35 ans après le chef-d'oeuvre de Ridley Scott, Denis Villeneuve tentait, avec Blade Runner 2049, le pari fou de livrer une suite à une oeuvre considérée à juste titre comme l'un des plus grands films du cinéma américain ; une oeuvre matricielle devenue une référence absolue.
C'est peu dire que l'annonce de la mise en chantier d'une suite au film de Scott, oeuvre séminale de la SF, était accueillie de prime abord avec des fourches par les fans. Quel intérêt de donner une suite à une oeuvre déjà parfaite, dont on n'a pas encore fini d'épuiser toutes les richesses ?
Denis Villeneuve a pourtant su brasser avec une intelligence confondante l'héritage de son glorieux aîné sorti 35 ans plus tôt. Qu'importe au fond si Ridley Scott a trouvé le film "Fucking trop long" (et a même récemment déclaré regretter de ne pas avoir lui-même réalisé le film...), ou que le producteur du premier film, Michael Deeley, taclait à la gorge l'oeuvre de Villeneuve en balançant un aimable "c'est de l'auto-complaisance au minimum, de l'arrogance probablement, et c'est criminel".
"C'est un projet fou, mais il vaut la peine de risquer de tout perdre"
Dans un entretien accordé au Hollywood Reporter en 2024, Denis Villeneuve évoquait ainsi sur son expérience sur ce projet si singulier. "2049 était vraiment une lettre d'amour au premier film, mais c'était de loin l'un des projets les plus difficiles que j'ai jamais réalisé, et je ne pense pas que je m'approcherai à nouveau de l'univers de quelqu'un d'autre. Il m'arrive encore de me réveiller la nuit en me disant : "Pourquoi ai-je fait ça ?" J'avais refusé quelques autres projets de cette envergure, mais à l'époque, je me suis dit : "C'est un projet fou, mais il vaut la peine de risquer de tout perdre".
Hypnotique et parfois contemplatif, porté par une bande originale qui sait se faire élégiaque, sublimé par une photographie signée par le grand chef op' Roger Deakins qui sera oscarisé pour son fabuleux travail, ce Blade Runner 2049 est du grand cinéma. Et il y avait le plaisir manifeste de retrouver Harrison Ford dans un rôle qui l'a aussi fait entrer dans la légende, aux côtés de celui de Han Solo.

Mais il fut une gifle au box office, ne rapportant même pas 100 millions $ sur le territoire américain. Et ce ne sont pas les presque 260 millions $ au BO mondial qui parviendront à absorber les 150 millions $ que le film a coûté, hors budget marketing. Il a même fait perdre 80 millions $ à la société productrice du film qui détenait les droits, Alcon Entertainment. Les deux Oscars et les critiques globalement très positives du film n'ont rien pesé pour sauver un film conçu comme un Tentpole movie, c'est-à-dire une franchise susceptible de générer d'énormes profits.
Le voeu de Villeneuve de faire une suite restera un bon moment une chimère. Même si les ayants droits ont depuis donné leur bénédiction pour une série animée, Blade Runner - Black Lotus, ainsi qu'une série en prises de vue réelle, Blade Runner 2099. Des entreprises qui restent de toute façon moins chères qu'un gros One Shot sur grand écran.