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    Blair Witch : "Nous voulons proposer quelque chose de vraiment terrifiant"
    Emmanuel Itier
    Emmanuel Itier
    -Correspondant
    Basé à Los Angeles, Emmanuel Itier accompagne AlloCiné sur les sorties américaines, en assurant interviews/junkets et couverture d’événements US.

    Le 21 septembre, le tandem Adam Wingard / Simon Barrett nous ramène dans le bois, sur les traces de la sorcière de Blair. Avec pour ambition de livrer non pas un bon film d'horreur, mais un grand film d'horreur. Rencontre.

    Retour dans les bois

    Simon Barrett (scénariste) : Nous avons travaillé sur le film V/H/S/2 avec d’autres réalisateurs, dont les créateurs du Projet Blair Witch. Nous faisions le tour des festivals avec eux, et un soir en voiture Adam leur a demandé ce qu’ils prévoyaient autour de Blair Witch, si un reboot était prévu… Et un mois plus tard, le studio Lionsgate qui sortait notre film You’re next nous propose de nous pencher sur cette franchise. C’était une coïncidence étrange, et cela nous intéressait évidemment.

    Adam Wingard (réalisateur) : Nous sommes identifiés comme "réalisateurs de films d’horreur", mais nous n’avions jamais fait un film véritablement terrifiant, qui relève purement de l’horreur et de la peur. Dès lors, la meilleure manière de le faire, c'est à travers Blair Witch, qui était un film terrifiant mais surtout très perturbant car il y a énormément de zones d’ombres et de choses inexpliquées. Ce qui fait peur dans un film, ce n’est pas une menace identifiée mais le ton et l’atmosphère. Ce que Blair Witch a su faire à merveille. Relancer cet univers était donc idéal pour nous, afin de proposer un vrai film d’horreur.

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    Honorer la franchise

    Adam Wingard (réalisateur) : Après Paranormal Activity, Cloverfield, [REC] et tous ces films found-footage, nous avons eu le sentiment que le genre avait perdu de sa force et de son sens. Le Projet Blair Witch n’est sans doute pas le premier film du genre, mais c’est le film qui a créé le sous-genre. Donc quitte à faire un found-footage, autant essayer de faire le meilleur film possible : et la meilleure façon de le faire, c’est de s’attaquer à la suite de ce que je considère être le meilleur film du genre. Après, la pression n’est pas si forte que ça : il y a déjà eu une suite, Blair Witch 2 : le livre des ombres, et c’est un désastre. De mon point de vue en tout cas. Ne serait-ce qu’en termes d’histoire, ce n’est pas au niveau. Et ce n’est même pas un found-footage ! Quelqu’un allait forcément s’attaquer un jour à une vraie suite de Blair Witch, donc nous nous sommes dits "autant que ce soit nous, car nous allons tout faire pour honorer et protéger cette franchise".

    Simon Barrett (scénariste) : Si on nous avait proposé une suite directe au Projet Blair Witch au début des années 2000, nous aurions réfléchi car nous ne voulons pas être ceux qui massacrent la franchise. Mais dans la mesure où Blair Witch 2 est parti dans une autre direction et où ensuite rien ne s’est passé durant seize ans, nous y avons vu une opportunité de proposer quelque chose de nouveau et surtout de remettre la mythologie en place. Mon rôle en tant que scénariste était justement de me pencher sur cette mythologie, et de creuser certains éléments qui n’avaient pas été exploités dans le film original. C’est une mythologie tellement riche qu’elle ne pouvait pas se limiter au film original.

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    Found-Footage

    Adam Wingard (réalisateur) : Le tournage en lui-même était complexe d’un point de vue technique. Nous voulons proposer un film fidèle au film original, et ce qui faisait sa force était son approche totalement réaliste. Le défi était donc de cadrer l’aspect technique pour respecter cette identité et cette approche. Nous avons donc défini des règles : pas de musique, pas de plans impossibles à filmer par les personnages… Il fallait donc respecter cela, tout en proposant tout de même une approche cinématographique. Il a donc fallu trouver le bon équilibre entre réalisme et mise en scène. Simon m’a vraiment aidé, en équipant par exemple les personnages de caméras bluetooth très discrètes fixées aux oreilles : il fallait faire oublier que les personnages se filment. C’est l’une des limites du found-footage : pourquoi filment-ils alors qu’ils sont poursuivis et qu’ils risquent de mourir ? Les équiper ainsi en partant du principe qu’ils filment de façon continue répondait à cette question.

    Simon Barrett (scénariste) : En travaillant sur les films V/H/S, nous avons réalisé que le found-footage qui fonctionne le mieux en terme d’horreur, c’est le POV, la vue subjective. Quand on fait l’expérience de ce que vit un personnage, c’est idéal. Mais cela complique ensuite les choses en termes de scènes de peur, car tous les mouvements de caméras doivent donc être organiques, là où un film d’horreur traditionnel peut "tricher". Concevoir ces scènes était donc l'un des challenges, en plus du réalisme qu’évoquait Adam qui demande de la spontanéité de la part des comédiens et dans la manière d’aborder les séquences. Il fallait aussi faire mieux que tout ce qui sépare Le Projet Blair Witch et notre Blair Witch en terme de found-footage : être plus terrifiant, plus intense, plus rythmé… La difficulté en fait, c’est d’assurer une transition entre le film original qui proposait une approche novatrice et extrêmement réaliste et notre film qui arrive après 16 ans d’un genre dont le public connaît le langage : comment continuer à terrifier les gens ? Le film original n’aurait sans doute pas le même effet sur le public d’aujourd’hui…

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    La mythologie

    Adam Wingard (réalisateur) :  Nous n’essayons plus de faire croire que c’est réel. Notre approche était de rendre l’expérience de spectateur terrifiante de par le côté implacable de la situation. L’approche en vue subjective est essentielle à ce niveau. L’important n’est plus de savoir si c’est du found-footage, mais de vous mettre dans la peau de ce personnage dans ce lieu, poursuivi par dieu sait quoi. Car on ne sait pas de quoi il s’agit. On ne voulait pas répondre à cette question. Nous voulions aller plus loin que le premier film, mais laisser la voie ouverte à l’interprétation dans tout ce que vous voyez. Ce n’est pas une bonne idée de figer les choses au sein d’une telle mythologie : le premier film ne répondait à aucune question, il y a encore aujourd’hui des gens qui échangent des théories dessus. Ça devient dès lors une terreur essentiellement psychologique, car les éléments dévoilés laissent juste entendre qu’il y a quelque chose dans les bois sans savoir de quoi il s’agit. C’est génial de jouer avec ça. Nous avons développé cette mythologie, nous donnons plus d’éléments, mais au final vous terminez l’expérience avec plus de questions.

    Simon Barrett (scénariste) : Nous ne voulions pas nous contenter de répondre aux questions soulevées par le film original sans rien ajouter de nouveau. C’aurait été très paresseux de notre part, et cette suite aurait été assez ennuyeuse. C’est ce que font beaucoup de films hollywoodiens quand ils font des reboots ou des suites... L’idée était d’élargir cette mythologie et ces mystères, d’expliquer certaines choses mais d’ajouter de nouvelles questions. Ce que j’aime dans le premier film et les éléments qui l’ont complété parallèlement, c’est, par exemple, que l’identité de la sorcière n’est pas confirmée. Au final, on sait juste que l’endroit est hanté mais on ne sait pas par quoi. A partir de là, on peut vraiment creuser la mythologie. (...) Nous avons tous les deux grandi dans une petite ville, Adam dans l’Alabama et moi dans le Missouri. Nous avons passé notre enfance entourés par les bois, et il y a énormément de légendes urbaines américaines sur lesquelles nous baser. Il y a donc de quoi poursuivre la franchise et la mythologie, et notre film ne se veut en aucun cas un chapitre final. Mais il se tient en tant que tel, en un seul film.

    Adam Wingard (réalisateur) :  Nous l’avons approché à la fois comme une suite, et à la fois comme un reboot. Nous avons fait en sorte de réintroduire les éléments du premier film de manière très organique. Notre film va plus vite pour présenter la mythologie, mais en dit plus sur le sujet que le premier film car nous avons pu nous baser sur les éléments complémentaires, notamment sur ce qui est disponible en ligne. Il y avait plein de choses à creuser, qui étaient seulement survolées dans le film original. Notre approche était vraiment d’élargir la mythologie tout en la (re)présentant au public.

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    L'horreur aujourd'hui

    Adam Wingard (réalisateur) :  Le genre horrifique est en évolution permanente. Un nouveau sous-genre fait son apparition à chaque décennie. La décennie passée, c’était le splat-pack ou gore-porn, par exemple. Aujourd’hui, c’est la touche James Wan / Jason Blum, avec des jump-scares et une approche souvent surnaturelle et paranormale. C’est ce que je préfère, personnellement. Notre film s’inscrit dans cette veine, et en même temps nous proposons quelque chose que James Wan ne fait pas avec Conjuring et Insidious par exemple. Notre but est d’aller au-delà de la séance, que l’horreur vous suive une fois sorti du cinéma et s’inscrive dans votre psyché. Nous retournons là-bas et nous posons des questions, et nous n’y répondons pas. A mon sens, cette approche a plus d’impact qu’une scène horrifique traditionnelle.

    Simon Barrett (scénariste) : C’est exactement ça, nous voulons proposer quelque chose de vraiment terrifiant. La différence entre un bon film d’horreur et un grand film d’horreur, c’est que le bon film d’horreur me fait peur quand je le regarde là où le grand film d’horreur me fait peur longtemps après. Je ne sais pas si nous y sommes parvenus, mais c’est notre but en tout cas.

    Blair Witch, en salles le 21 septembre

     

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