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    Le Grand Silence : la fin de ce western est du jamais vu, et Tarantino l'adore !
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Sorti en 1968, "Le Grand Silence", unique western de Jean-Louis Trintignant et sommet de la carrière du réalisateur Sergio Corbucci, pulvérise les codes du genre. Pour culminer dans une séquence finale aussi atroce que sublime, d'un nihilisme absolu.

    Dans la province de l'Utah, aux Etats-Unis. Le froid extrême de l'hiver 1898 pousse hors-la-loi, bûcherons et paysans affamés à descendre des forêts et montagnes et à piller les villages pour survivre. Leurs têtes sont rapidement mises à prix par les autorités. Une bande de chasseurs de prime répond à l'appel, tirant partie de la légalité, pour préférer le "mort" au "vif.

    A sa tête, le plus cruel d'entre tous : Tigrero (extraordinaire Klaus Kinski). Pauline (Vonetta McGee), dont le mari est justement tué sous ses yeux par ce sadique, décide alors d'embaucher un homme surnommé Silence, afin de l'aider à se venger...

    Le Grand Silence
    Le Grand Silence
    Sortie : 27 janvier 1969 | 1h 46min
    De Sergio Corbucci
    Avec Jean-Louis Trintignant, Klaus Kinski, Frank Wolff
    Spectateurs
    3,9
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    Loin des paysages calcinés par le soleil ou les aspects picaresques d'un Ouest revisité par son confrère Sergio Leone dans sa trilogie du dollars; à l'extrême opposé aussi d'un John Ford qui voyait dans l'Ouest et ses grands espaces le retour et le refuge des valeurs pionnières qui ont largement façonné le visage l'Amérique, Sergio Corbucci opte avec le Grand Silence au contraire pour d'extraordinaires paysages montagneux et enneigés. Et s'inspire au passage des événements authentiques liés à la guerre du Comté de Johnson, qui servira aussi de matrice, des années plus tard, au chef-d'oeuvre maudit de Michael Cimino, La Porte du Paradis.

    Cinéaste anarchiste, pétri d'idées révolutionnaires qu'il va chercher chez Malcolm X et Che Guevara, Sergio Corbucci livre une oeuvre unanimement considérée comme le sommet de sa carrière, d'un pessimisme absolument atroce. Et, au passage, un film dont s'est largement imprégné Quentin Tarantino pour son propre western Les Huit salopards.

    Une morale qui n'est jamais sauve

    Dans Le Grand Silence, les gentils ne triomphent pas à la fin; la (bonne) morale n'est pas sauve; une aube nouvelle ne se lève pas. Une oeuvre unique, à la radicalité sidérante, et tellement nihiliste que son distributeur américain, la Fox, qui coproduisait le film, refusera de le sortir Outre Atlantique.

    Unique western de toute la carrière du regretté Jean-Louis Trintignant qui incarne Silence (et dont c'était le rôle préféré), justicier muet égorgé dans sa jeunesse par les assassins de ses parents, le film se veut aussi hyper réaliste (le froid conserve les cadavres, gèle les armes...), pour culminer dans un massacre final qui déroge là aussi aux codes du genre.

    DR

    Ici, la fusillade finale n'est pas tant le résultat de celui qui dégaine le plus vite. La prime à la survie est surtout pour celui qui dégaine en dernier, et de la manière la plus lâche possible. Atrocement blessé aux mains en amont de l'affrontement final, Silence est à nouveau grièvement blessé aux mains par un chasseur de prime embusqué, avant que Tigrero ne lui tire une balle dans la tête.

    Hypnotisé par l'extraordinaire musique d'Ennio Morricone qui signe avec ce film une de ses plus belles BO, le spectateur découvre, médusé, le héros qui s'avère incapable de sortir son revolver du fait de sa blessure, avant d'être achevé.

    Témoin de la scène, Pauline se précipite pour tenter de prendre le revolver de Silence et finir le travail, avant qu'elle ne soit elle aussi abattue. Et Tigrero de se livrer à un ultime massacre avec ses sbires sur la population du village, qui était retenue en otage dans le saloon.

    Revoici la fin...

    Une fin tellement pessimiste que le coproducteur américain, Darryl F. Zanuck, obligea Sergio Corbucci à en tourner une autre, optimiste cette fois-ci. Le réalisateur s'exécuta, mais elle était tellement (et volontairement) outrancière qu'elle fut inexploitable. Aux dires de Corbucci lui-même, le producteur ne lui pardonna jamais cet affront.

    La voici :

    Reste donc la première fin, à la fois atroce et sublime, d'une rare sauvagerie. Tant mieux pour les cinéphiles et les amoureux du western qui vouent un culte totalement justifié à cet immense film; un des meilleurs du western transalpin.

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