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    Buñuel après l’âge d’or : rencontre avec le réalisateur du biopic animé primé à Annecy
    Clément Cusseau
    Clément Cusseau
    -Rédacteur
    Après des études en école de cinéma, il intègre la rédaction d’AlloCiné en 2011. Il est actuellement spécialisé dans les contenus streaming et l’actualité des plateformes SVOD.

    Nous sommes allés à la rencontre de Salvador Simó dont le premier long métrage "Buñuel après L’Âge d’or", consacré à un chapitre de la vie du cinéaste Luis Buñuel, a été récompensé dimanche dernier au Festival d'Annecy.

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    Avec son premier long métrage Buñuel après l'âge d'orSalvador Simó retrace un chapitre décisif et pourtant méconnu dans la carrière du cinéaste espagnol Luis Buñuel, qui donnait avec Terre sans pain - un documentaire consacré à la région pauvre de Las Hurdes - un nouvel élan à sa carrière après une parenthèse surréaliste.

    Plus qu'un simple film pour Buñuel, ce tournage aura été lui une véritable thérapie et surtout la source d'inspiration qui l'a ensuite mené à devenir l'un des cinéastes les plus célébrés de son époque, tout d'abord au Mexique où il s'est exilé durant plusieurs années puis en France où il réalisa quelques-uns de ses plus emblématiques films, tels que Le Journal d'une femme de chambre et Belle de jour.

    Quelques jours avant qu'il ne soit récompensé par le jury du Festival d'Annecy, nous avons pu rencontrer Salvador Simó et évoquer en sa compagnie ce long métrage plus autobiographique qu'il n'y paraît.

    AlloCiné : Pourquoi avoir consacré un film sur Luis Buñuel et plus spécifiquement sur cette partie de sa vie et sa carrière ?

    Salvador Simó : Buñuel est un personnage que je connais depuis tout petit. Mon père était très fan de lui et je me souviens d’une fois où il m’avait raconté avoir vu un film sur des personnages enfermés dans une pièce qu’ils ne pouvaient pas quitter (L’Ange exterminateur, ndlr) et je ne comprenais pas ce qu’il me racontait. Avec le temps, j’ai découvert à mon tour le film et j’ai compris ce qu’il avait essayé de me raconter. C’est un réalisateur qui me touche beaucoup dans sa manière d’explorer les comportements humains. Si j’ai fait ce film c’est avant tout une coïncidence, car la proposition est venue du producteur Manuel Cristóbal qui m’a proposer d’adapter la bande-dessinée de Fermín Solís. A l’époque je travaillais à Londres, et c’était pour moi la concrétisation d’un rêve de rentrer en Espagne pour réaliser un film.

    Pourquoi cette période spécifique de sa vie ? Parce que pour moi il y a eu un avant et un après. On dit d’ailleurs qu’il n’est devenu Buñuel qu’après le tournage de ce film. A l’époque c’était un jeune réalisateur de 30 ans à peine, qui avait tourné deux films au succès mitigé car Un chien andalou a été acclamé mais également été très critiqué et L’Âge d’or a été interdit à cause du scandale qu’il a suscité. Ce sont deux films qu’il a réalisé en collaboration avec Salvador Dali, mais il était désormais prêt à sortir de l’influence du peintre pour s’affirmer en tant qu’artiste indépendant. Terre sans pain lui a offert une nouvelle perspective de son métier ; avec ce film il voulait changer le monde, mais au final c'est lui qui a été changé par ce film. Quelques années après Terre sans pain, il a tourné son film Los Olvidados qui est directement inspiré de l’expérience qu’il a vécu. Il a ensuite tourné des films plus commerciaux, mais pour moi Los Olvidados était vraiment son meilleur film, c’était juste incroyable !

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    En retraçant le parcours de Buñuel, qu’avez-vous appris vous-même sur le métier de réalisateur, d’autant qu’il s’agit là de votre tout premier film ?

    On peut dire effectivement que dans un sens, Buñuel et moi avons accompli ensemble le même voyage. Avec mon coscénariste Eligio R. Montero nous avons écrit le scénario pendant une année entière, au cours de laquelle nous avons énormément lu sur Buñuel, on a fait beaucoup de recherches, c’était un travail très intense. A la Cinémathèque espagnole, il y a régulièrement des rétrospectives consacrées aux artistes et nous y avons trouvé un livre d’entretiens de ses collaborateurs, qui ont travaillé sur ses films tout au long de sa carrière. Nous en avons tiré énormément de détails, et c’est même devenu mon livre de chevet durant toute la production du film.

    J’étais tellement plongé dans son histoire qu’un matin j’ai appelé mon producteur et je lui ai dit que j’ai pu discuter avec Buñuel dans mes rêves (rires). C’est grâce à Cristobal que j’ai fait ce film, je travaille depuis 30 ans dans l’animation et j’ai participé à toutes sortes de projets mais c’est la première fois je pense que je fais du cinéma d’auteur. Je me suis inspiré de grands artistes que j’admire tels que Sergio Leone, Godard, Tarantino, j’ai énormément appris grâce à ce film et j’espère avoir la chance d’en tourner d’autres pour continuer à apprendre sur ce métier.

    Dans votre film, le contexte historique joue effectivement une grande importance, avec notamment les premières lueurs de la révolution espagnole, était-ce un point essentiel à vos yeux ?

    A l’époque il y avait une vague d’artistes talentueux, qui connaissaient un certain succès bien qu’ils étaient également détestés par une partie de la population plus conservatrice. Avec les yeux d’aujourd’hui, on réalise combien d’artistes inestimables ont disparu à cette époque, la guerre a fait perdre à l’Espagne des personnages extraordinaires. Avec ce film, nous avons donc voulu rendre hommage à ce qu’ils ont représenté à leur époque. Quand je préparais le film, j’ai pu discuter plusieurs fois avec Juan Luis Buñuel  qui vivait à Paris et nous disait que son père était quelqu’un qui évoquait peu son ami Ramón Acín (sculpteur et producteur de Terre sans pain avant d’être assassiné par l’armée franquiste, ndlr) mais qu’à chaque fois qu’il le faisait, il ne pouvait contenir son émotion.

    Ce qui est intéressant, c’est que là où Terre sans pain est une fiction déguisée en documentaire, puisque la plupart des scènes sont rejouées, votre film est à l’inverse un documentaire déguisé en fiction.

    Oui c’est vrai, et d’ailleurs Buñuel a cette réplique dans mon film : "nous sommes en train de faire une représentation dramatique de la réalité", et c’est également ce que nous avons fait. Nous avons cherché à coller le plus près possible de la réalité pour que le spectateur puisse voyager grâce au film, mais comme nous étions limités par le temps, il a fallu prendre quelques libertés avec l'histoire. On essaie donc de retranscrire au mieux l’action et les personnages, mais on ne peut se baser que sur ce que l’on sait, et le reste, ce sont des moments créés pour se rapprocher au plus près de la réalité. Aujourd’hui nous avons beaucoup plus de recul sur certains sujets, comme la protection des animaux ou le traitement des femmes, alors que dans les années 30 cela n’était pas le cas, les droit des animaux c'était de la science-fiction à l'époque !. C’était donc important pour nous de montrer tout cela tel quel, un récit historique doit être fidèle à l’époque qu’il retrace.

    La bande-annonce de Buñuel après l'âge d'or, à découvrir dès aujourd'hui au cinéma : 

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