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    "Kaboul Kitchen" : comment s'organise une équipe de scénaristes en France ? [2ème Partie]

    Deuxième partie de notre entretien avec les scénaristes de "Kaboul Kitchen" : Jean-Patrick Benes, Allan Mauduit, Fanny Herrero, Quoc Dang Tran et Adriana Soreil. Ils reviennent sur l'organisation d'une équipe d'écriture de série en France mais font également un point sur le rôle du showrunner aux Etats-Unis ! La saison 2 de "Kaboul Kitchen" démarre prochainement sur Canal+.

    Deuxième partie de notre entretien avec les scénaristes de Kaboul Kitchen : Jean-Patrick Benes, Allan Mauduit, Fanny Herrero, Quoc Dang Tran et Adriana Soreil.

    LIRE LA PREMIERE PARTIE DE L'INTERVIEW

    L'organisation et l'animation d'une équipe de scénaristes, le rôle du directeur d'écriture en France et les différences avec le showrunner à l'américaine... les cinq auteurs décortiquent la fabrication d'une série en France.

    La saison 2 de Kaboul Kitchen débute prochainement sur Canal+...

    Les scénaristes de "Kaboul Kitchen" de gauche à droite : Quoc Dang Tran, Fanny Herrero & Jean-Patrick Benes

    © Thomas Caramelle / AlloCine

    Comment une équipe de scénaristes s'organise ? Comment elle travaille ?

    Fanny Herrero : Cela dépend vraiment des séries.

    Prenons l'exemple de "Kaboul Kitchen" et ensuite effectivement on élargira à d'autres séries...

    Allan Mauduit : En France ça s'organise très mal ! (Rires)

    Jean-Patrick Benes : Il faut d'abord un "directeur d'écriture". Sur Kaboul Kitchen, on n'a pas voulu forcément opérer ainsi. On voulait travailler différemment parce que cela nous convenait plus et parce qu'avec Allan on avait d'autres projets à traiter.

    Allan Mauduit : On a créé Kaboul à trois : Marc Victor, Jean-Patrick et moi. On a supervisé toute la saison 1 et réalisé les 6 premiers épisodes.

    Jean-Patrick Benes : On a tout de même reçu l'aide de deux autres scénaristes sur la fin de la saison 1.

    Allan Mauduit : On en avait besoin car le tournage approchait vite. Pour de multiples raisons, on n'a pas continué de la même façon sur la saison 2. On a écrit les 6 premiers épisodes et les 6 synopsis suivants puis on a passé le relai à Fanny, Quoc et Benjamin. Puis Adriana et Gabor Rassov, qui avait déjà travaillé avec nous sur la saison 1, sont arrivés.

    Jean-Patrick Benes : On a fait 2 ou 3 séances de brainstorming pour échanger et parler de ce qu'on imaginait pour la saison 2, pour avoir de nouvelles idées et pour créer l'équivalent d'une writing room à l'américaine, sauf que là-bas il y a un showrunner qui dirige et des auteurs qui travaillent pour lui.

    Et la "writing room" est un lieu d'échanges régulier, quotidien.

    Jean-Patrick Benes : Oui et tous les auteurs réfléchissent aux épisodes de chacun. Tout le monde échange les idées. Chacun part avec un sujet, l'écrit, revient.

    Et c'est une expérience qui peut se révéler traumatisante, dure, très dure...

    Jean-Patrick Benes : C'est normal. C'est traumatisant de faire lire ses textes, d'entendre que c'est mauvais et de repartir dessus. Après c'est une habitude et quand tu sais que tu es mauvais... (Rires)

    Fanny Herrero : Il faut admettre que c'est un travail. On fonctionne par couches successives. Au début ce n'est pas génial et après, par strates...

    Jean-Patrick Benes : Quand on a démarré l'écriture, les producteurs nous ont dit qu'il fallait 2 semaines pour écrire un 30 minutes. On s'est rendu compte de notre côté que cela prenait entre 1 mois et demi et deux mois. Tout simplement parce que nos premières versions étaient pourries. Des amis lecteurs nous le confirmaient... et oui, je confirme, il faut effectivement pouvoir l'entendre ! (Rires) Au final par épisode, on faisait entre 7 et 12 versions ! Après, la copie jugée "bonne" passait chez le producteur, qui la transmettait ensuite à Canal+. Mais si cette version était satisfaisante, c'est aussi parce le scénario était passé par toutes ces étapes de réécriture. Il faut absolument présenter au producteur et au diffuseur la version la plus aboutie possible. Parce que c’est trop dangereux d’arriver chez un diffuseur avec une version médiocre : vous perdez sa confiance et vous le forcez à trouver des solutions. Et puis quand il les trouve, le producteur adore … alors que la solution n’est pas toujours la bonne.

    Allan Mauduit : Si ces interlocuteurs souvent extrêmement bien intentionnés et pleins de qualité voient un problème, ils doivent absolument s'arrêter là, et ne pas proposer de solutions, pour une scène ou une réplique. C'est important de souligner les faiblesses d'un scénario, mais toutes les solutions suggérées sont rarement bonnes. Une bonne solution, ça passe souvent par du travail, beaucoup de travail, ces personnes n’ont pas le temps, ce n’est pas leur rôle, c’est le nôtre.

    Fanny et Quoc, vous êtes ou vous avez aussi travaillé sur d'autres séries, notamment "Les Bleus", "Un Village Français" et "Fais pas ci, Fais pas ça". Deuxième question naïve : comment on passe de "chef d'écriture" à "simple scénariste" avec tous les guillemets de circonstance...

    Fanny Herrero : Jongler entre ces deux positions garantit pour moi un certain équilibre. Diriger, c'est très beau mais c'est très dur. C'est très stressant et ce sont des décisions à prendre tout le temps. Le niveau de stress est très élevé. Avec une excitation incomparable bien entendu. Revenir en tant que "simple" auteur, c'est hyper agréable. La démarche d'être "au service de" est plus modeste aussi. Tu écoutes, c'est plus simple, moins exposé. Ma vie rêvée d'auteur, c'est d'alterner des moments où je suis plus "en charge", et d'autres où j'écris un épisode pour la série de quelqu'un d'autre. C'est davantage l'organisation du temps qui est compliquée finalement. Diriger, c'est très chronophage.

    Quoc Dang Tran : Notre métier et notre passion, c'est d'écrire. Quand on dirige, on écrit moins. A l'origine, ce n'est pas mon métier de repasser sur les textes des autres. Je peux le faire car j'aime bien entraîner, mais je préfère largement jouer. Si on me balance un ballon sur le terrain, je suis content. C'est évident qu'en dirigeant et en repassant sur des scénarios, on apprend soi-même. Quand on est au service d'un autre, on apprend également. C'est très complémentaire et absolument pas une question d'ego. C'est un vrai plaisir d'être un "simple" auteur.

    Fanny Herrero : Cela ne fait pas appel du tout aux mêmes compétences. Il y a bien une technique de scénariste qui se met en place, qu'on applique et qu'il faut transmettre. Ce n'est d'ailleurs pas toujours simple. On peut être un très bon auteur et être beaucoup moins doué pour diriger. Cela te fait poser d'autres questions et te place dans un autre rapport relationnel. Quand tu diriges, on compte sur toi, il faut se montrer diplomate, ferme, avoir une vision très précise... Ce n'est pas toujours le cas, donc on peut se retrouver aussi à bluffer un peu ! (Rires) Ce sont deux métiers différents.

    Jean-Patrick Benes : Fanny, Quoc, Adriana et Benjamin ont fonctionné en pool d'écriture.

    Fanny Herrero : On avait notre organisation parallèle.

    Jean-Patrick Benes : C'est Marc Victor et Canal+ qui ont fait les traits d'union. On n'a pas vraiment joué le jeu des séries américaines.

    Fanny Herrero : D'ailleurs il faut aussi parler de la position de Véra Peltekian chez Canal+, qui est assez particulière. Elle suit la série et joue presque le rôle de directrice d'écriture. C'est assez rare. Et elle est vraiment bonne dans ce rôle. Elle nous a aidés pour que tout cela reste très cohérent. Elle a une vision très précise, elle nous accompagne.

    Quoc Dang Tran et Fanny Herrero

    © Thomas Caramelle / AlloCine

    Si on devait schématiser rapidement, ce serait quoi la différence entre "directeur d'écriture" et "showrunner" ? Le showrunner a une implication plus importante dans la production ?

    Allan Mauduit : Un showrunner a une vision artistique sur toute la chaîne de production. C'est à peu de choses près ce qu'on a fait sur la saison 1. On a créé la série et on l’a accompagné à toutes les phases.

    Fanny Herrero : Vous vous êtes aussi occupés du casting ?

    Jean-Patrick Benes : Oui, avec Canal+, ce qui est logique.

    Allan Mauduit : Je ne sais même pas si le poste de "directeur d'écriture" existe aux Etats-Unis. Là-bas le showrunner dirige l'écriture en plus du reste de la fabrication, montage inclus.

    Jean-Patrick Benes : Le showrunner connait parfaitement l'écriture de "sa" série. Quand il arrive sur le tournage, il sait ce qui fonctionne, ce qu'il faut retravailler, pourquoi une séquence est obligatoire. Il est un peu l'équivalent du réalisateur sur un film. En France il faudrait comprendre qu'on a besoin d'un showrunner. On n'a toujours pas passé ce cap. Actuellement les producteurs revendiquent ce rôle, le réalisateur aussi.  Pourtant il s'agit d'un boulot à part entière.

    Fanny Herrero : On n'est pas encore tout à fait prêt. Peu de gens en sont capables...

    Jean-Patrick Benes : Mais c'est possible. Les Revenants avec Fabrice Gobert est un bon exemple.

    Fanny Herrero : Ou Frédéric Krivine sur Un Village français. Mais cela reste un métier pour lequel on n'est pas vraiment formé en France. On peut se revendiquer showrunner mais c'est surtout une compétence qui s'apprend et qui se bâtit.

    Allan Mauduit : Il n'y a qu'aux Etats-Unis qu'on peut mettre 7 à 8 pointures dans une pièce pour résoudre un problème d'intrigue.

    Jean-Patrick Benes : Et qu'on a les moyens de les payer correctement.

    Allan Mauduit : En France on entend parfois "On a pris notre temps pour la saison 1, mais il faut que ça aille vite pour la seconde." Cela veut dire quoi ? Qu'on sera plus nombreux pour écrire ou qu'il va simplement falloir écrire plus vite ? Il faut être plus nombreux pour écrire plus vite et mieux, mais cela nécessite des moyens.

    Il y a le fameux argument "Vous connaissez l'univers et les personnages, donc vous pouvez écrire plus vite"...

    Fanny Herrero : Ce n'est pas faux.

    Jean-Patrick Benes : Si on prend entre 1 mois et demi et 2 mois pour écrire les épisodes de la saison 1, on attend logiquement de nous de réduire ce temps pour la suite. La réalité, c'est qu'on n'a pas réussi.

    Allan Mauduit : Si on connaissait mieux les personnages, on avait aussi déjà raconté 12 histoires ! On avait tissé et exploré les liens entre les personnages. Pour une seconde saison, il faut réinventer des choses nouvelles. Cela prend aussi du temps. On teste, on se plante... Et si une saison s'achève avec le kidnapping du personnage principal, naturellement il faut monter d'un cran et sortir dès lors des "simples" intrigues de bistrotier. Ce n'est pas exactement le même travail mais cela prend au final le même temps.

    Comment on dirige une équipe de scénaristes aussi divers, avec chacun ses qualités, ses obsessions, ses défauts aussi...

    Fanny Herrero : De ce point de vue-là, c'est effectivement plus simple d'arriver "simple auteur" comme tu le disais tout à l'heure. Ce n'est pas pareil d'arriver sur une série qui existe, où tu sais que c'est Gilbert Melki qui joue le rôle principal, tu as presque déjà dans la tête sa petite musique. C'est plus facile de se glisser. Tu ne fais pas un trait sur tes obsessions, parce qu'il y a toujours des choses personnelles qu'on met dans les textes même quand c'est la série de quelqu'un d'autre. C'est plus compliqué d'arriver sur une série en train d'être créée. Les personnages sont encore un peu dans la tête du créateur. Et à transmettre c'est beaucoup plus dur, on l'a tous expérimenté. Dans ces cas-là, la position du créateur qui va diriger ses scénaristes est essentielle.

    Quoc Dang Tran : C'est la différence entre avoir un terrain totalement vierge et un terrain où il y a déjà une maison, avec quelques habitants. Avec Kaboul Kitchen, nous sommes arrivés dans une maison déjà bien bâtie, il fallait ajouter des annexes. Un créateur est un inventeur de recettes, cette même recette sera réutilisée par d'autres personnes ensuite. Cela peut donner un plat bon, et d'autres fois immangeable. Oui j'utilise souvent des métaphores foireuses ! (Rires) Pour répondre à ta question, c'est purement et simplement du management. Il y a une certaine dimension créative, bien entendu, mais la bonne nouvelle c'est que quand une bonne idée sort, il est rare que tout le monde soit en désaccord.

    Fanny Herrero et Jean-Patrick Benes

    © Thomas Caramelle / AlloCine

    Il y a eu des mauvaises idées mises de côté pour "Kaboul Kitchen" ?

    (Rire général)

    Fanny Herrero : Jamais !

    Pouvez-vous donc me donner un exemple de "mauvaise idée" écartée ?

    Allan Mauduit : Non… il y en a trop ! Nous avec Jean-Patrick on a ce qu’on appelle une "boîte à idées". Ça marche comme ça : Je lui propose une idée, Jean-Patrick grimace et me dit : "Tu vois celle-là, on va la mettre dans la boîte à idées !". Et vice versa. Et tous les mois on la vide, comme quand tu descends tes poubelles.

    Jean-Patrick Benes : Pour te donner un exemple sur la première saison, une fille devait arriver et agacer tout le monde. Elle devait être tellement mignonne qu'elle contrariait toutes les femmes du Kaboul Kitchen, notamment Sophie (Stéphanie Pasterkamp).

    Fanny Herrero : Bande de mecs ! (Rires)

    Allan Mauduit : En Afghanistan, ils ont lancé l'"Afghan Star", l'équivalent local de "Nouvelle Star". On s'est dit : en saison 1, Habib (interprété par Fayçal Azizi) va faire cette émission. On n'a pas réussi à l'insérer, on s'est donc dit qu'on allait le faire en saison 2. On n'a pas réussi... Alors peut-être qu'en saison 3, Habib va faire l'"Afghan Star" ! (Rires)

    Jean-Patrick Benes : Ou alors ce sera pour le spin-off !

    Fanny Herrero : Ce personnage pourrait vraiment avoir son spin-off ! Il peut tenir une série. Il est génial.

    Comment on constitue une équipe de scénaristes ?

    Jean-Patrick Benes : On a fait ça en collaboration avec les producteurs et Canal+. Finalement entre scénaristes on ne se connait pas tant que ça. On a donc fait des tests. Canal+ a fait le tour des agents de Paris. Des tests ont été organisés et les auteurs ont bien voulu s'y plier.

    Allan Mauduit : On a dit : "On veut des très bons !"

    Quoc Dang Tran : Oui, j'imagine que tu n'as pas dit "On veut les plus mauvais !" (Rires)

    Allan Mauduit : On n'a pas fait 10 000 tests non plus, les "très bons" tu les identifies tout de même assez rapidement. Il se trouve que Quoc, Fanny et Benjamin sont chez le même agent que nous, Film Talents. Lionel Amant, notre agent, nous a parlé de ce trio. Avec Jean-Patrick, on a compris que c'était une vraie plus-value que ces 3 scénaristes se connaissent. Par ailleurs on aimait bien ce qu'ils avaient fait auparavant. On était donc assez impatient à l'idée de lire leurs tests. Et on n'a pas été déçu.

    Quoc Dang Tran : Trouver les bons auteurs pour une série, c'est très compliqué. Aux Etats-Unis, le système des "spec scripts" marche très bien. Si un scénariste de Community veut bosser sur telle série, il a la possibilité d'être testé en écrivant. En France, on n'a pas de système comme celui-ci. C'est aussi pour cette raison que les tests sont une bonne idée.

    Fanny Herrero : Oui mais c'est rare.

    Quoc Dang Tran : C'est rare mais il faudrait se forcer à le faire. On peut être un excellent scénariste de polar mais beaucoup moins de comédie. Ce n'est pas un jugement, on ne peut pas être bon partout. On peut être très bon sur Community et beaucoup moins sur Louie. Il y a différents registres de comédie. Kaboul Kitchen est plus adulte et régressif que Fais pas ci, fais pas ça, qui est une comédie familiale plutôt bienveillante. C'est compliqué de dire à un auteur "Viens, je sais que tu vas faire du bon boulot." Finalement on n'en sait rien. C'est l'épreuve du temps et de l'écriture qui permet de voir si ça marche ou non.

    Fanny Herrero : Cela fait 7 ans que je fais ce métier et c'est la première fois que je passais des tests. C'est effectivement une bonne idée. Mais la plupart du temps c'est quand même une affaire de réseaux, de relations, d'agents, de rencontres. Toutes les séries sur lesquelles j'ai bossé, c'était comme ça.

    Allan Mauduit et Adriana Soreil

    © Thomas Caramelle / AlloCine

    Comment les 6 derniers scénarios de la saison 2 se sont répartis entre vous ?

    Fanny Herrero : On a vraiment fonctionné à 3 au départ, avec Quoc et Benjamin. Tout était décidé ensemble, on parlait des histoires et après on les coécrivait à deux. Pour la saison 3, on fonctionnera peut-être différemment, même si cela se fait assez peu en France, en séparant la structure et les dialogues.

    Jean-Patrick Benes : A trois on fonctionnait un peu comme ça. On parlait de l'histoire, on la bâtissait ensuite quelqu'un partait écrire et on travaillait à partir de son texte.

    Fanny Herrero : On bâtissait à 3. On codialoguait à 2. Et le troisième servait en quelque sorte de vigie.

    Adriana Soreil : A l'origine je n'étais pas "prévue". Je suis arrivée au sein de l'équipe après les tests. J'étais lectrice chez Canal+ à l'époque. C'est une des responsables de la chaîne qui m'a dit qu'ils cherchaient du monde. J'ai appelé la productrice, qui m'a dit que les tests étaient terminés et l'équipe constituée. J'ai tout de même passé le test. Elle m'a alors proposé de participer à l'étape du synopsis avec les créateurs en étant "stagiaire." Je faisais donc les comptes-rendus des sessions d'écriture. C'était hyper agréable et j'ai ainsi intégré l'équipe très naturellement. Je pouvais discuter librement avec eux. Je n'étais pas censée écrire d'épisode mais finalement cela est devenu un peu plus urgent, j'ai donc intégré l'équipe de Benjamin, Fanny et Quoc. Des binômes se sont formés et j'ai travaillé avec Benjamin. Cela a été un nouvel apprentissage, Benjamin m'a fait une formation accélérée sur le "dialogué." On a fait le séquencier ensemble. J'ai dialogué la première version, il est repassé dessus et cette version a été envoyée au producteur et à la chaîne.

    Vous parliez tous du fameux "test". En quoi consistait-il ?

    Fanny Herrero : Trois scènes dialoguées à partir d'un synopsis.

    Des choses écrites dans les tests ont terminé dans la série ?

    Fanny Herrero : Oui il y a des trucs...

    Jean-Patrick Benes : On a tout piqué ! (Rires) Un des principes d'un bon showrunner, ou d'un bon réalisateur, c'est de n'avoir aucun scrupule à prendre et à s'inspirer des bonnes idées. Il doit savoir où elles sont et chez quel scénariste.

    Quoc Dang Tran : Scénariste, c'est un boulot de voleur ! (Rires)

    Jean-Patrick Benes : Et de rameur ! (Rires) Plus sérieusement, scénariste est vraiment un boulot de galérien.

    Photo promotionnelle de la saison 2 de "Kaboul Kitchen"

    © Xavier Lahache / Canal+

    Une saison de "Kaboul Kitchen" se compose de 12 épisodes. Comment l'écriture s'organise par rapport au tournage ?

    Allan Mauduit : On est souvent en retard à l’écriture, c’est normal quand on veut faire bien, c’est l’étape à mon sens la plus importante en série. Du coup le tournage démarre alors que les derniers épisodes ne sont pas encore finis. Le problème en saison 1, c’est qu’on était à la fois les auteurs et les réalisateurs…

    Jean-Patrick Benes : On écrivait la nuit pour tourner durant la journée. D'où l'intérêt d'être deux : un était sur le tournage pendant que l'autre écrivait. On n'avait pas le choix si on voulait terminer le 12ème épisode à temps.

    Adriana Soreil : Pour la saison 2, le tournage a commencé alors que l'écriture n'était pas terminée.

    Allan Mauduit : En soi ce n'est pas un problème majeur. Bien entendu les comédiens ont parfois le sentiment qu'ils vont obtenir le texte trop tard, sans avoir le temps de l'apprendre. Le producteur joue alors un rôle capital : il prévient tout le monde et calme l'équipe. Il ne faut pas être trop tendu mais c'est jouable.

    Fanny Herrero : L'approche du tournage est toujours un moment très rude. Les minutages des épisodes deviennent alors plus précis. Il n'est pas rare qu'on demande aux scénaristes de couper, d'enlever pour tenir la durée. Il faut aussi se charger des éventuels problèmes de décors, de disponibilités. Quelqu'un doit prendre en charge cette étape, un patron, et cela ne peut pas seulement revenir aux scénaristes.

    Allan Mauduit : Autre problématique, il faut aussi calculer les cachets des comédiens. Et cela devient un peu plus difficile à évaluer sans les textes définitifs. Il faut un patron pour régler tout cela. Normalement c'est au showrunner de dire : "On a besoin de 12 jours de tournage pour tel comédien." A charge ensuite pour lui d'aller voir les scénaristes pour leur dire qu'ils ont 12 jours pour tel comédien et pas un de plus. Et ça, ça manque un peu en France.

    Jean-Patrick Benes : Si un producteur arrive et décrète "12 jours" sans consulter l'artistique et, surtout, sans apporter des solutions, cela complique la situation. Un showrunner doit avoir les compétences d’un producteur exécutif mais il doit surtout avoir les compétences "artistiques" d’un réalisateur et d’un scénariste. En France, les producteurs se réclament parfois "showrunners." Mais un producteur qui travaille en même temps sur deux séries n’a pas le temps d’exercer cette fonction.

    Fanny, Quoc, sur "Un Village Français" et "Fais pas ci, Fais pas ça", comment s'organise l'écriture par rapport au tournage ? Vous avez tout bouclé avant de tourner ?

    Quoc Dang Tran : Idéalement l'écriture devrait être bouclée avant le tournage mais ça arrive rarement. Sur Fais pas ci, fais pas ça, je travaille avec une co-directrice de collection, Hélène Le Gal. Pendant deux mois on rassemble les auteurs, on fait des réunions pour élaborer l'arche de la saison, les storylines. On répartit les épisodes puis chacun repart chez soi pour écrire les synopsis et les traitements. Ils rendent les textes et on repasse dessus. Le processus normal. C'est une gestation d'à peu près 9 mois, même si cela déborde un petit peu.

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    RENDEZ-VOUS CE DIMANCHE 8 DECEMBRE POUR LA 3ème PARTIE DE L'INTERVIEW

    Kaboul Kitchen Saison 2, bientôt sur Canal+...

    Kaboul Kitchen - Saison 2 - Teaser

    Propos recueillis par Thomas Destouches à Paris

    Photos : Thomas Caramelle

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