"L'Art reste" : Juliette Binoche, Présidente du Jury, ouvre Cannes 2025 avec un discours puissant
Yoann Sardet
AlloCinéen pendant 25 ans, Rédacteur en chef de 2003 à 2025 - Fan de SF et chasseur de faux raccords et d’easter-eggs, cet enfant des 80’s / 90’s découvre avec passion, avidité et curiosité tous types de films et séries.

Juliette Binoche est la Présidente du 78e Festival de Cannes, qui se tient jusqu'au 24 mai 2025 sur la Croisette. L'occasion pour elle de lancer les festivités avec une prise de parole puissante.

JACOVIDES-MOREAU / BESTIMAGE

En quatre décennies de "rigueur et de talent" (pour citer le maître de cérémonie Laurent Laffite), Juliette Binoche a été récompensée aux Oscars (Le Patient anglais), aux César (Trois couleurs: Bleu), à Berlin (Le Patient anglais), à Venise (Trois couleurs: Bleu), aux European Film Awards (Le Chocolat)... et évidemment à Cannes (Prix d'interprétation féminine en 2010 pour Copie Conforme).

La comédienne française endosse pour les douze prochains jours un nouveau rôle qui lui va comme un gant : Présidente du Jury du 78e Festival de Cannes. Entourée de Halle Berry, Payal Kapadia, Alba Rohrwacher, Leïla Slimani, Dieudo Hamadi, Hong Sang-soo, Carlos Reygadas et Jeremy Strong, Juliette Binoche a pris la parole lors de la cérémonie d'ouverture, avec un discours engagé et touchant sur le pouvoir de l'art. Et de Cannes.

"L'art reste" : le discours de Juliette Binoche

Née actrice dans cette même salle. Du fond de mon cœur, je vous remercie et je remercie le festival. Merci pour cette invitation que je vais partager avec les membres du jury. Jury qui réunit le Congo, l'Italie, le Mexique, l'Inde, la Corée, les États-Unis, le Maroc et la France.

Les artistes ont la possibilité de témoigner pour les autres. Plus le niveau de souffrance augmente et plus leur implication est vitale. Guerre, misère, dérèglement climatique, misogynie primaire, les démons de nos barbaries ne nous laissent aucun répit.

Le vent des colères est aujourd'hui si violent et emporte les plus faibles. Les otages du 7 octobre et tous les otages, les prisonniers, les noyés, qui endurent la terreur et meurent dans un terrible sentiment d'abandon et d'indifférence.

Contre l'immensité de cette tempête, nous devons faire naître la douceur. Transformer nos visions fragmentées en confiance retrouvée. Guérir. Guérir notre ignorance et lâcher nos peurs, notre égoïsme. Changer. Changer de cap et face à l'orgueil, redonner de l'humilité. Toute, il faut lui redonner toute sa place.

Dans toutes les régions du monde, les artistes luttent tous les jours et font de cette résistance un art. Le 16 avril dernier, à l'aube, à Gaza, âgée de 25 ans, la photojournaliste Fatma Hassouna et dix de ses proches ont été tués par un missile qui a frappé leur maison. Elle avait écrit :

"Ma mort m'a traversée, la balle du tireur m'a traversée et je suis devenue un ange aux yeux d'une ville immense, plus vaste que mes rêves, plus vaste que cette ville. Je suis devenue une poète sainte aux yeux d'une forêt, me faisant ermite et prenant un cyprès pour offrande".

La veille de sa mort, elle avait appris que le film dans lequel elle figurait était sélectionné ici à Cannes, au Festival de Cannes. Fatma aurait dû être parmi nous ce soir.

L'art reste. Il est le témoignage puissant de nos vies, de nos rêves. Et nous, spectateurs, nous l'embrassons. Que le festival de Cannes où tout peut basculer y contribue.

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