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    Canicule, pétrole, guerre de l'eau : ce film pourrait être notre futur
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    La canicule, la crise énergétique et les perspectives climatiques ne sont guère encourageantes...Et nous invitent à penser que le futur dystopique que peint George Miller dans sa saga "Mad Max" n'est pas aussi lointain qu'on pourrait le penser...

    Warner Bros.

    "Je me souviens d’un temps ou régnait le chaos, un temps de rêves brisés, de terres dévastées… Mais par-dessus tout, je me souviens du guerrier de la route. L’homme que nous appelions Max. Pour comprendre qui était cet homme, il faut revenir à une autre époque. Quand le monde tournait au carburant noir et que florissaient dans les déserts de grandes cités de tubes et d’acier… Disparues maintenant, balayées…

    Pour des raisons aujourd’hui oubliées, deux puissantes tribus entrèrent en guerre allumant un brasier qui les dévora toutes les deux. Sans carburant, elles n’étaient rien. Leur empire était de paille. Le grondement des machines hoqueta et s’éteignit. Les chefs parlèrent, et parlèrent… Et parlèrent encore. Mais rien ne pouvait endiguer le désastre.

    Leur monde s’écroula… Les villes explosèrent, provoquant une tornade de pillages. Un vent brûlant de terreur. L’homme commença à se nourrir de l’homme. Sur les routes régnait le cauchemar de la ligne blanche. Seuls les flibustiers les plus mobiles, les pillards les plus impitoyables survivaient…

    Les bandes prirent le contrôle des routes prêtes à se faire la guerre pour un bidon de carburant. Dans ce maelström de pourriture, le commun des mortels était brisé, écrasé. Des hommes comme Max, Max le guerrier. Dans le rugissement d’un moteur, il avait tout perdu…

    Et il devint un homme vidé, consumé, ravagé, un homme hanté par les démons de son passé, un homme qui errait sans but par les terres désolées. Ce fut ici, dans ce lieu maudit, qu’il réapprit à vivre…"

    Mad Max, le survivaliste

    Vous avez sans doute reconnu le prologue en voix off du narrateur ouvrant Mad Max 2, appuyé par un montage anxiogène d'images plus ou moins d'archives montrant une civilisation s'effondrant sur elle-même. En réalité, George Miller jetait dès le film matriciel de sa saga Post-Apocalyptique en 1979 les bases d'un monde dystopique en proie au chaos et soumis à la loi du plus fort.

    C'était d'ailleurs un ami qui lui avait conseillé, fort justement, d'introduire dans son film les effets du premier choc pétrolier survenu en 1973, qui a eu des conséquences majeures sur les importations de pétrole en Australie.

    Mad Max: Fury Road
    Mad Max: Fury Road
    Sortie : 14 mai 2015 | 2h 00min
    De George Miller
    Avec Tom Hardy, Charlize Theron, Zoë Kravitz
    Presse
    4,4
    Spectateurs
    4,2
    Streaming

    Mad Max partageait d'ailleurs sa toile de fond avec Soleil vert, sorti tout juste un an après le premier choc pétrolier. Le développement industriel à marche forcée et ses ravages, les effets non maîtrisés de la surconsommation et l'épuisement des ressources naturelles -énergies fossiles notamment comme le pétrole- ont achevés d'hypothéquer l'avenir de l'Homme en quelques décennies à peine.

    Les lendemains qui déchantent sont fréquents dans la science-fiction; un genre qui par définition reflète nos peurs face aux changements sociaux ou technologiques. Dans Soleil Vert, le cataclysme arrivait par érosion : la fin du monde par disparition d'un élément essentiel à notre existence, en l'occurence l'eau et la nourriture.

    Mais l'agonie de l'espèce humaine était lente et progressive -comme le souligne d'ailleurs l'extraordinaire générique d'ouverture-; le temps nécessaire pour épuiser les ressources de la planète. Mad Max est encore plus radical : l'Humanité est quasi renvoyée à l'âge de pierre après une guerre nucléaire.

    Un futur plus si dystopique que ça...

    En février dernier, le GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, créé en 1988, rendait un nouveau rapport, absolument dévastateur. Les épisodes de vagues de chaleur telles que nous connaissons en ce moment même seront très fréquents. Et même amplifiés.

    En octobre 2021, le quotidien britannique Telegraph titrait un article ainsi : "Comment Mad Max a prophétisé la crise britannique du fuel". Une situation qui ne s'est guère arrangée, et même agravée. "Le Royaume-Uni en mode Mad Max" peut-on lire dans Le Courrier international, reprenant un article paru dans le Daily Telegraph en avril 2022.

    "Le Royaume-Uni est confronté à sa plus grande crise pétrolière depuis des années : elle touche des millions de personnes qui ont besoin de chauffer leur maison, remplir le réservoir de leur voiture et faire la cuisine. La guerre en Ukraine a fait flamber le prix de l’essence et du diesel. Les films Mad Max ont été inspirés par le choc pétrolier des années 1970 : en 2022, on dirait moins la fiction que la réalité".

    Warner Bros.

    Dans Mad Max Fury RoadGeorge Miller pousse encore plus loin le paroxysme d'une société en décomposition, qui fétichise plus que jamais (en dehors de la voiture) le pétrole, plus précieux que la vie (de certains, en tout cas...). Immortan Joe, seigneur de la guerre régnant du haut de la Citadelle, calme les ardeurs de la plèbe en lui ouvrant de temps à autre les vannes des gigantesques pompes à eau pour la rassasier. Pas trop; juste assez pour la maintenir sous sa dépendance tyrannique.

    "Je raconte juste une histoire en réponse à la façon dont je perçois le monde"

    "Il y a une histoire environnementale, mais c'est dans le sous-texte du film. Ce qui est triste, c'est qu'il ne faut pas vraiment beaucoup d'exposition pour que le public adhère à ce monde dégradé, car nous en voyons déjà la preuve tout autour de nous" racontait Miller dans une intéressante interview d'un organe australien en avril 2015.

    Les monstrueuses tempêtes du film, sorte de pendant fictionnel des gigantesques Dust Bowl actuels ? Absolument. "Dans le film, nous les appelons tempêtes toxiques. Mais même ça n'est pas trop loin de la vérité. En Australie, lorsque les conditions sont réunies, ces grandes tempêtes de poussière se déplacent à travers le paysage et souvent dans les villes.

    En milieu de journée, le soleil est éclipsé par cette masse de poussière rouge. J'ai été pris dans quelques-unes d'entre elles; comme la plupart des Australiens. On va juste plus loin dans le film. Mais il n'essaie pas de faire la chronique de l'effondrement environnemental du monde. Il dit : "Voici le monde qui reste. [...] Dans mon film, il n'y a pas d'agenda idéologique. Je raconte juste une histoire en réponse à la façon dont je perçois le monde".

    Warner Bros.

    Pas d'agenda politique ou idéologique dans Mad Max Fury Road ? Peut-être, s'il le dit. Il n'empêche que Miller le septuagénaire délivrait une expérience cinématographique en forme de sacré uppercut. Trente ans après le dernier opus de la saga Mad Max, il revisitait le mythe qu'il avait lui-même créé dans un spectacle total complètement fou. Une oeuvre pleine de bruit...et de fureur justement. A voir ou revoir sur Netflix.

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