3 novembre 2019 - 10 décembre 2024. 5 ans se sont écoulés entre la toute première prise de parole de l'actrice Adèle Haenel (Les Combattants, Portrait de la jeune fille en feu...), dans les colonnes de Médiapart, -avant de finalement porter plainte-, et ce mardi 10 décembre 2024, date à laquelle s'est terminé le procès de Christophe Ruggia, réalisateur des Diables, accusé d'agressions sexuelles alors que la jeune actrice était mineure, devant le Tribunal correctionnel de Paris.
Les 2 jours d'audience qui viennent de se tenir marquent la fin de 5 années d’instruction. Le parquet a requis 5 ans de prison, dont 2 ferme. La défense a plaidé la relaxe.
Comme le précisent nos confrères du Monde, "la procureure a demandé que la partie ferme de cette peine soit directement aménagée sous bracelet électronique, ce qui veut dire que Christophe Ruggia n’irait pas en prison si le tribunal suit le parquet. Elle a aussi requis une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles, une interdiction d’entrer en contact avec la victime et une obligation de l’indemniser." Le tribunal rendra sa décision dans un peu moins de 2 mois, le 3 février 2025.
Un procès sous tension
Le procès s'est déroulé dans un climat d'extrême tension. Au point qu'Adèle Haenel n'a pas pu contenir sa colère à plusieurs reprises, devant un accusé semblant impassible, et fuyant le regard d'Adèle Haenel.
Lors du premier jour d'audience, Adèle Haenel a adressé un "Vous êtes un gros menteur, Monsieur Ruggia", se tournant vers lui et le regardant fixement en prononçant ses mots. Le lendemain, comme beaucoup de titres de presse l'ont souligné, Adèle Haenel n'a pas pu s'empêcher de se lever, quitter la pièce, en lâchant un tonitruant "Ferme ta gueule".
Un geste rappelant inévitablement le "on se lève et on se casse" de la cérémonie des César en 2020.
"On a vu à quel point Adèle Haenel était à fleur de peau, avec une douleur authentique et une colère qui s'est exprimée en pleine audience", a indiqué l'avocat d'Adèle Haenel, Maître Yann Le Bras, au micro de France Info ce matin. Et d'ajouter : "Ce n’est pas un jeu d’acteur ou une colère feinte, c’est une colère à fleur de peau qui frappe l’audience. [Une colère] assez classique et légitime du côté des victimes lorsque l'on s'est fait voler son enfance, lorsqu’on s'est fait voler son corps enfant", poursuit-il.
A propos de son enfance, Adèle Haenel a tenu des propos très forts, expliquant en creux le sens de sa démarche : "J’ai eu tellement de solitude autour de ça, je suis fière d’avoir réussi à tenir jusqu’à maintenant, au travers de la vie et de la procédure qui n’a pas toujours été facile, ça a été douloureux pour moi. « Aujourd’hui, je suis une adulte, je parle en espérant apporter un peu moins de solitude aux enfants, je sais comment cette solitude m’a donné envie de mourir, ce que j’ai fait de plus important dans la vie c’était ça, briser la solitude des enfants".
Il fallait lancer un MeToo en France, c’est tombé sur moi
Pendant ces 2 jours, Christophe Ruggia a nié les faits qui lui sont reprochés, exprimant d'ailleurs l'idée qu'Adèle Haenel voulait se placer en lanceuse d'alerte. "Il fallait lancer un MeToo en France, c’est tombé sur moi."
"À la barre, il a asséné que l’actrice ment, qu'elle s’est "radicalisée" et vit encore sous l’emprise de la réalisatrice Céline Sciamma, son ex-compagne présente dans la salle en soutien. Une déclaration qui a provoqué un rire gêné du public", précise la journaliste Maëlle Le Corre dans les colonnes de Marie-Claire.
Novembre 2019, la première prise de parole d'Adèle Haenel
Pour rappel, l'affaire s'est enclenchée le 3 novembre 2019 lorsqu'Adèle Haenel a accusé le réalisateur de son premier film d'"attouchements" et de "harcèlement sexuel", dans les colonnes de Mediapart qui a mené l'enquête depuis 7 mois.
Elle accuse le réalisateur Christophe Ruggia de comportements sexuels inappropriés entre 2001 et 2004, alors qu’elle était âgée de 12 à 15 ans, et lui de 36 à 39 ans", pouvait-on lire au début de cette très longue enquête pour laquelle une trentaine de personnes ont été sollicitées pour recouper les accusations de la comédienne.
"À Mediapart, l’actrice dénonce « l’emprise » importante du cinéaste lors du tournage du film Les Diables, puis un « harcèlement sexuel permanent », des « attouchements » répétés sur les « cuisses » et « le torse », des « baisers forcés dans le cou », qui auraient eu lieu dans l’appartement du réalisateur et lors de plusieurs festivals internationaux".
Après avoir déclaré qu'elle ne saisirait pas la justice estimant que "la justice nous ignore, on ignore la justice", la comédienne Adèle Haenel avait finalement décidé de porter plainte.
"Maintenant que la justice a ouvert une enquête, je ne me dérobe pas, et je souhaite faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aller au bout du processus judiciaire, avait déclaré Adèle Haenel à nos confrères de Mediapart. Ce que j’attends maintenant, à titre personnel, de la part de la justice, c’est un accompagnement et une réparation".