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    Convoi exceptionnel : pourquoi Bertrand Blier a-t-il mis près de 10 ans pour revenir au cinéma ?
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    Presque 10 ans d'absence, c'est long ! C'est le temps qu'il a fallu à Bertrand Blier pour faire son grand retour sur grand écran. Mais pourquoi le cinéaste n'a-t-il pas pu mener à bien son projet Existe en blanc avant Convoi exceptionnel ?

    En plusieurs décennies, Bertrand Blier a donné naissance à des longs-métrages tous plus barrés les uns que les autres. Grinçant et transgressif, le style du cinéaste a traversé les âges avec virtuosité, des Valseuses à Tenue de soirée en passant par Les ActeursCombien tu m'aimes et désormais Convoi exceptionnel.

    Dans son dernier long-métrage, le metteur en scène de 80 ans convoque son complice de toujours, Gérard Depardieu et un petit nouveau dans l'univers Blier, Christian Clavier. Convoi exceptionnel, c'est l’histoire d’un type qui va trop vite et d’un gros qui est trop lent. Foster rencontre Taupin. Le premier est en pardessus, le deuxième en guenilles. Tout cela serait banal si l’un des deux n’était en possession d’un scénario effrayant, le scénario de leur vie et de leur mort. Il suffit d’ouvrir les pages et de trembler.

    Un pitch complètement barré et surréaliste, apanage du fils de l'immense acteur Bernard Blier depuis ses débuts. Mais une question se pose quand on regarde le temps qu'il a fallu à l'artiste pour dégainer son nouveau projet. Pourquoi a-t-il fallu attendre près 10 ans pour revoir un film de Blier au cinéma ? Une éternité dans le paysage cinématographique français. Son dernier en date, Le Bruit des glaçons, est sorti le 25 août 2010.

    Au départ, le délai ne devait pas être si long entre Le Bruit des glaçons et son prochain film, intitulé Existe en blanc. En effet, Blier souhaitait mettre en scène l'adaptation de son propre roman paru en octobre 1998. Le livre raconte l'histoire d'un serial killer belge obsédé par les soutiens-gorge. Fasciné depuis sa plus tendre enfance par la lingerie féminine, ce directeur des ressources humaines d'une usine de sous-vêtements étrangle ses victimes au moment où elles se déshabillent pour l'acte sexuel.

    C'est en mai 2015 que nous apprenions que Benoît Poelvoorde allait prêter ses traits à ce personnage faisant écho à son rôle dans C'est arrivé près de chez vous. S'annonçant comme un sommet d'humour noir, Existe en blanc se concrétise avec l'annonce au casting de Maïwenn, Anaïs Demoustier et Grégory Gadebois. Puis le temps passe, et plus personne n'entend parler de ce film. Deux ans plus tard, c'est la stupéfaction, Bertrand Blier aurait abandonné ce projet pour se consacrer à une toute nouvelle oeuvre avec Depardieu et Clavier.

    Aujourd'hui, on ne peut pas faire un film où on tue des femmes. Avec la tendance en place actuellement, ce n'est pas possible.

    Outre quelques soucis financiers, Blier a choisi de mettre de côté Existe en blanc en raisons de l'atmosphère post affaire Weinstein. À l'ère de la libération de la parole, des scandales de harcèlements sexuels à répétition et de #MeToo, il aurait été malsain de mettre en scène ce film, selon le réalisateur. Interrogé par nos soins lors de la promotion de Convoi exceptionnel, ce dernier a bien voulu nous donner quelques éléments de réponse supplémentaires.

    "C'est un projet tiré d'un de mes bouquins dont le sujet est particulièrement casse-gueule, extraordinairement dangereux et très hard. Je me suis dit qu'à 80 ans, j'en avais assez pris dans la gueule. Ce serait aller trop loin dans la provocation. C'est un roman épouvantable avec plein de meurtres. Et on tue des femmes, ce n'est pas pareil. Aujourd'hui, on ne peut pas faire un film où on tue des femmes. Avec la tendance en place actuellement, ce n'est pas possible. J'ai donc décidé de ne pas le faire. Je me dégonfle."

    Etonnamment, un cinéaste comme Bertrand Blier n'inspire plus confiance aux financiers. Convoi exceptionnel a été compliqué à monter, les assurances réclamant même que le réalisateur désigne un successeur au cas où il ne puisse plus être en mesure de finir le film pour cause de maladie ou de décès. L'artiste ne s'en émeut pas plus que ça, comprenant qu'à 80 ans, il faille en passer par là. À noter que le vainqueur de l'Oscar du meilleur film étranger en 79 (Préparez vos mouchoirs) avait désigné son ami Jan Kounen (Dobermann) comme éventuel remplaçant. De plus, Depardieu et Clavier ont accepté de revoir leur cachet à la baisse contre le statut de co-producteurs.

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