Thunderbolts* : un film Marvel qui parle de santé mentale et qui le fait bien ? Oui, c'est possible !
Maximilien Pierrette
Batman ou Flash. Le nouveau reboot de Spider-Man. Des X-Men marginalisés. L’évolution du personnage de Captain America. L’architecture complexe du Marvel Cinematic Universe. Les tentatives indé. Les super-héros du grand et du petit écran n’ont aucun secret pour lui. Ou presque.

Deuxième film Marvel de l'année 2025, "Thunderbolts*" réunit quelques méchants et anti-héros du MCU dans un long métrage étonnant, où il est question de santé mentale et de dépression. Oui, oui.

Ça parle de quoi ?

Marvel Studios rassemble une équipe de anti-héros peu conventionnelle : Yelena Belova, Bucky Barnes, Red Guardian, Le Fantôme, Taskmaster et John Walker. Tombés dans un piège redoutable tendu par Valentina Allegra de Fontaine, ces laissés pour compte complètement désabusés doivent participer à une mission à haut risque qui les forcera à se confronter aux recoins les plus sombres de leur passé. Ce groupe dysfonctionnel se déchirera-t-il ou trouvera-t-il sa rédemption en s’unissant avant qu’il ne soit trop tard ?

Thunderbolts*
Thunderbolts*
Sortie : 30 avril 2025 | 2h 06min
De Jake Schreier
Avec Florence Pugh, Sebastian Stan, David Harbour
Presse
3,0
Spectateurs
3,9
Séances (900)

Super anti-héros

Avant les 4 Fantastiques et le retour des Avengers, Marvel assemble ses Thunderbolts, dans le film du même nom, où le titre est agrémenté d'une astérisque qui intrigue bon nombre de spectateurs (mais qui ne restera pas sans réponse, promis). Bien qu'existant dans les comic books depuis 1997, ce groupe est un peu moins connu du grand public, et cela peut s'expliquer par le fait qu'il se compose de méchants ou anti-héros de l'univers.

De là à les décrire comme le Suicide Squad de Marvel, il n'y a qu'un pas que l'on pouvait franchir avant de voir le long métrage réalisé par Jake Schreier (Robot and Frank, ou la série Acharnés), mais pas vraiment après. Certes, depuis Falcon et le Soldat de l'Hiver et l'apparition de Valentina Allegra de Fontaine (Julia Louis-Dreyfus), version maléfique de Nick Fury, la possibilité d'une équipe d'éléments sacrifiables envoyés pour réaliser des missions secrètes et compliquées a pris forme petit à petit.

Mais le film ne va pas dans la direction attendue. Exit l'habituelle présentation des personnages sous forme de mini-clip, car Thunderbolts* part du principe que nous les connaissons tous (si nous avons vu tous les longs métrages et séries du MCU, oui, bien sûr) et les place dans une situation où ils se retrouvent au pied du mur et contraints de s'allier pour se venger de leur ancienne employeuse qui les a piégés. Une situation qui va les amener à regarder leurs fêlures en face pour mieux les guérir. Essayer du moins.

The Walt Disney Pictures

Et il y a de quoi faire, entre Yelena Belova (Florence Pugh), que l'on voit sauter de la seconde tour la plus haute du monde avant d'éliminer machinalement des assaillants dans la scène d'ouverture, alors qu'elle dit en voix-off ne plus avoir goût à rien, ni même de but, et se laisser porter par la vie ; John Walker (Wyatt Russell) qui aurait pu être le nouveau Captain America s'il n'avait pas dérapé aussi vite ; Ghost (Hannah John-Kamen) et Taskmaster (Olga Kurylenko) qui subissent encore les conséquences d'une enfance tragique ; ou Red Guardian (David Harbour), qui se rattache aux souvenirs de son passé de super soldat du bloc soviétique.

Sans oublier Bucky Barnes (Sebastian Stan) ou encore Sentry (Lewis Pullman, l'une des révélations de Top Gun : Maverick), aux pouvoirs dignes de ceux de Superman, mais doté d'une fragilité mentale qui les rend incontrôlables : "Dès qu'il a été question de l'avoir dans le film, nous avons immédiatement pensé que le sujet devait être au cœur du récit", nous dit Jake Schreier. "Quand on se replonge dans ses comic books du début du siècle ou qu'on discute avec Paul Jenkins [co-créateur de la version qui a inspiré celle du film, ndlr] de la parabole sur la santé mentale qu'il a voulu développer à travers lui, cela nous semblait honnête."

"Vis-à-vis du personnage et du fait que, comme sa santé mentale est sa kryptonite, une résolution interne nous semblait être la seule manière de donner du sens et une conclusion à ce film. Il s'agissait donc de lier les personnages à cette sensibilité, de trouver un moyen des les connecter à travers cela, puis qu'ils puissent l'extérioriser, car cela ne devait pas être une simple conversation, mais plutôt une confrontation de ces idées internes sous forme d'action."

"Il fallait aborder ces questions importantes avec tact"

"Il fallait éviter que ça ressemble à un message d'intérêt public, mais plutôt aborder ces questions importantes avec tact, tout en essayant de rester fidèles à ce que chacun d'entre nous ressentait à ce moment-là", complète Lewis Pullman. "Pour être honnête, j'ai grandi avec un trouble obsessionnel compulsif très important, de l'anxiété et de la dépression. Comme, probablement, la plupart des personnes présentes dans cet hôtel en ce moment, et c'est étrange qu'on n'en parle pas vraiment."

"Bénéficier d'une plateforme aussi importante et avec une telle portée m'a donné le sentiment d'avoir une grande responsabilité, mais c'était aussi le casting parfait pour aborder le sujet, car ces personnages sont compliqués, ils cherchent à comprendre les choses et on peut s'identifier à eux. J'ai l'impression que cela peut vraiment lancer une bonne conversation autour de la santé mentale. Je l'espère en tout cas." Il n'y a pas que la composition d'équipe qui était parfaite : le timing aussi car le sujet, tabou avant le Covid, est devenu plus important aujourd'hui.

"C'est d'ailleurs le message du film", acquiesce Wyatt Russell. "À savoir que nous avons été conditionnés à avoir les yeux rivés sur nos téléphones, car c'est par ce biais que les infos arrivaient. Nous avions tout à portée de main, et cela a accéléré le processus, au point que ce petit appareil dans notre main était devenu notre bouée de sauvetage, encore plus qu'avant. Mais cela a isolé les gens, et ce n'était pas bon pour l'humanité. On a besoin d'être avec les autres. On est mieux en équipe, on ne peut pas rester assis derrière son ordinateur à écrire des conneries pour se sentir mieux dans sa peau, ça ne marche pas. C'est comme prendre une dose d'héroïne : on se sent bien sur le moment, mais au final non, parce qu'on se fait plus de mal que de bien."

"C'est ce qui caractérise ces personnages : ils sont tous individuels, ils ont tous été mis de côté et veulent simplement faire ce qu'ils veulent, ne pas être jugés par les autres. Ils veulent faire leur travail et la seule façon d'y arriver, c'est de se rassembler et de former une équipe. Cela implique de mettre de côté nos différences, ce qui semble impossible à faire dans le monde d'aujourd'hui, et de respecter les différences de chacun, car c'est ainsi qu'ils finissent par sauver le monde. C'est la clé de leur succès."

The Walt Disney Pictures

"J'ai appris que j'avais le poste pendant la dernière semaine de tournage de la saison 1 d'Acharnés", ajoute Jake Schreier. "Ces idées faisaient déjà partie intégrante de ce que Lee Sung-Jin [co-scénariste du film et de la série, ndlr] avait apporté à Acharnés et, lorsque la série est sortie, il est devenu évident que ces idées n'étaient pas réservées à un public de niche. Qu'elles pouvaient fonctionner à plus grande échelle et être combinées avec de l'humour et de l'action. Cela nous a servi de repère et nous a donné confiance pour au moins essayer de voir si, à plus grande échelle, nous pouvions créer une histoire aussi profonde, mais avec tout l'humour et l'action que les gens attendent de ce genre de films, dans un contexte légèrement différent."

Malgré ce sujet qu'il traite avec sérieux et le fait que son récit prenne des allures de thérapie de groupe jusque dans son étonnant final, Thunderbolts* n'est pas non plus un film indépendant, quand bien même Jake Schreier cite Breakfast Club, Dans la peau de John Malkovich ou les films de Michel Gondry comme influences. Il y a de l'action à intervalles réguliers, du fantastique, un peu d'humour (mais à bon escient, pas pour désamorcer la moindre situation) et une conscience d'appartenir à un univers plus vaste.

Thunderbolts* reste seulement focalisé sur son histoire et ses personnages, ce qui lui permet d'affirmer sa différence jusqu'au bout. Avec un casting impeccable qui parvient à rendre l'ensemble attachant, et parfois émouvant. Et si c'était avec ce film et ses super anti-héros que quelques spectateurs parvenaient à se réconcilier avec Marvel ?

Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Londres le 24 avril 2025

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