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    HPI sur TF1 : mais pourquoi la série cartonne-t-elle autant ?
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Retour sur le phénomène de TF1, qui frôle les dix millions de spectateurs chaque soir depuis le lancement de sa saison 2 début mai. Pourquoi cette série policière parmi tant d'autres a-t-elle autant de succès ?

    De retour depuis le 12 mai sur TF1 pour sa saison 2, HPI n'en finit plus de caracoler en tête des audiences sur la case prime time du jeudi, dépassant régulièrement les 7 millions de téléspectateurs. Au point que la chaîne décide de faire durer le plaisir en modifiant sa grille de diffusion à raison d'un épisode par semaine au lieu de deux depuis le 26 mai.

    Lancée en 2021, la série policière créée par Nicolas JeanAlice Chegaray-Breugnot et Stéphane Carrié et menée par Audrey Fleurot, Mehdi NebbouBruno Sanches et Marie Denarnaud est devenue le programme de fiction le plus regardé par les français cette année-là, selon le site Ouest France

    Recrutée en tant que consultante pour la police, Morgane Alvaro, 38 ans, mère de trois enfants et dotée d'un QI de 160, met à profit ses capacités d'analyse hors du commun au service de la DIPJ de Lille sous la supervision du commandant Karadec (Mehdi Nebbou) en échange de la réouverture d'une enquête sur la disparition de son ex-compagnon, mort dans de mystérieuses circonstances quinze ans plus tôt. Non sans rencontrer quelques difficultés avec le respect de l'autorité...

    HPI
    HPI
    Sortie : 2021-04-29 | 52 min
    Série : HPI
    Avec Audrey Fleurot, Mehdi Nebbou, Bruno Sanches
    Presse
    3,4
    Spectateurs
    3,6
    Streaming

    Haute en couleurs, l'enquêtrice à haut potentiel intellectuel incarnée par Audrey Fleurot (Engrenages, Le Bazar de la charité) fait le bonheur des téléspectateurs de TF1 à chaque diffusion. Comment s'explique ce succès populaire aussi inattendu que réjouissant, alors que les héro.ïne.s de séries policières se multiplient à la télévision française au fil des ans ? Passage en revue de plusieurs éléments de réponse.

    Une héroïne populaire

    Enchaînant les petits boulots précaires avant d'être recrutée par la police, Morgane, divorcée et mère d'une famille recomposée de trois enfants issus de deux pères différents, n'a pas exactement le profil de l'enquêtrice bourgeoise, tirée à quatre épingles et irréprochable sur le plan moral.

    Totalement réfractaire aux figures d'autorité, cette quarantenaire tonitruante qui n'a pas fait d'études (comme le confie son interprète Audrey Fleurot) n'a pas la langue dans sa poche et dit tout haut ce qui lui passe par la tête sans ménager son entourage, ce qui lui vaut bien des déconvenues pour parvenir à garder un emploi stable alors qu'elle peine à boucler ses fins de mois et que le toit de sa vieille maison en location menace de s'effondrer à tout moment.

    Mais son QI hors du commun et ses capacités de déduction dignes des meilleures heures de Sherlock Holmes ne passent pas inaperçus auprès de la commandante de police Céline Hazan (Marie Denarnaud), prête à passer l'éponge sur ses débordements afin d'exploiter ses talents pour boucler les enquêtes les plus retorses.

    Problème : Morgane a une aversion totale pour la police et ne s'embarrasse pas du respect de la procédure, se fiant à son intuition redoutable pour aller débusquer les coupables quitte à mettre la pagaille au sein de sa hiérarchie. Agrémentée d'un look ultra-féminin et tape-à-oeil qui tranche avec sa personnalité sans concessions, Morgane Alvaro est une véritable tornade qui détonne dans les séries policières françaises... Et n'est pas sans rappeler une autre flic hors norme du petit écran.

    Gouaille à toute épreuve, méthodes peu orthodoxes et discours politiquement incorrect : mis à part son style vestimentaire haut en couleurs, Morgane Alvaro ne serait-elle pas une sorte de Capitaine Marleau à la sauce TF1 ? 

    Une série décentralisée

    Depuis les doyennes P.J. et Julie Lescaut en passant par les polars de Canal+ Engrenages et Braquo, les séries TF1 Profilage et Alice Nevers, les flics des séries françaises ont longtemps trusté les commissariats de la capitale.

    Rompant avec cette habitude (facilité ?) de situer l'action des enquêtes policières à Paris, la série HPI se déroule entre Lille et sa banlieue, et semble indiquer une nouvelle tendance puisque plusieurs séries judiciaires récentes y ont pris leurs quartiers, à l'instar des Petits Meurtres d'Agathe ChristieLes Invisibles ou Le Code, ces deux dernières ayant été lancées l'an dernier en même temps qu'HPI sur France 2.

    Dans la comédie policière showrunnée par Alice Chegaray-Breugnot (La Mante), la capitale des Hauts-de-France y est fièrement représentée, de ses ruelles pavées aux facades en brique rouge en passant par ses spécificités régionales - comme un clin d'oeil savoureux aux clubs de foots locaux dans un épisode de la saison 1.

    Ainsi, l'arrivée de l'enquêtrice de l'IGPN Roxane Ascher (Clotilde Hesme) en saison 2, tout droit débarquée de Paris, sert de parfait contraste à Morgane tant leurs personnalités et leurs méthodes sont aux antipodes. Entre la franchouillardise de l'héroïne lilloise et la rigueur implacable de l'inspectrice parisienne, le courant est électrique... A moins que la raison de l'aversion de Morgane envers Roxane n'ait une autre justification ?

    Le fameux "will they/won't they" entre Karadec et Morgane

    Trope incontournable des comédies romantiques, le jeu du chat et de la souris entre deux protagonistes principaux, qui se détestent et que tout semble opposer avant que différentes péripéties ne finissent par les rapprocher, s'illustre parfaitement dans HPI à travers le duo formé par Morgane et Karadec.

    Le schéma classique du "Will They/Won't They ?" (vont-ils/ne vont-ils pas ?), devenu une convention narrative récurrente dans de nombreuses fictions anglo-saxonnes, d'où son nom, s'amuse ainsi à malmener les attentes du public en faisant durer le plus longtemps possible la tension romantique entre deux personnages que l'on devine amoureux l'un de l'autre, mais dont les caractères diamétralement opposés et autres obstacles en tout genre vont systématiquement repousser le moment fatidique où tous deux vont s'avouer leurs sentiments.

    A l'instar de nombreuses séries américaines aux duos iconiques comme X-Files et Bones, ou encore Tandem et Balthazar pour la France, HPI fait progressivement monter la température entre son héroïne volcanique et le commandant de police inhibé, tout en renversant la vapeur chaque fois que l'un des deux se rend compte de son attirance pour l'autre.

    "Ce qui est drôle, c'est qu'ils se ratent tout le temps ! " déclarait Mehdi Nebbou au micro d'AlloCiné lors du festival Séries Mania. "Comme souvent, les contrastes fonctionnent bien dans la comédie (...) C'était intéressant de mettre un personnage psychorigide, coincé, pour qui l'ordre est presque une religion, face à une punk rebelle qui déteste l'autorité."

    Un humour assumé

    Dernière particularité de HPI : son ton décalé, qui tranche avec le sérieux des enquêtes menées par les personnages. Présentée comme une "comédie policière", la série ne lésine pas sur les gags visuels pour illustrer les mécanismes de réflexion de son héroïne, à coups de mises en scène délirantes et d'encarts aussi instructifs qu'hilarants pour dérouler le fil de sa pensée qui va plus vite que la musique.

    Utilisé comme un ressort puissant dans la résolution des enquêtes, le haut potentiel intellectuel de Morgane est présenté à la fois comme une bénédiction et un cadeau empoisonné, tant son tempérament excessif entrave ses rapports avec les autres et se retourne souvent contre elle.

    En assumant de jouer avec les codes de la série policière, que ce soit en mettant en scène des crimes plus farfelus les uns que les autres ou des dialogues savoureux entre les personnages, en allant parfois jusqu'aux gags lubriques (dans l'épisode 6 de la saison 2, après avoir surpris Karadec nu dans sa salle de bains, Morgane ne parvient plus à réfléchir calmement sans voir surgir devant elle un appendice masculin), HPI rompt avec la monotonie des séries policières qui peinent souvent à se renouveler sur le petit écran. 

    Quitte à marquer un nouveau jalon d'exigence pour le public ? Les interprètes de la série, quant à eux, semblent s'en donner à coeur joie face à une Audrey Fleurot plus caustique que jamais. "Elle est absolument géniale, je ne sais pas comment elle fait pour retenir tout ce qu'elle doit retenir, pour continuer à improviser tout le tempsconfie Clotilde Hesme au sujet de sa partenaire de jeu.

    "Elle fait preuve d'une inventivité et d'une bonne humeur sur le plateau qui est vraiment géniale. C'est le propre des acteurs de théâtre, de Marie Denarnaud aussi, de Bruno Sanches... Il y a quelque chose d'extrêmement travaillé et de léger à la fois dans leur jeu."

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