On a vu Joaquin Phoenix et Pedro Pascal dans Eddington à Cannes : ce western paranoïaque et provocateur ne laisse pas indifférent
Mégane Choquet
Mégane Choquet
-Journaliste
Journaliste spécialisée dans l'offre ciné et séries sur les plateformes quel que soit le genre. Ce qui ne l'empêche pas de rester fidèle à la petite lucarne et au grand écran.

Nouveau film d'Ari Aster ("Midsommar", "Hérédité"), le thriller psychologique aux airs de western comique "Eddington" concourt à la Palme d'or au Festival de Cannes. Et il fait de sacrées étincelles.

Il s'est fait un nom dans le cinéma d'horreur avec Hérédité ou encore Midsommar : Ari Aster débarque pour la toute première fois au Festival de Cannes, et en Compétition officielle. Le réalisateur, producteur et scénariste américain concourt à la Palme d'or avec son nouveau long-métrage Eddington, pour lequel il retrouve Joaquin Phoenix, qu'il avait déjà fait tourner dans l'étrange Beau is Afraid.

Eddington
Eddington
De Ari Aster
Avec Joaquin Phoenix, Pedro Pascal, Emma Stone
Sortie le 16 juillet 2025

Pour ce quatrième long-métrage, Ari Aster réunit également Pedro Pascal, Emma Stone et Austin Butler dans un western noir qui lui permet de jeter un nouveau regard acerbe et sombre sur l'Amérique contemporaine. Une autre forme d'horreur différente de ce qu'il a pu proposer auparavant.

Retour durant le chaos de la pandémie

Avec Eddington, Ari Aster choisit de nous ramener en mai 2020 en pleine période de pandémie mondiale dans une petite ville du Nouveau Mexique, coupée physiquement du monde extérieur. Les habitants sont abreuvés de vidéos remplies de fake news, de théories du complot, de montée de la violence et affrontements communautaires et d'autres leaders d'opinion et influenceurs dangereux.

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Pour convoquer ces mauvais souvenirs, Ari Aster met en scène son Eddington comme un mirage cauchemardesque avec des séquences abruptes, des décors impressionnants et des rebondissements chiadés entre silences lourds de sens et violence et humour pétaradants.

C'est dans cette bulle désertique sous masques et distanciations sociales que se joue une guéguerre d'égo entre le shérif Joe Cross (Joaquin Phoenix) et le maire Ted Garcia (Pedro Pascal) de ce microcosme de 2500 habitants.

Marié à Louise (Emma Stone), sortant d'une dépression, et forcé de vivre en cohabitant avec sa belle-mère, Joe Cross est un électron fragile, manipulable et bloqué dans un ancien monde. Etouffé par celles et ceux qui le diminuent, ce shérif de seconde zone décide de se présenter aux élections municipales face à Ted Garcia, en pleine campagne de réélection.

Ce dernier est un maire progressiste (mais hypocrite) qui veut moderniser Eddington, terre reculée et baignée dans une histoire multiculturelle forte mais fermée aux avancées incontournables en raison d'une ambiance rétrograde, en attirant un nouveau centre de données dédié à l'Intelligence Artificielle.

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La candidature de Joe Cross va déclencher de nombreuses réactions en chaîne dans cette petite ville du désert, qui va basculer peu à peu dans un chaos destructeur mais révélateur des maux de notre société contemporaine. Et quand la bulle explose, elle fait mal.

Un microcosme délirant qui reflète la violence et l'absurdité de notre monde contemporain

Ce qui n'était qu'un petit réglement de comptes à OK Corral entre un shérif et un maire va finalement devenir un western de grande ampleur, oscillant entre l'expérience paranoïaque et le huis clos délirant, où tous les habitants vont se retourner les uns contre les autres.

Eddington est une proposition qui peut étonner de la part d'Ari Aster, qui nous a habitués à un tout autre cinéma avec ses précédentes oeuvres plus tournées vers l'horreur et l'angoisse à proprement parler.

Et pourtant, on retrouve dans Eddington des éléments de Midsommar (pour son côté communauté en huis clos) et Beau is Afraid (pour son délire parano déjà porté par un Joaquin Phoenix en grande forme).

Surtout, ce quatrième long-métrage est un projet de longue date. Ari Aster avait déjà l'idée de ce western noir psychologique dans les tuyaux et a injecté de nouveaux éléments du climat pandémique, dans les dynamiques sociétales, surtout désastreuses, qu'il a amené avec lui.

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Ce qui permet à Ari Aster d'aborder avec provocation et humour noir la fracture de l'Amérique contemporaine, qui en prend pour son grade (de tous les côtés) dans cette comédie psychédélique et angoissante qui reflète avec génie la violence et l’absurdité de notre monde.

Déjà opérée avec Beau is Afraid, Eddington marque une transition dans son imagerie cinématographique avec une forme d'horreur plus humaine, plus réaliste et plus politique, qui est difficile à encaisser. Alors cette proposition frontale et sans détour va forcément diviser.

Ce qui terrifie ici réside dans ce qui définit notre époque ultra démonstrative et individualiste, au détriment du vivre ensemble, et ce que nous renvoie l'écran noir que l'on consomme sans modération. Et depuis plusieurs années, ce n'est pas joli à voir.

Le 78ème Festival de Cannes se tient du 13 au 24 mai 2025.

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