C’est assez amusant car je viens de faire la critique d’Ultimate Game, dans lequel tout était ultra-nerveux mais aussi traité avec beaucoup de bêtises, et Espion lève-toi, dans un genre bien différent, c’est exactement l’inverse. Aucun rythme, mais de l’intelligence.
En effet il faut bien le dire Espion lève-toi à le potentiel dynamique d’un épisode de Derrick. Quelques coups de feu sur la fin, mais sinon c’est des dialogues autour d’un cigare, autour d’un verre, dans un parc, dans la rue… enfin bref, il n’y a quasiment pas d’action. C’est d’ailleurs assez surprenant compte tenu du casting, qui présente Ventura et Cremer, plutôt habitués à des films qui bougent (même si Cremer a fini dans Maigret).
Peu de rythme donc, et un ennui qui pointe plus d’une fois dans un métrage à l’histoire pourtant intéressante. Choisissant une approche réaliste et sérieuse de l’espionnage, se concluant d’ailleurs intelligemment bien que de manière abrupte, l’histoire est sans concession et a des atouts à faire valoir. Avec plus de punch, on aurait clairement pu tenir un film d’espionnage éloigné des codes américains, et du coup tenir aussi une petite pépite singulière, mais c’est regrettable qu’un scénario aussi subtil soit traité aussi paresseusement.
Le casting est plutôt attrayant. On hérite d’un Lino Ventura convaincant, un peu éloigné de ses rôles les plus récurrents, et sa prestation présente un intérêt certain. Toutefois il faut le dire, heureusement qu’il y a Piccoli, qui vient apporter un peu d’excentricité ici pour éviter les assoupissements impromptus. Il y a quelques seconds rôles de valeurs. Si Cremer se limite à quelques apparitions plus ou moins heureuses, en revanche je relève la présence intéressante de Krystyna Janda dont le personnage est bien exploité.
Visuellement il y a l’exotisme des décors, puisque le film se passe dans un espace assez rarement mis en valeur, en particulier Zurich. Il faut toutefois reconnaitre que si les décors sont bien utilisés, l’esthétique grisâtre du métrage est moins attrayante, d’autant qu’on ne sent pas derrière une vraie volonté artistique. Autant dans l’esthétique des décors, même des intérieurs on sent une attention de chaque instant sur les détails, autant sur la photographie on ne sent pas un travail franc, avec une recherche sur les éclairages, sur la lumière, les contrastes. C’est cru mais par défaut. Quant à Yves Boisset sa mise en scène est sobre, parfois un peu trop sobre, mais ce n’est pas un vrai souci, assumant quand même une réalisation correcte, notamment dans les très rares scènes d’action (et dont on peut du coup encore davantage regretter l’absence quasi-totale). Dommage que la bande son soit elle aussi bien faiblarde, elle aurait pu du coup venir apaiser certains moments pesants du métrage.
Vous l’aurez compris pour regarder Espion lève-toi il vaut mieux être bien éveillé, et être d’attaque. C’est regrettable qu’un film qui a un vrai potentiel soit aussi paresseux, car à mon sens le manque de rythme est un des éléments les plus dangereux pour un métrage, un de ceux qui vous fait abandonner un film, alors même que tout le reste peut être attrayant. Je lui donne la moyenne tout de même car il y a de bons points indéniables.