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    Interview : Pitof dévoile sa Catwoman !

    Pas de Batman, pas de Gotham, mais un vrai personnage de femme. Le réalisateur français Pitof évoque, pour AlloCiné, sa future "Catwoman". Morceaux choisis...

    AlloCiné : Comment un réalisateur français se retrouve-t-il aux commandes d'un projet tel que "Catwoman" ?

    Pitof : Ca, je ne sais pas ! (rires). Après l'incroyable expérience d'Alien, la resurrection (NDLR, sur lequel il officiait en temps que responsable des effets visuels), j'ai eu envie de me diriger vers les studios hollywoodiens. L'opportunité s'est présentée par l'intermédiaire de mon agent américain qui a fait visionner Vidocq à de nombreux producteurs...C'est de cette manière que j'ai été connecté sur Catwoman.

    A quel stade de production se trouve le projet "Catwoman" ?

    Pour le moment, le projet est encore en développement. Nous avons une star qui est intéressée (Halle Berry). Des dates commencent à s'avancer. Mais je ne peux pas vraiment vous en dire plus : le script n'est pas encore terminé, et tout est encore un peu flou. On espère pouvoir démarrer le tournage à l'automne 2003, pour une sortie à l'été 2004 au plus tôt, même si rien n'a encore été arrêté.

    Pensez-vous faire appel à vos anciens collègues de Duboi pour certains effets du film ?

    Nous sommes actuellement en train d'évaluer comment travailler avec des partenaires français et étrangers au niveau des effets visuels. C'est d'ailleurs clairement le sujet du jour (Pitof partait pour les studios Warner Bros. de Los Angeles dès la fin de notre entretien téléphonique, NDLR).

    Avec "Vidocq", il apparaît que vous aviez déjà abordé le thème du super-héros... Est-ce selon vous ce film qui a démontré à Warner que vous étiez l'homme de la situation ?

    Absolument. Vidocq peut tout à fait être vu comme un super-héros "à la française". En même temps, je ne pense pas que ce soit la composante super-héros du film qui ait convaincu le studio : c'est plutôt l'univers et le traitement un peu particulier de l'image et du design qui ont attiré Warner.

    Parlez-nous du personnage, finalement peu connu du grand public sinon à travers "Batman, le défi"... Sous quel angle comptez-vous l'aborder ?

    Catwoman est un super-héros avec ses fondements propres, mais avec les attitudes d'un chat : une vision nocturne, la faculté de ce que pourrait sauter un félin, un instinct différent ainsi que de nombreuses autres capacités qui la rendent surhumaine. Sachant qu'elle n'a pas non plus les pouvoirs de Superman et qu'elle est soumise aux lois physiques traditionnelles.

    C'est en même temps une super-héroïne à part, qui va au-delà du comics. C'est un symbole sexuel, de félinité, de féminité, qui à mon sens est sur une autre voie que le super-héros traditionnel. De plus, à la différence des autres super-héros pour lesquels il y a effectivement UN Superman ou UN Batman, le concept est que de nombreuses Catwoman ont existé au fil du temps et que n'importe quelle femme peut être Catwoman.

    Maintenant, le concept est de faire évoluer ce personnage dans un monde relativement réaliste, à la Spider-Man. Nous allons transposer quelque peu la réalité, probablement dans un futur proche, mais dans un environnement urbain nord-américain tout ce qu'il y a de plus classique. Le propos du film est vraiment de traiter un super-héros au féminin avec l'épaisseur d'un personnage de femme : nous ne voulons pas faire de Catwoman une bimbo ou une bombe sexuelle justicière... C'est un héros de femme pour les femmes.

    Pour les spectateurs, le personnage de Catwoman reste Michelle Pfeiffer dans son costume de cuir sexy de "Batman, le défi"... De quelle manière allez-vous essayer de vous éloigner de cette icône ?

    C'est toujours un problème de lutter contre une telle icône. Mais tout sera différent : il n'y a pas de lien direct avec Batman, et le projet ne se situe pas dans l'imagerie de Batman qui n'apparaîtra d'ailleurs pas dans le film, l'environnement ne sera pas Gotham City, l'histoire sera différente, le costume sera différent.. ... On ne garde de Catwoman que le concept même. L'idée est de démarrer son histoire à zéro, et de lancer, pourquoi pas, une série de plusieurs films.

    Halle Berry a récemment signé pour le rôle-titre... Pourquoi un tel choix ?

    D'abord parce que c'est une excellente actrice. Il nous fallait également quelqu'un de très félin et de très habité, qui incarne une réelle ambiguïté avec deux personnages : un chat et une femme. Et que cette femme, par son visage, son attitude et son corps, exprime un sentiment de félinité. Et Halle Berry a vraiment toutes les qualités pour ça.

    Comment expliquez-vous l'engouement actuel autour des adaptations de comic-books : nouveaux héros pour le public américain, poules aux oeufs d'or pour les studios ou véritable volonté artistique autour de personnages intéressants et profonds ?

    C'est un peu un mélange de tout. Il y a notamment une volonté "artistico-technico-divertissemento-tout ce qu'on veut", qui fait qu'on arrive enfin, avec la technologie digitale moderne, à faire vivre en chair et en os les super-héros. Jusqu'à présent, les séries télévisées et les dessins animés ont toujours été quelque peu kitsch, et ont maintenu les super-héros dans le cadre de la télévision. Aujourd'hui, nous avons les moyens technologiques de faire vivre ces super-héros de manière extrêmement réaliste, et de transposer au cinéma ce qu'on pouvait imaginer en lisant les BD.

    Je pense que cette vague ne va pas s'arrêter pour le moment, car nous ne sommes pas encore arrivés au bout de ce que les spectateurs veulent voir, et de ce qu'on peut montrer avec ces personnages et ces univers. Cette envie se retrouve des deux côtés : du côté production/studio/créateurs, et du côté du public.

    Justement, parlons du public. Warner Bros. envisage de produire "Catwoman", un nouveau "Superman", et au moins deux nouveaux "Batman"... N'y a t-il pas un risque d'overdose de super-héros, ou en tout cas de saturation, du côté des spectateurs ?

    Je ne crois pas, car à chaque fois ce sont des publics quelque peu différents : le public de Batman n'est peut-être pas forcément celui de Catwoman, qui n'est pas forcément celui de Superman ... Il y aura peut-être une saturation au bout d'un certain temps. Mais les spectateurs sont pour le moment toujours au rendez-vous, comme on a pu le voir avec Daredevil, parce que ces films sont avant tout des spectacles répondant à un certain nombre de canons, dans lesquels on sait ce qu'on va voir. Donc c'est vraiment, entre guillemets, un produit de divertissement standard, sans vraiment de surprises... Et c'est le genre de films où l'on ne tient pas vraiment à avoir de surprise... C'est très particulier comme cinéma.

    Qu'est-ce qui fait, selon vous, un bon film de super-héros, et au contraire un film de super-héros raté ?

    Le bon film de super-héros est un film répondant à nos attentes. Il doit être le plus fidèle possible à ses origines mais sans être limité par elles. Ce qui en fait un exercice très difficile : il faut avoir digéré la charte du super-héros et l'avoir traitée, mais pas en-deçà de l'attente du public, et sans trop extrapoler non plus par rapport au comics original... L'exemple le plus réussi a été Spider-Man : Sam Raimi a ajouté un petit quelque chose d'original avec le choix inattendu de Tobey Maguire, tout en restant dans la veine de l'homme araignée et en respectant ses codes.

    Vous développez actuellement le film à Hollywood : quel regard portez-vous sur cette industrie américaine, par rapport au monde du cinéma français ?

    La réponse est contenue dans votre question ! On parle de cinéma français et d'industrie américaine. En France, on fait un cinéma plus artisanal. Ici à Los Angeles, le cinéma est avant tout une industrie, géré comme telle. C'est complètement autre chose. D'ailleurs je remercie Jean-Pierre Jeunet de m'avoir donné cette expérience (sur Alien, la resurrection, NDLR) et de m'avoir permis d'en comprendre le fonctionnement, qui est 100 % industriel.

    Le metteur en scène n'a aucun pouvoir à Hollywood : c'est un employé comme un autre, sollicité toutefois de manière créative et artistique. Je suis aujourd'hui dans la "phase positive" où le studio me demande mon avis et ce que je veux faire, sachant que le projet est encore en développement... Mais une fois tout sera arrêté, si je ne suis pas capable de faire les choses comme eux ont envie qu'elles soient, je suis remercié et je rentre en France... Le système est comme ça, je le sais, et c'est évidemment terrorisant. Pas terrorisant au niveau de la maîtrise, car nous avons cette maîtrise à partir du moment où nos idées sont celles que le studio a envie d'entendre -ce qui nous donne beaucoup de liberté-, mais terrorisant sur le retour : si le film ne correspond pas à ce qu'ils souhaitent, "Au revoir !"...

    Propos recueillis par Yoann Sardet

    Vignette : DC Comics/2003 SEMIC S.A.

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