Comment L'Armée des ombres avec Lino Ventura a empêché Almodovar de décrocher un prix à New York
Olivier Pallaruelo
Olivier Pallaruelo
-Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

En 2006, Pedro Almodovar présentait son film "Volver" au Festival international du film de New York, espérant y remporter le prix du Meilleur film étranger. Mais à sa grande stupeur, c'est un film sorti 40 ans plus tôt qui a remporté le prix...

Le format Video Club de nos confrères Konbini est vraiment devenu au fil des ans un passage obligé pour tous les talents -et pas des moindres- en promotion pour leurs films. La vaillante boutique JM Video, le lieu de tournage de l'émission, situé avenue Parmentier à Paris, résiste encore et toujours au tout dématérialisé, alignant plus de 50.000 DVD et Blu-ray en location et en vente.

Si le format de l'émission ne fait finalement que reprendre celui du (fameux) Criterion Closet qui lui est bien antérieur, il s'en distingue toutefois par sa longueur, laissant le temps à ses invités de largement développer leurs propos, et expliquer leurs passions respectives pour leurs oeuvres fétiches. Et c'est très souvent passionnant. La dernière illustration en date vient de Pedro Almodovar, alors que son film La Chambre d'à côté vient tout juste de sortir.

“Jamais je n’oserai comparer un de mes films au cinéma de Jean-Pierre Melville !”

Dans ce volet Video Club, il livre une intéressante anecdote totalement passée sous le radar chez nous, à la différence des Etats-Unis. Alors qu'il présentait son film Volver, en 2006, dans le cadre du fameux Festival du film de New York, espérant y remporter le prix du Meilleur film étranger, il s'est fait coiffer au poteau par un film sorti 40 ans auparavant. Et pas le moindre, puisque l'on parle de L'armée des ombres; le chef-d'oeuvre de Jean-Pierre Melville.

"En 2006, lorsque Volver est sorti aux Etats-Unis, il a remporté un grand succès critique. J'étais à New York en pleine promotion du film, et on espérait que les critiques new-yorkais nous donnent le prix du Meilleur film étranger. On suivait dans la Presse les titres des films sélectionnés. Volver ne l'a pas été, il n'a été qu'un deuxième choix.

Le film qui a été choisi en 2006 pour concourir au prix du Meilleur film étranger n'est autre que L'armée des ombres réalisé en 1966. J'avoue que jamais je n'oserai comparer un de mes films au cinéma de Jean-Pierre Melville. Mais il se trouve qu'il n'est sorti qu'à ce moment-là, là-bas. C'était une drôle de décision de choisir un film de 1966 pour un prix que l'on remet en 2006 !".

Les raisons d'une sortie aussi tardive

Sorti en 1969 en France, alors que le pays était encore traversé par les spasmes de l'après Mai 1968, L'Armée des ombres est l'un des plus grands films évoquant la Résistance et la période de l'Occupation.

Mis en scène avec une rigueur et une froideur absolument implacable, le film est porté très haut par une fabuleuse brochette de comédiens. Lino Ventura bien sûr, dans le rôle de Gerbier. Mais aussi Jean-Pierre Cassel, Paul Crauchet, Claude Mann, Paul Meurisse. Et bien entendu Simone Signoret, figure féminine sacrifiée dans une lutte à mort que la Résistance se livre à elle-même.

Une partie de la Presse française critiqua le film, qu'elle soupçonnait de glorifier Charles de Gaulle, notamment dans les pages des très influents Cahiers du cinéma. Influents jusqu'outre Atlantique, auprès des programmateurs de films d'art américains de l'époque, très liés et inspirés par la revue pour leurs propres programmations de films.

En raison de l'accueil mitigé du film en France, L'armée des ombres n'a été que faiblement distribué en dehors du pays. En Grande-Bretagne, il n'est sorti qu'à la fin des années 70. Aux Etats-Unis, le public n'a pu le découvrir qu'en 2006, à l'issue d'une restauration. C'est Criterion qui se chargea d'éditer cette version en DVD, en mai 2007.

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