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    Samuel Labarthe, portrait du Cary Grant des "Petits Meurtres d'Agatha Christie"

    "La Conquête", "La Bûche", "Les Egarés", "L'accompagnatrice"... Samuel Labarthe s'est forgé une route solide et libre, faite autant de cinéma que de théâtre et de télévision. Visiteur de l'Histoire, élégant du naturel et incarnation parfaite de l'idée qu'on pourrait se faire d'un James Bond français, il interprète aujourd'hui le héros sarcastique des "Petits Meurtres d'Agatha Christie". Portrait d’un acteur rare que l'on devrait voir beaucoup plus souvent...

    © France 3 / Yann Matton

    Parfois, on pourrait le croire venu d’un autre temps. Grand, imposant, charismatique, Samuel Labarthe est de ces acteurs qui dégagent une élégance naturelle sans jamais rien forcer. Il est aussi de ceux qui évoluent en dehors du star system, de ces seconds rôles qui volent la lumière aux premiers et dont le nom ne nous revient pas forcément tout de suite. Il est aussi de ces acteurs que le métier imagine souvent dans des rôles d’époque ou en costumes et qui, de par leur allure et leur stature, rappellent des pointures d'antan telles que Gary Cooper et Cary Grant. Rien d’étonnant à ce que ce soit justement lui qui ait été choisi pour incarner le visage de la nouvelle génération des Petits meurtres d'Agatha Christie. En plantant l'action au coeur des années 50, la production cherchait en effet à donner à ses personnages le calibre d'un duo à la Cary Grant /Shirley MacLaine...

    Mais, cette comparaison, flatteuse, Samuel Labarthe, l’élude avec la modestie qui le caractérise, pour revenir à ce qui lui semble essentiel, à ce qu'il cherche à toucher quand il joue : "Cary Grant était effectivement dans les années 20 ou 30 un jeune premier extrêmement élégant. Très vite, il s’est dit qu’il ne deviendrait pas un jeune premier comme ça et il a fait semblant de se casser la gueule devant la caméra et on a très vite vu son pouvoir de comédie. Et moi ce qui m’intéresse, c’est justement de casser ce qui peut être rigide et élégance avec la comédie. Parce qu’il y a une sorte de dérision, on ne se prend pas au sérieux et c’est ça qui est merveilleux avec Agatha Christie, c’est que ça me donne l’occasion de le faire. Oui encore une fois, on me donne un personnage avec une certaine rigidité, une certaine raideur, une certaine élégance mais il y a la comédie, on s’envoie des répliques assassines, on a un petit regard en coin, une certaine dérision."

    © Escazal Films

    Sarcasme et amour

    Depuis mars 2013, il manie en effet cette dérision aux côtés de Blandine Bellavoir, les deux acteurs formant l’irrésistible duo Swan Lawrence/Alice Avril : la rencontre entre un commissaire impeccable, séduisant, rigide, froid et plein d'assurance et d’une jeune journaliste passionnée mais gaffeuse. Un tandem qui est parvenu à reprendre la série après le passage des bien-aimés Larosière/Lampion (Antoine Duléry & Marius Colucci ). "Je savais que c’était un projet de qualité, c’était un pari assez fou de changer d’époque, de personnages alors que cette série existait par ailleurs et avait beaucoup de succès. En lisant le premier scénario, j’ai tout de suite dit : 'mais c’est merveilleux, c’est de la comédie anglo-saxonne !'"

    Et l’humour anglais, l’humour à froid qui se dégage de la série, Samuel Labarthe en raffole : "J’ai toujours aimé ça. Ce rapport chien/chat entre les personnages. On s’envoie des vannes et puis derrière on s’en veut parce qu’on y a peut-être été trop fort (...) J’avais envie de lui donner ce côté rigide, un peu Dr House, parce que c’était un petit peu le référentiel, dans le sens où c’est un personnage odieux mais auquel on s’attache. Et ça a très bien marché d’ailleurs parce que les deux premiers épisodes ont eu du succès mais j’ai eu aussi des retours de gens qui me disaient : "Mais il est vraiment désagréable ! Il lui envoie de ces trucs, il n’est pas drôle !"

    © Escazal Films

    Et si la dynamique de ce nouveau duo fonctionne c'est aussi grâce à l'alchimie qui existe entre les deux comédiens, très palpable à l'écran : "Ce qui m’a rassuré immédiatement, c’est le fait qu’en ayant fait les essais, on s’est rencontrés avec Blandine et le courant est passé immédiatement. C’est une chose qui ne s’explique pas, la connivence, la complicité qu'il peut y avoir entre deux acteurs sur le mode de la comédie, le rythme..."

    Entre leur deux personnages, la complicité est là mais parcourue d’électricité, d'autant que Swan a une certaine idée des femmes : "C’est l’époque qui veut ça aussi. On est dans une époque où une femme ne peut pas sortir sans son chignon, sa mise en plis, maquillée comme c’est pas possible, avec son tailleur et sa gaine, etc... Lui est issu d’une éducation, d’un milieu plus aisé, un peu à l’anglaise, son père est anglais, sa mère est française. Et puis, il a des principes et après il y a sa nature d’homme… On le comprendra peut-être dans d’autres épisodes pourquoi il a ce rapport aux femmes, il y a des choses qui ont dû l’encourager à avoir ce type de relation. Il s’est créé une sorte de carapace pour ne pas montrer ses émotions, pour ne pas être vulnérable dans un  métier très dur, qui consiste à traquer des criminels. C’est quelqu’un qui ne se fait pas beaucoup d’illusions sur la nature humaine en tout cas."

     © D.R.

    James Bond à la française

    Un brin macho et totalement cynique, Lawrence est aussi un grand séducteur devant l'éternel. Gentleman à ses heures, il représente parfaitement l'idée d'un James Bond à la française, même si l'acteur évoque également d'autres possibilités de représentations. "Toute l’imagerie collective qu’il y a autour de ce personnage est tellement énorme… Ca peut être aussi Amicalement vôtre, Chapeau melon et bottes de cuir, Le Saint, OSS 117, Mad Men, des films d’Hitchcock comme La Mort aux trousses... C’est toute une sorte de carrefour de personnages."

    Tous ces héros, il est également très aisé d'imaginer Samuel Labarthe les incarner. L'acteur français aurait été un parfait OSS 117 et surtout un parfait James Bond. Mais, si l'occasion s'était présentée, aurait-il aimé porter le personnage ? "Oui, mais ça aurait été emmerdant pour la Reine d’Angleterre parce que voir débarquer un français, c’est Trafalgar à l’envers. J’étais un fan des Sean Connery, des Roger Moore... Oh oui, j’aurai adoré absolument. C’est tout mon imaginaire de gosse, j’ai baigné là-dedans, jusqu’à même retrouver le ton. Parce qu’à l’époque, il y a trente ans, on ne regardait pas forcément les films en VO, il y avait le ton du doublage de l’époque, les voix françaises et leurs musiques particulières avec une voix très timbrée, très articulée. J’avais envie de retrouver ça dans ce personnage."

    George Clooney à la française

    Les voix, le doublage, Samuel Labarthe connaît d'ailleurs très bien. L'acteur pratique l'exercice depuis des années. S'il a doublé une fois Rupert Everett et Javier Bardem (pour Skyfall), Liam Neeson à de très nombreuses reprises, il est surtout le doubleur de George Clooney depuis 2001 et Ocean's Eleven. "Ca aussi c’est un hasard. C’est la directrice de la Warner qui est venu voir 'La boutique au coin de la rue' et qui a trouvé ma voix sympa. Elle m’a contacté une première fois pour doubler George Clooney.

    Je n’avais pas fait énormément de doublage, seulement au coup par coup, et puis ca a collé. Mais ce que j’ai aimé, c’est que ça a duré. Et que du coup, j’ai vu l’évolution de cet acteur. Quand il a commencé à prendre la caméra, quand il a fait ses premiers films, quand il a choisi ses rôles, quand il est entré en production, quand il a donné la chance à des premiers réalisateurs. Et je l’ai aimé de plus en plus, vraiment, je l’ai accompagné et je l’en ai aimé encore plus. Il y a une sorte de fraternité secrète, parce que lui ne connait même pas mon existence, et de complicité secrète, c’est assez drôle. Comme je l’ai beaucoup observé, j’essaie de reproduire ce qu’il fait et j’ai analysé son jeu, je connais ses – je ne vais pas dire ses tics car il n’en a pas beaucoup – mais, là où il aime aller, ce qu’il aime faire, son fonds de commerce si on peut dire. Il s‘est tellement amélioré, j’ai beaucoup d’admiration."

    Lui-même à la française

    Mais s’il l’admire, aimerait-il le rencontrer ? "Oui, mais je bredouillerais, je serais comme un provincial, en disant : "Pardon c’est moi qui vous double…" Déjà ça fait ridicule. Je ne saurai même pas comment l’aborder." L’humilité, c'est aussi l'une des caractéristiques de celui qui a commencé sur les planches dans les années 80 et qui, fort d'une carrière riche, n'a jamais cherché à devenir une star, mais simplement à exercer son métier : "Est-ce que c’est de ma faute, je n'en sais rien. On n’est pas victime du star system dans le sens où ça nous tombe dessus et on ne l’a pas choisi. Je n’en suis pas responsable à la limite. Je suis heureux d’être aujourd’hui comme ça parce que j’ai l’impression de faire mon métier comme on peut le faire, comme on doit le faire, sans pression totale, médiatique, ou autre, que ça ressemble encore un peu à de l’artisanat. Et j’ai envie que ça soit comme ça."

     © France 3 -  Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011

    Caméléon libre

    Connu et méconnu tout à la fois, Samuel Labarthe est salué par la critique et le public, au théâtre autant que sur les écrans. En 2011, il a d’ailleurs reçu nombre d’éloges pour son interprétation de Dominique De Villepin dans La Conquête, mimétique à en écarquiller les yeux. L’acteur avait d’ailleurs auparavant déjà campé un homme politique : Chirac dans Mort d'un président. Et quand on lui demande ce que lui évoque donc le pouvoir, il répond : "Le premier mot qui m’est venu c’est l’aliénation. C’est dingue… Le film extraordinaire, L' Exercice de l'Etat de Pierre Schoeller, est remarquable, pour montrer ça. Comment on vous prend un homme de bonne intention, de bonne volonté et qu’on vous le casse, qu’on vous le hache en menu morceau et qu’on arrive à dégrader son image à la fin. Le pouvoir est quelque chose d’effrayant, de tentaculaire."

    Aimant passer d’un genre à un autre, d’un support à l’autre, Samuel Labarthe aime les fluctuations, la liberté, celle aussi de pouvoir choisir ses rôles et de pouvoir évoluer autant au cinéma qu'à la télévision : "Il y a des cloisonnements partout. Je suis pour les passerelles de plus en plus…" Mais, qui reste surtout attaché à sa matière première, le théâtre : "C’est essentiel. C’est fondateur. J’ai commencé sur les planches, j’ai eu des maitres au théâtre qui m’ont constitué comme acteur, à qui je pense même s’ils ne sont plus là et qui m’ont livré un message, qui m’ont transmis un message et je trouve que cette transmission elle est précieuse. Et j’ai besoin de la vérifier sur les planches, j’ai besoin de me remettre en question sur les planches. J’ai besoin de travailler mon outil sur les planches et de ne pas me cantonner à ce que je pense savoir faire, de prendre des risques et essayer d’autres choses, toujours (...) J'ai encore des rêves d’acteurs, de rôles, j’en ai pas mal. J’ai cette chance d’être à la Comédie française aujourd’hui et de me dire que je vais sans doute avoir la possibilité de les faire un jour."

    Raphaëlle Raux-Moreau

    => "Les Petits meurtres d'Agatha Christie", ce vendredi 27 décembre à 20h45 sur France 2

     

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