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    "Le succès de La Famille Bélier est étonnant et impudique d'une certaine manière" selon Victoria Bedos

    Victoria Bedos, co-scénariste de La Famille Bélier, revient sur le succès phénoménal de la comédie d'Eric Lartigau. Et dévoile son nouveau projet : Vicky Banjo, dont le tournage débute en janvier...

    Charlotte Schousboe / Canal+

    AlloCine : La famille Bélier a passé les 3 millions de spectateurs en un peu plus de 2 semaines. Que vous inspire un tel succès ?

    Victoria Bedos : En fait je me pince pour y croire. Car non seulement c’est mon premier film, la première fois que j’écris un scénario donc c’est inouï, mais en plus au départ j’avais été "chassée" par Eric Jehelmann de chez Jerico et Stéphanie Bermann de chez Mars pour écrire un petit film dans le cadre d’une collection. Cette collection avait pour crédo de réunir des films à petit budget c’est-à-dire inférieur à 2,5 millions d’euros, allant à l’encontre des High Concept et développant un univers socio-professionnel très fort et très précis. J’ai alors pitché La Famille Bélier et voilà ce que c’est devenu. C’est à la fois magique et fou. Et comme c’est ma première et seule expérience cinématographique, il ne faut pas que je pense que c’est normal et que je m’y habitue !

    En tant que scénariste, vous écrivez un film et, une fois le script terminé, il vous échappe d’une certaine manière. Cela vous "rassure" de savoir qu’il a été accueilli par autant de monde ? D’une façon un peu "simpliste et naïve", cela doit procurer pas mal de bonheur intérieur de sentir une telle bienveillance populaire pour ces personnages, vos personnages…

    Oui, ce qui est émouvant c’est quand on a l’impression de parler de son intimité, de ses sensations d’adolescente, de sa peur qu’on croit très personnelle de quitter le nid et de son désir enfoui de chanter et qu’en fait ça touche autant de monde. J’ai le sentiment avec ce film que, plus c’est intime, plus c’est universel. J’écoutais "Je vole" vers 18 ans dans mon premier appartement de jeune femme et je pleurais à chaudes larmes parce que je n’arrivais pas à m’endormir sans les bruits de mon père insomniaque ou de ma mère qui se brosse les dents. Je me trouvais pathétique, ridicule et désormais je reçois des messages bouleversants de spectateurs qui me disent qu’ils ont pleuré avec bonheur sur la scène de fin du film et qui me remercient de les avoir tant émus. C’est assez étonnant tout ça. Et impudique d’une certaine manière de ma part.

    Le succès de "La Famille Bélier" est étonnant. Et impudique d'une certaine manière de ma part.

    Parce que c’est très souvent le cas dans le cadre de tels succès, avez-vous déjà préparé des réponses à la question qui ne manquera pas de tomber : "A quand La Famille Bélier 2 ?"

    Dans mon prochain film Vicky Banjo ma famille s’appelle la Famille Bonhomme. Ensuite je ferai un film sur la Famille Bonjour puis la Famille Bijou et ainsi de suite. Non, je rigole, je pense plutôt me diriger vers la Famille Taureau pour le 2ème opus et décliner tous les signes astrologiques comme dans Les Chevaliers du Zodiaque, qu’en pensez-vous ? (Rires)

    Le tournage de "Vicky Banjo" va bientôt débuter. Quelle est l’histoire de ce film que vous avez co-écrit avec Denis Imbert, le réalisateur ?

    Victoire Bonhomme, la petite dernière de la célèbre "Famille Bonhomme" (où le père et le frère sont très connus) renonce le jour de son mariage à épouser son premier et unique amour, Sylvain Chamoux, qui voulait la couper définitivement de sa tribu. Sans métier, ni argent, elle n’a pas d’autres choix que de retourner vivre chez ses parents qui sont ravis de récupérer leur "bébé" de presque trente ans. Ils vont alors être malgré eux les témoins privilégiés de sa crise d’ado tardive où l’enfant sage va enfin briser ses chaînes en découvrant (il était temps !) l'alcool, la jouissance, le chant bref la liberté. Elle, qui n’était destinée qu’à être "la femme de" puis "la fille et la sœur de" c’est-à-dire "personne" va trouver sa voie/voix en rencontrant Banjo, un chanteur de bar et d’Elvis qui est son idole depuis toujours. Avec lui, elle décide de conjurer son sort et celui de sa mère, en devenant quelqu’un, en devenant une femme à part entière, en se faisant un prénom, en devenant Vicky de Vicky Banjo, un duo qui chante l’amour avec pudeur et le sexe sans tabou. On commence à tourner le 12 janvier. Mes parents seront joués par Chantal Lauby et François Berléand. Mon frère sera interprété par Jonathan Cohen. Il y a aussi Benjamin Biolay qui joue un chanteur iconique et plein d’autres comédiens fantastiques. Et Banjo sera joué…par Banjo mon duo de scène depuis cinq ans qui s’appelle en fait Olivier Urvoy de Closmadeuc dans la vraie vie mais sur une affiche c’est beaucoup trop long! C’est un conte de Noël familial entre le trash et le sacré, la sexualité et l’onirisme, entre le monde des adultes et celui de l’enfance.

    Mon prochain film, "Vicky Banjo", est un conte de Noël familial entre le trash et le sacré, la sexualité et l’onirisme, entre le monde des adultes et celui de l’enfance.

    "Vicky Banjo", c’est aussi le nom de votre groupe. Vous écrivez les textes et chantez. Quel est le style de Vicky Banjo ?

    Dans Vicky Banjo, j’écris les paroles, Banjo compose les mélodies et on chante en duo tous les deux. C’est un dialogue sur les nouveaux rapports homme/femme mais pas que. Vicky Banjo c’est un duo rock and branque qui chante l’amour avec pudeur et le sexe sans tabou. Les chansons se nomment "J’aime faire l’Amour", "Je suis alcoolique et c’est magique", "Touche-moi le matin", "L’allumeur", "A découvert" etc…

    Même si ce n’est pas la première fois que vous allez jouer la comédie devant une caméra, Vicky Banjo marque une nouvelle étape non ? L’expression d’une envie particulière ?

    C’est en effet quasiment mon premier tournage de cinéma. Mais non seulement j’ai joué le film devant mes producteurs pour qu’ils croient en moi en tant que comédienne et en plus ce personnage de Vicky, je l’ai créé il y a longtemps sur scène en le jouant et le chantant dans des bars, des théâtres, des vernissages ou autre lieu où l’ambiance est bonne et la bière fraîche. Ce personnage, je le rôde depuis quelques années maintenant, c’est un peu mon avatar ou mon cauchemar.

    Avez-vous des dates de concert prévues dans les mois qui viennent ? Où est-il possible de vous écouter d’ici là (site ? iTunes ?...)

    J’ai tout arrêté pour me consacrer à l’écriture du film avec Denis Imbert. Je ne veux pas m’éparpiller, je suis trop obsessionnelle pour ça, donc pour le moment, mon seul et unique but, c’est de réussir à faire de Vicky Banjo un film et un bon film je l’espère. On verra ensuite avec Banjo ce qu’on décide de faire. Mais c’est vrai que chanter debout sur la chaise d’un bar de Pigalle, ça me manque.

    Je ne veux pas m’éparpiller, je suis trop obsessionnelle pour ça, donc pour le moment, mon seul et unique but, c’est de réussir "Vicky Banjo".

    Vous êtes aussi l’auteur du recueil "Le Déni", paru en 2007 chez Plon. Sauf erreur de ma part, vous n’avez pas publié depuis (si oui, quoi ?). Pourquoi ? Avez-vous un projet d’écriture de roman ou de nouvelles ?

    Quelques maisons d’édition sont venues me voir pour écrire un deuxième livre mais pour le moment je crois que je n’ai pas la force de m’isoler d’écrire seule. J’adore écrire à deux. C’est ludique et très enrichissant d’avoir un partenaire de plume. Ça ouvre l’horizon sensible et évite de se triturer trop le nombril. Je me sens très à l’aise dans l’écriture cinématographique, pourtant c’est tout nouveau mais bizarrement je me sens bien, un peu chez moi dans un scénar. Ça demande à la fois de la structure et de la fantaisie. Or je suis une ancienne première de classe donc ce travail purement formel ne m’effraie pas, voire m’amuse. Et j’adore dialoguer. C’est de la vie qui jaillit. C’est une écriture moins pure que l’écriture littéraire car le cinéma c’est une industrie où l’écriture du scénario n’est qu’une des étapes de la fabrication d’un film. Ça peut rendre malheureux, ça m’a rendue malheureuse, il ne faut pas avoir trop d’égo, surtout en France, mais je pense que je vais quand-même continuer et tenter au maximum de mettre en avant ce beau métier de scénariste. Bon, heureusement que je chante et joue quand même sinon je ne suis pas certaine que j’arriverais à m’épanouir totalement.

    Malheureusement on a parfois le réflexe en France de cantonner les artistes à "un art". Vous, vous multipliez les terrains d’expression à travers "un art" : l’écriture. C’est là le point commun à toute votre œuvre. Mais vous donnez une forme différente à vos mots : la musique, l’image, le papier… C’est un "besoin" l’écriture ? Une envie perpétuelle ? Une envie de vous confronter régulièrement à leur difficulté ?

    Je ne voulais pas écrire, je luttais contre ce putain d’atavisme familial (ndlr: Victoria Bedos est la fille de Guy Bedos et soeur de Nicolas). J’ai fait un déni d’écriture jusqu’à mes vingt ans environ en étant persuadée que je n’avais aucun talent pour ça, aucune prédisposition ou même légère aisance (alors que mon frère s’est mis à écrire très précocement et avec un talent inouï très vite) Je ne voulais pas souffrir comme mon père et mon frère qui écrivaient. Pour moi prendre la plume était comme porter sa croix, c’était synonyme de souffrance donc j’ai voulu l’éviter à tout prix en voulant devenir cavalière ou vétérinaire ou encore reporter animalier ou journaliste dans la musique classique. Et puis un évènement de ma vie m’a poussé à écrire, comme un besoin primaire. J’ai écris ma première nouvelle comme on hurle un secret. Puis une autre puis encore une autre et ça a donné "Le Déni". Puis une violente rupture amoureuse m’a poussé à écrire des chansons et à les chanter. Comme un cri qui devait sortir. Et ensuite est sorti de ma tête, de mon ventre La Famille Bélier. A chaque fois, c’est plus un besoin, un spasme qu’une envie rationnelle et maîtrisée. Je n’aime pas écrire, ça me coûte physiquement et psychologiquement mais je ne peux pas faire autrement. Aujourd’hui je ne lutte plus contre, je me dis que c’est ma vie, les choses que je ressens je dois les écrire pour ne pas que ça pourrisse à l’intérieur, pour ne pas mourir d’un cancer. Et puis, c’est devenu mon métier grâce auquel je gagne ma vie et arrive tout doucement à me payer mon appartement. Alors tel un paysan, je vais remplir ma page comme il laboure son champ.

    Karin Viard : le défi de tourner en langue des signes !

    Propos recueillis le 5 janvier 2015

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