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    Johnny Guitare sur Arte : un western féministe né de la rivalité entre Joan Crawford et Mercedes McCambridge
    Laurent Schenck
    Laurent Schenck
    -Journaliste rédacteur base de données
    Passionné par les films qui traitent de la criminalité au sens large, Laurent Schenck travaille sur la base de données cinéma du site. Ses missions sont les suivantes : la rédaction de biographies et secrets de tournage, l'enrichissement de castings/fiches techniques et la revue de presse.

    A l'occasion de la diffusion sur Arte du western "Johnny Guitare" de Nicholas Ray, retour sur les fortes tensions entre Joan Crawford et Mercedes McCambridge qui ont, paradoxalement, façonné la réussite du film.

    Considéré comme l'un des plus beaux westerns jamais tournés, Johnny Guitare de Nicholas Ray fait également date dans l'histoire du cinéma de par son côté féministe, puisque ce sont deux femmes qui se trouvent être au centre du récit : d'un côté Vienna (Joan Crawford), la tenancière d'un saloon qui embauche Johnny Logan (Sterling Hayden), un homme qu'elle a connu autrefois, comme musicien. Et de l'autre Emma Small (Mercedes McCambridge), qui est jalouse de Vienna. Il s'avère cependant que cette trame narrative est née pendant le tournage du film et qu'elle ne correspond pas au scénario d'origine, dans lequel les rôles masculins étaient les plus importants. Explications. 

    D.R.

    Le tournage de Johnny Guitare a été marqué, dès ses débuts, par les tensions très fortes entre Crawford et McCambridge. La première ne ratait, en effet, jamais une occasion d'exprimer sa jalousie à la seconde, qui ne se laissait pas faire. Parmi les nombreux exemples témoignant de cette animosité : le jour où Crawford décida d'étaler tous les habits de sa partenaire sur une route (la raison ? McCambridge était parvenue à boucler une scène rapidement sous les applaudissements de l'équipe...). Crawford haïssait McCambridge pour des raisons tant professionnelles (McCambridge était une actrice plus jeune ayant le vent en poupe) que personnelles (McCambridge a épousé le producteur Fletcher Markle qui venait de rompre avec Crawford).

    Crawford décida ensuite d'aller encore plus loin en menaçant Ray de quitter le tournage si elle n'obtenait pas cinq scènes supplémentaires... Une requête qui a tout simplement bloqué la production du film. Il faut savoir qu'à l'époque les réalisateurs n'avaient pas beaucoup de pouvoir et que Crawford était une grande star (dont le cachet de 200 000 dollars constituait 10% du budget de Johnny Guitare) très influente. Appelé à la rescousse, le scénarise Philip Yordan a dû rapidement trouver une solution à cela. Crawford lui expliqua alors qu'elle souhaiterait... Jouer le rôle masculin principal du film ! Si cette requête pouvait paraître complètement surréaliste, Yordan y a, paradoxalement, décelé un moyen d'améliorer l'histoire de Johnny Guitare en plaçant les pistolets dans les mains des personnages féminins.

    D.R.

    Le scénariste modifia alors grandement le scénario de base en y inversant le rôle masculin et le rôle féminin. Yordan décida même d'achever le film sur un impressionnant gunfight où Crawford a pu, pour son plus grand plaisir, en finir avec son ennemie McCambridge… Conséquence de ce remaniement : Johnny Guitare, le rôle-titre du film campé par Hayden, est éclipsé par Crawford. La haine que cette dernière vouait à sa partenaire a donc été utilisée pour servir l'histoire d'un film qui est devenu culte. Le cinéaste Ray, à la merci de son actrice principale (qu'il pensait folle) et de la production, accepta lui aussi ces changements dans le scénario. Il ne retravailla toutefois plus jamais avec Crawford et vécut très mal le reste du tournage, qui s'est par ailleurs passé sans heurts.

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