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    Les Ardennes : Robin Pront "aime les films avec des situations bizarres"
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Récompensé aux Magritte puis au Festival de Beaune, "Les Ardennes" sort ce mercredi 13 avril dans nos salles. Et c'est l'occasion de faire connaissance avec Robin Pront, nouveau cinéaste belge à suivre.

    Le cinéma belge se porte bien ! Après Le Tout nouveau testament ou le récent Belgica, Les Ardennes le prouve. Récompensé aux Magritte (équivalent wallon des César) puis au Festival de Beaune, ce premier film nous permet de découvrir Robin Pront, jeune réalisateur à suivre et qui nous présente son premier bébé.

    AlloCiné : Pourquoi avez-vous choisi cette pièce de théâtre pour votre premier long métrage ?

    Robin Pront : Jeroen [Perceval], qui a écrit la pièce et joue dans le film, était dans mes courts métrages. Nous sommes devenus très bons amis et il m'a parlé de cette pièce qu'il avait mise en scène quand il avait un peu plus de 20 ans, alors que je n'étais encore qu'un enfant. Je n'ai jamais vu la pièce mais l'histoire de ces deux frères qui se rendent dans les Ardennes pour, disons, une tâche spéciale qu'il ne vaut mieux pas révéler là, m'a parlé car il s'agissait aussi bien d'une histoire d'amour que d'un thriller. Je lui ai donc proposé de co-écrire l'adaptation avec moi, en lui promettant qu'il en serait l'acteur principal (rires)

    Comment avez-vous travaillé ensemble sur le scénario ?

    Alors que j'étais encore à l'école, Jeroen a été à Amsterdam pendant une année, pour suivre un cours d'écriture scénaristique au sein duquel de très bons scénaristes du monde entier viennent vous aider. Il a ainsi fait une version que j'ai pu lire mais dans laquelle je voulais faire quelques changements, et j'ai donc écrit une autre version au cours de l'année qui a suivi. Puis nous avons choisi ce que nous voulions garder, et avons co-écrit la version finale.

    Je savais que des spectateurs allaient aimer et d'autres détester

    Comme vous le disiez plus tôt, "Les Ardennes" aborde différents genres : c'est un drame avec une histoire d'amour, puis un thriller, puis un film d'horreur. Y avait-il la même progression dans la pièce ?

    Non, pas du tout. Il y a un gros changement lorsque les personnages vont dans les Ardennes mais, pour être honnête, j'ai été bloqué pendant un temps car je ne savais pas comment conclure le récit. Ou plutôt : je savais comment tout se terminait, mais je ne trouvais pas comment y arriver à partir de l'arrivée dans les Ardennes. J'ai alors décidé de partir sur autre chose, et c'est ainsi que j'ai créés ces 2 personnages qui n'étaient pas dans la pièce. J'avais un peu peur en faisant cela, car la deuxième partie du film devenait ainsi très différente de la première, et je savais que certains spectateurs allaient aimer tandis que les autres détesteraient.

    La seconde partie rappelle des films tels que "Délivrance" ou "Massacre à la tronçonneuse". Ont-ils été des références pour vous ?

    Massacre à la tronçonneuse est l'un de mes films préférés, donc oui, définitivement. J'aime les films comme celui-ci, avec des situations bizarres (rires)

    ==> "Les Ardennes" : un film Club 300 Approved !

    Le fait que la partie plus horrifique se déroule dans les Ardennes était-elle aussi une façon pour vous d'évoquer les différends entre les Flandres et la Wallonie ?

    La Belgique est un petit pays avec une partie isolée : les Ardennes. C'est l'endroit idéal dans lequel il faut se rendre pour faire quelque chose à l'abri des regards. Calvaire de Fabrice du Welz se déroule aussi là-bas et c'est une autre de mes influences car c'était la première fois que je voyais un film belge avec des éléments horrifiques qui paraissaient aussi réalistes. Mais les personnages que nous y découvrons, dans mon film, sont flamands. Je ne voulais pas offenser qui que ce soit (rires)

    La violence est aussi importante dans ce film qu'elle ne l'était dans vos courts métrages. Pourquoi ce thème compte-t-il autant pour vous ?

    Je pense que c'est une chose qui peut-être très belle, à l'image de ce que John Woo en a fait, en lui donnant une forme esthétique et artistique. Et c'est aussi ce que j'aime avec le cinéma : la possibilité qu'il nous offre d'aller dans un monde que nous ne voudrions pas visiter dans la vraie vie. La violence dans les films me permet ainsi de me confronter à la réalité sans avoir la vraiment la vivre.

    Je ne veux pas tourner la suite d'un Steven Seagal

    Elle semble aussi être devenue importante dans le cinéma flamand actuel. Pour quelle raison ?

    Le cinéma flamand a énormément changé au cours des 10-15 dernières années. Il est devenu meilleur, y compris avec des films comme Alabama Monroe, qui est très différent de celui-ci. Nous avons vraiment trouvé une voix qui nous est propre, mais je ne pense pas qu'elle soit nécessairement violente. C'est juste du bon cinéma.

    D'où provient cette nouvelle vague ? D'une génération de réalisateurs ayant grandi avec le cinéma avant de tenter d'en faire ?

    Oui. Michael R. Roskam était mon professeur de cinéma alors qu'il réalisait Bullhead en parallèle, et j'ai alors pensé qu'il était possible de faire des films qui ne parlent pas de paysans en Belgique (rires) Et j'espère que des étudiants verront mon film et se diront qu'il est possible d'essayer ce genre de choses. Nous voyons les travaux des uns et des autres et il y a un effet boule de neige.

    Diaphana Distribution

    Michael R. Roskam vous a-t-il aidé pour "Les Ardennes" ?

    Oui, il a lu le scénario et suivi le montage, et il m'a donné beaucoup de conseils. Autant qu'il est possible de le faire, car personne ne peut vraiment vous dire comment faire votre film.

    Seriez-vous tenté de tourner aux Etats-Unis, comme il l'a fait avec "Quand vient la nuit" ?

    Bien sûr, pour le budget, les acteurs ou l'échelle de votre film, qui se tourne aux 4 coins du Monde. Mais pas à n'importe quel prix non plus, car je ne veux pas tourner la suite d'un film avec Steven Seagal par exemple (rires) Je veux faire des films dont je puisse être fier. C'est le plus important quand on est réalisateur.

    L'un des points forts des "Ardennes" est qu'il ne montre pas tout, et notamment lors de le scène de cambriolage du début, qu'on ne voit pas se dérouler. L'équilibre entre violence et suggestion a-t-il été dur à trouver ?

    C'est venu pendant le montage car nous avions tourné une scène de cambriolage : pendant 2 jours, qui ont été les plus chers du tournage, si bien que mon producteur a voulu me tuer ensuite (rires) Mais c'est au montage que l'on peut se rendre compte qu'une chose qui semblait être bien lorsqu'on l'a écrite ou filmée fonctionne en fait mieux grâce au pouvoir de la suggestion. L'effet est plus puissant.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 22 février 2016

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