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    148 : le record du plus grand nombre de prises pour une scène avec dialogue est détenu par Shining. Et c'est la séquence la plus simple (en apparence) du film de Kubrick
    Isabelle Ratane
    Isabelle Ratane
    Grande consommatrice de séries en streaming, Isabelle aime découvrir et (surtout) faire découvrir les incontournables et les pépites des différentes plateformes (Netflix, Disney+, Prime Video...) avec un regard expert sur les K-Dramas sud-coréens.

    On pensait que la séquence de Shelley Duvall dans les escaliers avait été la plus éprouvante sur le tournage de "Shining" avec 127 prises : Stanley Kubrick a fait encore mieux sur une autre scène du film.

    Il va sans dire que les films de Stanley Kubrick ont toujours été méticuleusement réalisés. Et les écarts de sortie entre ses créations en témoignent : trois ans entre 2001 : L’Odyssée de l’espace de 1968 et Orange mécanique de 1971. Barry Lyndon a suivi en 1975, soit quatre ans plus tard, puis cinq autres années se sont écoulées avant que Shining ne sorte en 1980.

    Quant à son Full Metal Jacket culte, il est resté en production pendant sept ans, et son dernier film, Eyes Wide Shut, ne sortira qu’en 1999 (à titre posthume toutefois), soit douze ans après son dernier projet.

    Autrement dit, sur un tournage de Kubrick rien n’est laissé au hasard et le cinéaste est connu pour croire en la perfection à atteindre par la répétition, privilégiant l’authenticité émotionnelle.

    Et si certaines scènes de ses films sont connues pour avoir nécessité plusieurs prises – comme celle où le Dr Bill Hartford (Tom Cruise dans Eyes Wide Shut) franchit une porte, que l’acteur a dû passer 95 fois avant que le réalisateur ne soit satisfait –, aucune n’arrive à la cheville de l’une des scènes de ce film...

    Et le record mondial Guinness du “plus grand nombre de prises pour une scène avec dialogue” est attribué à… Shining avec 148 prises !

    Shining
    Shining
    Sortie : 16 octobre 1980 | 2h 23min
    De Stanley Kubrick
    Avec Jack Nicholson, Jean-Louis Trintignant, Shelley Duvall, Danny Lloyd
    Presse
    4,0
    Spectateurs
    4,3
    louer ou acheter

    Une scène simple mais cruciale

    La scène en question est un moment charnière du film où Dick Hallorann (Scatman Crothers) explique le “shining” – son don de voyance télépathique – au jeune Danny Torrance (Danny Lloyd).

    Au début de la scène de cinq minutes, Dick explique au petit garçon comment lui et sa grand-mère pouvaient avoir des conversations sans parler, un don spécial que celle-ci appelait le “shining”.

    Danny lui avoue alors qu’il a le même don mais que “Tony” – une présence qui lui parle dans son sommeil – lui a dit qu’il n’était pas censé en parler. Dick se rend compte que “Tony” est la façon dont Danny comprend son don et lui demande si “Tony” lui a déjà parlé de l’hôtel Overlook.

    Alors que Danny demande si l’hôtel est mauvais, Dick lui répond que de mauvaises choses se sont en effet produites à l’hôtel et que des traces y subsistent. Danny pose ensuite des questions sur la chambre 237. Dick, visiblement déstabilisé, lui répond, de manière peu convaincante, qu’il n’y a rien dans la chambre 237... mais de ne pas y aller.

    Warner Bros.

    C’est l’une des scènes les plus importantes du film : expliquer le “shining” d’une manière simple pour Danny et, par conséquent, pour le spectateur.

    Dick est présenté comme le mentor mais aussi la voix d’avertissement, tandis que Danny est vu comme un enfant qui connaît une vérité plus profonde sur l’Overlook que ce qu’il laisse entendre – un moment parfaitement interprété par les deux acteurs, l’un avec émotion, nostalgie et peur, et l’autre posant des questions incisives dont il connaît déjà les réponses.

    Simple mais cruciale, il est compréhensible qu’il ait fallu plusieurs prises pour réussir la scène – d’autant plus qu’elle inclut un enfant. Mais 148 fois… personne ne s’y attendait !

    Des prises éprouvantes pour les acteurs

    Cette scène n’est toutefois pas la seule du film culte de Kubrick qui a nécessité plusieurs prises. Par exemple, celle où la caméra zoome sur le visage de Scatman Crothers dans sa chambre a été répétée plus de 60 fois. La scène a été dure pour ce dernier, qui aurait même été réduit aux larmes.

    Shelley Duvall, cependant, a connu pire. Le moment le plus traumatisant pour l’actrice lors du tournage a été la scène de l’escalier, qui s’est finalement terminée après 127 prises.

    C’était une scène difficile, mais elle s’est avérée être l’une des meilleures scènes du film”, a déclaré l’actrice en 2021 dans une interview accordée à The Hollywood Reporter. “J’aimerais revoir le film. Je ne l’ai pas vu depuis longtemps.

    Le tournage a eu toutefois de lourdes conséquences sur l’actrice, qui a passé des journées entières à pleurer sur le plateau – des journées au planning éreintant, le réalisateur tournant six jours par semaine, jusqu’à 16 heures par jour.

    Warner Bros.

    [Kubrick] n’arrête rien avant au moins la 35ème prise. Trente-cinq prises, courir, pleurer et porter un petit garçon, ça devient dur. Et une représentation complète dès la première répétition. C’est difficile”, a précisé Shelley Duvall.

    Elle a ainsi failli quitter le tournage à cause du stress, Stanley Kubrick et Jack Nicholson étant particulièrement durs avec elle selon Anjelica Huston, qui partageait la vie de Nicholson à cette époque.

    Justement interrogée sur la question de savoir si le traitement de Kubrick avait été particulièrement cruel ou abusif envers elle, Shelley Duvall a répondu : “Il a cette tendance en lui. Il a définitivement ça. Mais je pense surtout que c’est parce que les gens ont été comme ça avec lui à un moment donné dans le passé.”

    Elle a par la suite ajouté : “Il était très chaleureux et amical avec moi. Il a passé beaucoup de temps avec Jack et moi. Il voulait juste s’asseoir et parler pendant des heures pendant que l’équipe attendait. Et l’équipe disait : ‘Stanley, nous avons environ 60 personnes qui attendent.’ Mais c’était un travail très important.

    La version de Kubrick

    Aux yeux de Kubrick, cependant, il ne considérait pas ses actes comme ceux d’un perfectionniste mais plutôt comme ceux d’un metteur en scène devant répéter une scène parce que les acteurs ne sont pas préparés.

    Dans une interview accordée au magazine Rolling Stone en 1987, interrogé sur les rumeurs selon lesquelles il aurait réalisé une centaine de prises pour une scène, Kubrick ne l’a pas nié, mais a été franc.

    Comme il l’explique, si les acteurs n’ont pas préparé leurs répliques, ils ne peuvent pas jouer. S’ils doivent réfléchir aux mots, ils ne sont pas prêts à travailler sur l’aspect émotionnel de la scène, et cela transparaît dans leurs yeux. La scène se répète donc jusqu’à ce que ce moment soit enfin atteint.

    Cependant, comme il le souligne dans la même interview, trente prises se transforment en cent au fur et à mesure que les histoires sont racontées, ce qui lui donne sa réputation. “Si je faisais cent prises sur chaque scène, je ne terminerais jamais un film.

    Kubrick n’est certainement pas le seul réalisateur à insister sur plusieurs prises pour réussir une scène : prenons l’exemple de Sam Raimi dans Spider-Man (2002) qui a réalisé 156 prises pour la scène (très technique) du plateau de la cafétéria sans CGI ! Le record de Stanley Kubrick reste toutefois impressionnant pour une scène avec dialogues et enfant.

    Shining est à revoir en VOD.

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