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    Xavier Beauvois

    En attendant de tourner son prochain film, Xavier Beauvois nous éclaire sur son dernier long métrage "Selon Matthieu", avec B. Magimel et N. Baye.

    Allociné: Si vous n'aviez pas été réalisateur et acteur, qu'auriez-vous fait ?

    Xavier Beauvois: C'est une question que je me pose tous les jours. Qui plus est quand on n'a pas de diplômes comme moi. Je n'étais pas très doué pour les études, alors je me demande vraiment ce que j'aurais pu faire.

    Votre premier souvenir cinématographique

    Un Walt Disney comme tout le monde, j'imagine. Je ne pourrais plus vous dire lequel. Mais je pense que le premier film qui m'a marqué dans mon enfance c'est Les Révoltés du Bounty, avec Marlon Brando.

    Votre réalisateur de référence

    Difficile de répondre à cette question. J'ai plusieurs noms qui me viennent à l'esprit. Mais s'il fallait n'en retenir qu'un, je dirais peut-être John Cassavetes. J'aime beucoup ses films, son humour. Il a vraiment fait les films qu'il a voulu, en marge des grands studios. J'admire beaucoup également Barbet Schroeder pour son sens de la mise en scène. C'est un de mes amis.

    Votre meilleur souvenir professionnel à ce jour

    J'en ai beaucoup. (Il réfléchit). Je dirais la première fois qu'on voit les rushes de son premier film. Partager la caravane de Lauren Bacall ou tenir Catherine Deneuve dans ses bras. C'est pas mal non plus... J'ajouterais l'accueil du public lorsque vous sortez votre premier long métrage.

    Votre plus grand regret professionnel

    Peut-être celui de ne jamais avoir rencontré François Truffaut. Je suis arrivé à Paris l'année où il a disparu. J'aurais aussi aimé croiser Henri Langlois (ndlr : journaliste et cofondateur de la Cinémathèque française).

    Si vous deviez arrêter votre carrière maintenant, qu'est-ce qui vous manquerait le plus ?

    Je n'ai pas du tout l'intention d'arrêter maintenant ! J'aime tout dans le cinéma, notamment l'ambiance des plateaux de tournage. J'adore parler avec les machinistes, les décorateurs. J'aime l'ambiance des cantines. Si je devais faire une croix sur le cinéma, tout me manquerait. Les gens de cinéma en premier lieu.

    Votre plus grand désir professionnel

    J'ai envie de continuer à faire des films avec les gens que j'aime. Je ne rêve pas de faire une carrière aux Etats-Unis. Je n'ai pas d'ambition de ce genre. J'aspire plutôt à devenir un vieux cinéaste (Il sourit). Et surtout de pouvoir retourner régulièrement, chez moi, en Normandie.

    Votre film de chevet

    Le Mépris, de Jean-Luc Godard.

    La rencontre la plus déterminante dans votre carrière ?

    Jean Douchet, un des plus grands critiques français, également acteur, cinéaste et écrivain (ndrl : Jean Douchet a participé à la réalisation du premier film de Xavier Beauvois, Nord, en 1991. Il a également joué dans les trois films réalisés par celui-ci). Un autre grand critique, Serge Daney, m'a, lui aussi, beaucoup aidé à mes débuts.

    Votre talent caché

    Je suis assez doué pour la pêche au bar, en bateau. Je suis assez fort pour ne rien faire également. Rester devant la télé et buller par exemple...

    Pouvez-vous résumer Selon Matthieu ?

    (Pensif). C'est toujours la question qui tue... C'est l'histoire d'un père et de ses deux fils. Ils travaillent tous les trois dans la même entreprise. Le père se fait licencier abusivement pour une histoire de cigarette. Il est interdit de fumer dans l'usine et le père ne parvient pas à arrêter de fumer. Il est anéanti par ce licenciement.

    Son plus jeune fils Matthieu décide de le défendre. Son frère aîné ne le suit pas. Il vient de se marier et il fait construire une maison. Il ne veut pas risquer son emploi. Le père meurt, d'un accident ou d'un suicide, on ne sait pas vraiment. L'idée de vengeance s'installe alors dans l'esprit de Matthieu.

    Comment est née l'idée du film ?

    J'ai été ému par le témoignage d'une femme licenciée, elle aussi, pour une histoire de cigarette. C'était dans l'émission de Paul Amar, Le Monde de Léa. J'ai repris l'idée. Je me suis inspiré, en outre, de passages de La Misère du monde, de Pierre Bourdieu, où il interroge des syndicalistes.

    Comment s'est passée la rencontre avec Nathalie Baye ?

    Très bien. C'est une femme tellement charmante. C'est pourtant une grande star, mais elle a su conserver beaucoup de simplicité.

    Et Benoît Magimel qui joue Matthieu ?

    Je l'ai rencontré avant l'écriture du scénario. J'avais besoin de visualiser le personnage avant de pouvoir écrire. L'idée du film plaisait à Benoît. Je me suis ensuite consacré à l'écriture du scénario. J'ai laissé Benoît tourner d'autres films, puis nous nous sommes à nouveau rencontrés. Le courant est bien passé entre nous.

    Quelle image garderez-vous du tournage ?

    La scène du vestiaire où les deux frères se battent. Les comédiens ont beaucoup apporté à cette scène. Ils ont un peu improvisé. J'étais très ému.

    Et j'ajouterais une anecdote. Pour réaliser les plans du générique, nous avons tourné depuis un hélicoptère. Un jour, j'ai prévenu mes enfants que l'appareil se poserait le lendemain sur la pelouse du jardin. J'avais tracé un H à la peinture blanche sur l'herbe. Les enfants ont cru que je blaguais. Et le lendemain, ils avaient les yeux ébahis quand ils ont vu l'hélicoptère se poser. Il n'y a que le cinéma pour permettre des trucs pareils !

    Votre prochain projet

    J'écris avec un ami qui travaille à la police judiciaire. Je veux d'abord me plonger dans ce milieu pour ne pas dire de bêtises. Il ne faut pas négliger les petits détails, de vocabulaire notamment. Depuis cinq ans, on ne dit plus inspecteur de police, mais lieutenant, par exemple.

    Le film sera un polar. Il se penchera sur la vie d'un groupe d'enquêteurs. Un groupe qui travaille sur plusieurs affaires. Souvent, au cinéma, on voit les flics ne travailler que sur une seule affaire alors qu'ils sont débordés de boulot. Je pense que Roschdy Zem jouera un enquêteur. Benoît Magimel fera peut-être partie du casting.

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