Far North : les secrets du tournage

La parole à Asif Kapadia : "Mon co-scénariste Tim Miller et moi avions évoqué de nombreux projets après The Warrior mais il nous aura fallu beaucoup de temps pour trouver " la " bonne histoire. Lorsque j'ai découvert la nouvelle " True North ", écrite par Sara Maitland, j'ai éprouvé une grande excitation. Un sentiment que je n'avais pas éprouvé depuis le jour où Tim m'avait présenté le conte à l'origine de The Warrior. Il y avait quelque chose de vraiment excitant à l'idée de filmer ce conte hors du temps, au beau milieu de l'Arctique: un vrai contraste avec le désert indien brûlant de mon premier film. Tim et moi adorons les légendes et contes traditionnels, et cette histoire dégageait quelque chose de cet ordre là, un sentiment étrange..."

C'est au festival de Berlin qu'ont été montrées par Celluloid Dreams les toutes premières images de Far North, le nouveau film d'Asif Kapadia (Bafta du Meilleur film en 2002 pour The Warrior). Le tournage s'est déroulé dans des conditions exceptionnelles puisque en grande partie au Spitzbergen (où se situe le village le plus au nord du globe: Ny Alesund, 30 habitants). C'est la première fois qu'un tournage de film de cette ampleur est organisé aussi près du Pôle Nord (80° Nord). Fin 2006, logés sur un brise-glace, se déplaçant en zodiac, hélicoptère et moto-neige, protégés des ours polaires par 7 hommes en armes, 80 techniciens et acteurs de 14 nationalités différentes ont affronté les éléments pour que les prises de vues soient terminées avant que la nuit polaire ne s'installe dans cette zone de glaciers. Toutes les scènes d'intérieurs ont en revanche été tournées dans les studios de Twickenham, en Grande-Bretagne, en novembre 2006.

Asif Kapadia a tenu à ce que ce soit presque la même équipe de The Warrior qui l'accompagne pour le tournage de Far North. On retrouve donc le producteur Bertrand Faivre à la barre; le chef opérateur Roman Osin, le scénariste Tim Miller, Ewa J. Lind au montage ou encore le compositeur Dario Marianelli.

Pour que le film fonctionne, il fallait selon Asif Kapadia que le paysage soit d'un blanc immaculé et qu'il neige; ce qui avait été le cas lorsqu'il a effectué les repérages plusieurs mois avant de tourner au Spitzbergen. Mais la première semaine de tournage, le soleil était au beau fixe et le ciel trop dégagé. L'équipe a quand même décidé de mettre en boîte ses premières images. La suite, c'est le réalisateur qui la raconte : "Tout à coup, un matin de la deuxième semaine de tournage, nous nous sommes réveillés et les premières neiges de l'hiver étaient tombées. Tout était blanc. On a jeté notre plan de travail à la poubelle. Comme rien de ce que nous avions prévu de tourner ne collerait avec la première semaine de tournage ensoleillée, nous n'avions pas d'autre choix que de tourner tout de suite la fin du film, bien plus tôt que ce qui était prévu initialement. Travailler dans le froid avec des caméras et des lentilles anamorphiques, c'était lent et contraignant, et je n'arrivais pas à tourner tous les plans que je voulais. Les acteurs, eux-aussi, devaient trouver leurs personnages. Il en a résulté, par exemple, qu'une des premières scènes qu'a eu à faire Sean Bean était en réalité sa dernière scène".

C'est en partie grâce à Bertrand Faivre que Far North existe sur grand écran. On lui doit une production plutôt ecclectique, avec des oeuvres comme la comédie Les Randonneurs ou Le Vélo de Ghislain Lambert porté par Benoît Poelvoorde, mais aussi des oeuvres nettement plus graves comme Ratcatcher et Joyeux Noël.

Lorsque le réalisateur Asif Kapadia a rencontré l'auteur du livre "True North", Sara Maitland, afin d'évoquer une possible adaptation de son roman, celle-ci lui révéla que plusieures années auparavant, un certain...Stanley Kubrick l'avait contactée pour lui dire combien il avait apprécié son livre. Au point d'ailleurs de la solliciter pour l'écriture du script de A.I. Intelligence artificielle, qui ne sera pas réalisé par ses soins mais par Steven Spielberg.

Tim Miller, scénariste du film, s'exprime : "Après avoir travaillé ensemble sur The Warrior, Asif Kapadia et moi cherchions un autre conte pour notre seconde collaboration. Nous sommes tous deux attirés par le lointain, par les vastes paysages hors du temps. Je me suis enfermé dans la librairie d'ethnologie du British Museum pour lire des contes traditionnels des quatre coins du monde. Mais c'est par un tout autre biais que l'histoire est venue à nous. Un soir, j'attendais Asif au National Film Theatre pour aller voir Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi. J'étais en avance et suis sorti jeter un oeil aux rayons d'une librairie d'occasion sur les quais. En parcourant les tranches de ces vieux livres, j'ai repéré un nom que je connaissais et acheté un exemplaire en lambeaux d'un recueil de nouvelles de Sara Maitland. " Très loin au nord, dans le cercle polaire, le pays des nuits interminables, vivaient deux femmes. ". J'ai aussitôt accroché à l'une de ces nouvelles et l'ai lue jusqu'à la fin en l'espace de quelques minutes. Je me suis dépêché de rejoindre Asif. Nous avions trouvé notre histoire".