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    Encore heureux : "Ça fait très longtemps que je n’avais pas été aussi fier d’un film"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Rencontre avec l'équipe d'Encore heureux, une comédie joyeusement déjantée, sur fond de crise sociale. Nous nous sommes entretenus avec Sandrine Kiberlain, Edouard Baer et le réalisateur et scénariste Benoit Graffin.

    EDI FILMS ET EUROPACORP

    AlloCiné : Comment expliqueriez-vous ce titre Encore heureux qui est assez ouvert ?

    Benoit Graffin, réalisateur et scénariste : Encore heureux, c’est une expression un peu insolente. Et en même temps, c’est un peu la philosophie du film. C’est-à-dire : malgré le fait qu’il soit des victimes de la catastrophe sociale, ils arrivent à être encore heureux. En dépit du fait qu’on puisse être des victimes du chômage, de la précarité, du décrochage, on peut garder une certaine forme d’insolence, de liberté, de méchanceté. On a le droit d’être méchant. On a le droit d’être libre. Et surtout on a le droit d’être heureux.

    Quand on voit le film, on a vraiment l’impression que vous avez écrit précisément avec ces acteurs en tête. Est-ce le cas ?

    C’est vrai. J’ai tout de suite pensé à Sandrine [Kiberlain]. Et elle a lu le scénario et m’a rappelé 2 heures après, donc j’étais vraiment content. Quant à Edouard [Baer], j’ai écrit avec lui le nouveau film qu’il a réalisé (Ouvert la nuit). En écrivant avec lui, plus je le fréquentais, plus je me disais qu’ils iraient bien ensemble. J’ai toujours eu envie de faire un film avec lui. Il a cette politesse de panache, de folie, qui masque des fragilités.

    Pour Sandrine, j’étais sûr qu’on l’aimerait et qu’elle serait toujours juste. Je me disais qu’on serait peut être un peu choqué par ce qu’elle dit par moment, mais jamais en désaccord, dans le sens où l’on décolle jamais de son personnage.

    Un certain nombre d’années se sont écoulés depuis votre précédent long métrage (Café de la plage, en 2002). Est-ce parce que vous aviez envie de vous consacrer en priorité au scénario, ou peut être y-a-t-il des projets qui n’ont pas abouti ?

    J’ai écrit beaucoup de scénarios, avec Pierre Salvadori (De vrais mensonges), Catherine Corsini (Trois mondes), Anne Fontaine (La Fille de Monaco)… L’activité de scénariste m’a passionné. J’adore écrire. Pour moi, écrire est une fête. J’aime bien être un peu dans l’ombre. Mais pour ce film-là, j’avais vraiment envie d’aller jusqu’au bout, surtout pour diriger ces acteurs, faire un film avec Edouard et Sandrine. C’est vraiment un film d’acteurs.

    EuropaCorp Distribution

    Edouard Baer

    AlloCiné : Vous avez dit au sujet de Encore heureux que c’est un projet que « vous espériez depuis longtemps ». C’est-à-dire ?

    Edouard Baer : C’est en voyant le résultat. Ca fait très longtemps que je n’ai pas été aussi fier d’un film. C’est une conjugaison de choses : le projet, des acteurs… C’est rare que le film sorti dépasse vos attentes. Parfois les résultats ne sont pas exactement ce qu’on espérait. Je suis très heureux de ce film.

    Ca fait très longtemps que je n’avais pas été aussi fier d’un film

    Je trouve que le sentiment est fort dans ce film. On ressent le sentiment que vit cette famille et c’est rare. Je trouve que les scènes drôles sont vraiment drôles, sur des choses comme j’aime, comme l’humour de situation, des choses de jeu, de regard, des riens, et pas des gags. Et puis, tout à coup, on finit par oublier qu’on joue dedans : j’y ai cru, j’ai eu envie qu’ils s’en tirent, que ça roule pour eux, j’ai eu envie de les connaitre… Et ça c’est formidable de quitter un film en ayant envie de rencontrer les personnages dont on raconte l’histoire.

    Comment expliqueriez-vous ce titre qui est assez ouvert ?

    Ce n’est pas une comédie sentimentale sur une rencontre amoureuse comme il y a beaucoup, sur le fameux coup de foudre, on se perd, on finit par aller sonner sous la pluie en disant finalement "je t’aime"… Ce n’est pas ça. C’est une comédie sentimentale de gens qui sont à un moment de crise, ils traversent tout ça ensemble et cette famille est encore heureuse.

    C’est formidable de quitter un film en ayant envie de rencontrer les personnages dont on raconte l’histoire.

    Est-ce qu’il y a une part de ce personnage qui vous ressemble ?

    Ce qui me touche énormément chez lui, c’est comme ces gens qui arrivent à faire illusion quelques heures par jour même quand tout s’est effondré dans leur vie. Il n’a plus de boulot, il fait illusion à sa famille, mais il a besoin de ces heures pendant lesquelles il s’enferme, de redevenir un enfant et de s’enfermer dans cette tente qu’il a construit pour ses enfants.

    C’est le fameux lieu commun : l’humour est la politesse du désespoir. Lui, il tient même s’il sait que c’est pour de faux. Il cherche encore à enchanter la vie des autres, même si lui est assez désenchanté. Même si la mécanique est un peu cassée, il continue.

    EuropaCorp Distribution

    Sandrine Kiberlain

    AlloCiné : Le réalisateur nous a dit que vous aviez rappelé 2 heures après avoir lu le scénario…

    Sandrine Kiberlain : Oui, ça, c’est tout moi !

    Vous avez eu un coup de foudre pour ce scénario ?

    Oui, je fonctionne toujours au coup de cœur. Quand c’est immédiat, c’est très bon signe. C’est vrai que parfois je referme le scénario en me disant "je ne veux pas qu’une autre le joue, je l’appelle tout de suite". Mais, vous savez, nous on attend des bons scénarios. On est acteur, on attend que des beaux rôles arrivent, que des belles histoires arrivent. Quand ça arrive, c’est une joie de pouvoir dire immédiatement "oui oui oui".

    Je lisais au sujet d’un autre film, Elle l’adore, que c’était une scène qui vous avez fait craquer. Etait-ce le cas aussi pour Encore heureux ?

    Je dis ça pour Elle l’adore mais ça a été un peu remanié. Elle l’adore, c’est l’ensemble aussi. Mais d’un seul coup, vous avez une séquence où vous vous dites, ça c’est vraiment une chance à saisir.

    Il y a des rôles à saisir, des chances à saisir. De jouer une esthéticienne mytho qui est fan d’un chanteur, ça n’arrive pas tous les jours qu’on vous écrive un personnage pareil. Et dans Encore heureux, de jouer cette femme un peu rock’n’roll, qui tient sa famille, qui pique dans les supermarchés pour être battante pour quatre…

    Je ne voulais pas passer à côté de ce personnage.Ca pourrait être ma pote. Elle est attachante, elle est drôle, elle a une vitalité incroyable.

    Moi ce que j’aime par-dessus tout, c’est qu’elle aime son mec envers et contre tout, que ces gens-là s’aiment depuis des années, qu’ils traversent des épreuves, et c’est finalement rarement scénarisé ces choses-là. Soit c’est une rencontre amoureuse, soit c’est une rupture amoureuse, mais un couple ensemble depuis 20 ans, il n’y a pas beaucoup de films autour de ça. Et ce que j’adore, c’est qu’ils sont un peu sous terre, un peu à l’arrêt, ils n’ont plus d’argent, ils n’ont plus rien, il ne leur arrive que des situations extrêmes, et on a envie de les connaitre, on a envie qu’ils s’en sortent parce que les personnages sont très bien écrits et les situations aussi. Je ne voulais pas passer à côté de ce personnage.

    Je trouve qu’elle est super, ça pourrait être ma pote. Elle est attachante, elle est drôle, elle a une vitalité incroyable. Elle se relève de tout. Elle est libre. Elle est aussi profonde et tellement sensible. 

    Ce qui est très plaisant dans le film, comme vous le disiez, c’est cette idée qu’on a envie d’être avec eux, quoi qu’ils fassent, on ne les juge pas…

    Parce que Benoit Graffin nous les fait aimer dès le début… Tout de suite, il dépeint sa famille dans sa folie. Toutes familles qu’on nous dépeint comme idéales, le quatuor, quand on vieillit, on s’aperçoit que la famille n’est pas qu’une carte postale. Quand on fouille un peu, chaque famille, chaque personne a sa folie. Là, ce qui est très bien montré, c’est l’intimité de cette famille. Tout de suite, on rentre dans cette famille où l’on sent que c’est vrai. Ils sont eux-mêmes, ils sont sincères, même dans les pires moments, on les aime tout de suite. 

    Tout de suite, on rentre dans cette famille où l’on sent que c’est vrai. Ils sont eux-mêmes, ils sont sincères, même dans les pires moments, on les aime tout de suite.

    Ils se battent dans leur vie. Ce ne sont pas des gens qui foutent rien, qui restent assis et qui profitent du malheur des autres. Ce n’est pas du tout ce que raconte le film. C’est comment on se bat dans la vie quand on n’a plus les moyens, quand on est rejeté de la société. Je pense que les gens s’identifient beaucoup à cette famille, à ce couple. Et puis il y a de la baston, ça avance, c’est plein de vie, de rebondissements, d’énergie, de vitalité, tout ça…

    La bande-annonce de Encore heureux de Benoit Graffin, actuellement à l'affiche

     Propos recueillis au Festival de la comédie de l'Alpe d'Huez 2016

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