Mon compte
    La Loi du Marché : Pourquoi Vincent Lindon est le meilleur acteur français... Carrément !
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Responsable éditoriale des rubriques Télé, Infotainment et Streaming
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    Attention cet article est écrit avec passion ET raison. Ni sponsor, ni minime subvention. A Cannes, dans toute la France et maintenant en DVD, il crève l'écran dans "La loi du marché", suscitant chez nous ce cri du coeur qu'il va falloir démontrer...

    Nord-Ouest Films - Arte France Cinéma

    MISE À JOUR (24/05/2015) : Vincent Lindon remporte le Prix d'interprétation du 68e Festival de Cannes. La première récompense majeure de sa carrière.

    Bestimage

    Parce qu'il sait tout interpréter

    Comédie grand public, films intimistes, cinéma d'action, de crise ou de sentiments, en groupe, en duo ou en solo... : en plus de trente ans de carrière, Vincent Lindon a touché à tout, marquant d'emblée le grand écran de sa présence brute, presqu'animale. Dès sa première tête d'affiche aux côtés de la populaire Sophie Marceau, il a su conquérir le coeur de toute une génération en même temps que le prix Jean Gabin, acteur à qui il nous a d'emblée fait penser.

    Il faut dire que ses classes, cet homme-là les a faites chez l'un des plus grands metteurs en scène français, Claude Lelouch, directeur d'acteurs et maître de l'improvisation né. C'est à son contact (Tout ça... pour ça!,...) qu'il cultivera sans doute son art de la répartie, par la suite mis au service de films à partitions duettistes comiques ou dramatiques (de La Crise en 92 non loin de Patrick Timsit à Pater en 2011 tout près d'Alain Cavalier) où l'on sait ce que parler veut dire.

    Crise de la société (Ma Petite Entreprise, Fred, Chaos) ou crise du couple (dès L'Etudiante puis dans Le Septième Ciel ), Vincent a tout traversé, dans la peau d'un musicien bohême, d'un grutier ou d'un maçon (Mademoiselle Chambon), d'un chef d'entreprise solidaire ou d'un ex taulard au chômage (Quelques heures de printemps), d'un premier ministre (Pater), d'un travesti (L'école de la chair), d'un neurologue (Augustine), d'un flic radié (Mea Culpa) et même... d'un super héros, un vrai (Welcome). Son super pouvoir justement ? Ne faire qu'un avec le costume qu'il enfile à toute allure, prouvant s'il en était besoin que ses débuts d'aide-costumier chez Resnais n'ont pas été vains.

    Rédécouvrez les premiers pas amoureux de Vincent Lindon à l'écran :

    Parce qu'il touche à tout sans se tromper

    Son grand savoir également ? Varier les registres, de la franche comédie (Mercredi folle journée) à la satire sociale en passant par le cinéma d'auteur (Vendredi soir) sans embardée. En alternant savamment rires et larmes, situations grotesques ou dramatiques, Vincent Lindon aurait en effet pu s'égarer ; que ce soit dans les sentiers faciles de la comédie populaire ratée ou dans les méandres sinueux du cinéma d'auteur bien trop pensé. Il n'en est rien.

    Travailleur ou père déphasé, il nous fait sourire chez Coline Serreau et rire chez Pascale Thomas ; amoureux ou engagé, il nous émeut chez Anne Le Ny (Ceux qui restent) et nous fait pleurer chez Lioret (Welcome et Toutes nos envies). Pour les exigeants Benoit Jacquot (dernièrement dans Journal d'une femme de chambre) ou Claire Denis (Les Salauds), il va même plus loin, osant carrément la méchanceté et l'antipathie. A chaque fois le public adéquat est là et la critique unanime. Les films se financent sur son nom depuis le succès populaire de La Crise (2 300 000 entrées) jusqu'à la réussite plus surprenante de Welcome (1 200 000).

    Une science du choix chez un comédien de l'instinct, "inconscient", mais plein de "pif", qui bosse loin du glamour et de la jet set, regarde tous les films, en présente deux ou trois par an en moyenne (cinq en 2015) et avoue sentir à propos de ses rôles "une nécessité voire une obligation". C'est d'ailleurs ainsi qu'il parle de ses toutes dernières incursions chez Stéphane Brizé avec qui pour La loi du marché, il aura les honneurs de la compétition cannoise cette année. Pour un prix d'interprétation tant mérité ?

    Voici pourquoi Lindon impressionnera la Croisette 

    Parce qu'il est juste dès le premier plan

    Faites-en l'expérience. Dès le premier plan de chacun de ses films (et c'est encore plus fort ces dernières années), Vincent Lindon a le don d'imposer celui qu'il campe, avant même de le faire parler. La "faute" à une rugosité et un magnétisme rares qu'on décelait avant chez un Jean Gabin (on y revient), un Lino Ventura ou un Yves Montand. "Le plus intéressant au cinéma c'est de faire les mouvements justes", aime-t-il expliquer, exprimant sans retenue son amour de ces "autres" qu'ils observent inlassablement dans leurs gestes les plus quotidiens et à qui il pose nombre de questions sur ce qu'ils vivent et comment ils le vivent. Le tout afin de composer presque mimétiquement ses propres "partitions".

    Ainsi, pour le maître nageur de Welcome, il lui a été essentiel de marcher doucement, non loin des enfants à guider, de jouer du sifflet et surtout de ranger de façon précise et ordonnée la liste de ses objets avant de fermer la piscine. Pour le maçon de Mademoiselle Chambon, il a juste simplement tenu à savoir exactement comment poser une fenêtre. Autrement dit chez Lindon, c'est le corps qui guide et non le cerveau comme le professeraient plutôt les adeptes de la méthode dite de l'actors studio.

    A ce jeu du geste juste, organique, c'est chez Brizé que le comédien excelle. Brizé qui a l'art de souligner chez lui ce qu'il y a de plus ancré et réaliste. Brizé qui, avec La Loi du marché, lui a offert le challenge parfait. Celui du seul acteur professionnel (dans la peau d'un demandeur d'emploi au parcours compliqué) chargé de donner la réplique à ceux qui n'en sont pas et ont justement cette particularité d'exprimer à l'écran ce qu'ils vivent réellement. L'école rêvée pour cet observateur des choses de la vie qui y voit là l'occasion idéale de... ne pas jouer justement.

    L'art de l'incarnation chez Vincent Lindon, c'est ça :

    Parce qu'il ne joue pas, il EST

    Cela fait quelques années déjà qu'il use de cette aura singulière lui permettant de choisir la retenue là où d'autres s'épuiseraient dans les émotions surjouées. Avec Brizé encore, il avance à chaque fois à grandes enjambées vers plus de naturel, plus de tenue dans le détail, moins de contrôle et un oubli de la technique. Une épuration chez ce cérébral de vie devenu animal sur le plateau, qui se manifeste également (magiquement !) par la disparition de ses tics familiers ("ces quinze mille mouvements de plus que les autres dans la journée") lorsqu'il se glisse dans la peau d'un autre...

    "Avec Stéphane Brizé, on n'a jamais l'impression qu'il y a du travail". Avec Lindon non plus, et c'est ce qui fait sa grandeur. Déjà dans Mademoiselle Chambon, il parvenait aux côtés de "sa" Sandrine Kiberlain à faire naître une histoire d'amour délicate et intense à coups de silences et de non dits. Dans La Loi du Marché, il nous bluffe par ses gestes anodins et ses expressions criantes de vérité qui prouvent à quel point il maîtrise le jeu, lui qui n'a plus besoin d'y recourir. "Mes partenaires n'étant pas "célèbres", il n'y a pas eu de scories dans nos rapports, il n'existait aucun passé, et j'ai dû être tout de suite dans le vrai de l'incarnation. Non pas le "on va jouer une scène" mais dans le "on va la vivre". C'est tout à fait ça.

    Vincent Lindon a une métaphore imparable à propos de sa carrière, celle du jeu d'enfant "Un deux trois soleil" où il s'agit d'avancer lentement, derrière celui qui mène le jeu et de s'immobiliser quand celui-ci nous regarde. Ainsi avec finesse, en avançant l'air de rien, on touche au but... Une image parfaite pour illustrer le parcours sans faute de cet immense comédien, qui a imposé sa gueule de cinéma et regard souriant avec élégance, cet art de faire le maximum d'effets avec un minimum de moyens. On peut aimer (ou pas...) voir au cinéma la vie telle qu elle est et son acteur être et non jouer. On ne peut en revanche nier le talent qu il y a à être parvenu à cette perfection du métier. Ce Qu'il Fallait Démontrer.

    Vincent Lindon nous en dit davantage sur son instinct de jeu et sa fusion avec le héros de "La Loi du Marché" :

     

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top