Le dernier film de Bourvil ? Une inoffensive comédie familiale... transformée en film X
Olivier Pallaruelo
Olivier Pallaruelo
-Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

Rongé par un cancer des os, Bourvil tire sa révérence en septembre 1970, alors qu'il n'a que 53 ans. Si "Le Mur de l'Atlantique" passe pour être son ultime contribution au 7e Art, ce n'est, hélas, pas tout à fait exact...

"C'est reposant de jouer avec André. Et en plus, il est charmant, toujours de bonne humeur. Quelle chance d'avoir ce caractère ! J'aimerai bien qu'il m'en cède une partie, je serai plus aimable". C'est en ces termes pleins d'estime et d'affection que Louis de Funès parlait de l'inoubliable Bourvil.

Ce pur autodidacte fut un acteur "qui a incarné, dans presque tous les films qu'il a joué, presque tous les personnages qu'il a joué, au fond la même histoire. Quel que soit son rang, quelle que soit sa place sociale, dès l'instant où on se comporte correctement, on est porteur d'une part d'humanité", comme le racontait Dominique Raimbourg, un de ses deux fils; avocat pénaliste de formation et élu député en 2012.

Une part d'humanité profondément ressentie par le public qui l'a adoré, et l'adore toujours. On ne compte plus les multi rediffusions -avec cartons d'audience à la clé- de ses classiques indéboulonnables, que sont La Grande Vadrouille et le Corniaud, mais aussi Le Cercle rouge ou Le Mur de l'Atlantique en 1970, qui est censé être son tout dernier film. Rongé par un cancer des os qui l'emportera à l'âge de 53 ans, le tournage de ce film sera un calvaire pour lui, au point qu'il sera soumis à de régulières piqûres de morphine pour tenir...

La postérité aurait donc pu retenir cette dernière contribution au cinéma comme une ultime révérence de l'acteur chansonnier. Ce ne sera hélas pas tout à fait le cas...

Une inoffensive comédie familiale...

Cette même année, il avait accepté, par amitié pour la comédienne Arlène Clair, sa partenaire dans l'opérette Ouah ! Ouah !, de tourner bénévolement dans une comédie familiale signée par son mari, George Clair. Son nom ? Clodo.

L'histoire d'un gentil chien bâtard, qui n'a pas beaucoup de chance. Son aspect hirsute lui a valu ce nom de clochard. Souvent rabroué par ses maîtres parisiens qui le trouvent encombrant, sa seule consolation est Cathy, la fille cadette. Hélas, celle-ci ne peut empêcher ses parents d'abandonner Clodo au moment des vacances.

Le chien est alors recueilli par Fabien, un jeune paysan, malgré l'hostilité de sa famille. Ce dernier est secrètement amoureux de son amie d'enfance, Arlène, "la demoiselle du château", partie étudier à Paris. Mais elle revient au pays après une déception sentimentale...

Bourvil passa une journée sur le tournage, en juillet 1970, et son rôle tient plus du caméo, puisqu’il apparait dans le cadre (au sens propre du terme) d’un portrait représentant le fermier décédé de la famille d’agriculteurs du film.

A plusieurs reprises, on le voit réagir en riant ou en pleurant aux propos tenus lors des repas de famille, et sans que les membres de celle-ci puissent le voir. Sa voix était si altérée que c'est le réalisateur lui-même qui a dû le doubler...

Bourvil encadré dans le film... Capture d'écran
Bourvil encadré dans le film...

... Qui devient carrément un film X

Le destin de ce film est plutôt contrarié. Aucun distributeur n'en a voulu, et n'a donc pas connu d'exploitation en salle à l'époque de sa réalisation, en 1970. Cinq ans plus tard, la bobine est rachetée par des producteurs peu scrupuleux, qui remontent le film, agrémenté de scènes pornographiques. Le tout avec un nouveau titre : Clodo et les Vicieuses. Forcément...

Edité quasi confidentiellement en VHS dans sa version initiale, dans les années 90, Clodo fut projeté à trois reprises en présence de public, entre 2001 et 2014. La dernière fois s'étant faite dans le cadre de la Nuit Excentrique à la Cinémathèque française, en juin 2014.

"Certes, à l’époque il était monnaie courante de proposer deux montages (soft et hard) d'un même film, de rajouter des inserts pornographiques dans des œuvres pas nécessairement destinées à un tel sort, mais la ré-appropriation d'une œuvre familiale n'avait encore jamais emprunté ce chemin tortueux.

Le détournement du film de Georges Clair est une boîte de Pandore aussitôt refermée, qui pourrait en partie expliquer la profonde tristesse des hommes ayant grandi dans les années 70" écrit savoureusement le site Nanardland, qui s'est logiquement fendu d'une critique de cette version salement caviardée.

La version initiale, elle, est visible sur Youtube, si le coeur vous en dit...

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