et le crime, mais toujours fière, maladivement fière de son héritage, de sa musique et de ses coutumes. La ville Croissant est donc immortelle, qu’importe les bourrasques de vents, les inondations et l’inaction des politiques. La ville ne meurt jamais, reprenant vie via des projets individuels et globaux, via la volonté de son petit peuple de ne rien lâcher, de perpétuer les traditions. Les assurances ne veulent pas rembourser les dommages? Les politiciens regardent ailleurs? Peut-importe, La Nouvelle-Orléans se lève et se reconstruit. Si la série n’omet jamais d’en passer par le drame, les disparations et une criminalité jamais frontale mais toujours présente, en sourdine, elle n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle souffle un vent d’optimisme bienveillant, véhiculé surtout par la musique et tout ce qu’elle représente pour la ville et ses citoyens.
Oui, impossible de décrire aussi précisément la Nouvelle-Orléans sans en passer par des heures de musiques live, sans en passer par les Mardi-gras, grands moments de liesse populaire que Simon et son équipe ont littéralement magnifié durant les trois premières saisons. On ira même ici jusqu’à nous immerger dans le domaine de la gastronomie, du l’industrie du disque, nous accompagner sur les ponts des bateaux des pêcheurs de crevettes vietnamiens, dans les clubs vieillots mais mythiques de la ville. David Simon n’oublie aucune facette de la vie communautaire, enchaînant des séquences aussi diverses et variées qu’importantes sans jamais troublé ou perdre son public. Narrativement, la série est tout simplement fantastique, un exemple à suivre sur le plan du découpage, du timing et de la variété des sujets.
Que dire d’autre si ce n’est chapeau? Si l’on avoue volontiers que Tremé ne peut pas rivaliser avec l’excellence de The Wire, du moins pour moi, il convient de saluer ici le travail d’un véritable artiste, sans compter sur les talents des acteurs dont certains ne sont pas des professionnels. David Simon, en fin de compte, rend un hommage vibrant à une ville majeure pour la culture américaine, à sa musique et à son peuple fier et optimiste. 36 épisodes durant, l’ennui ne m’aura jamais frappé. J’ai été littéralement happé par la série, juste, puissante, humaine et socialement passionnante. Que demander de mieux, dans le domaine? Rien. 17.5/20