A chaque nouvelle année son nouveau film de Clint Eastwood. Avec son rythme plutôt impressionnant de métronome, le maître continue de récolter louanges et admiration dans la presse qui semble devenir aveugle et sourde quand apparaît son nom au générique. De plus, le film parle aussi d'une grande figure historique, Nelson Mandela, dans sa période de présidence dans les années 90 après ses 27 ans passés en prison. En fait s’il n’y avait pas le nom d’Eastwood au générique on serait sans doute bien moins exigeant sur le film. Car, il faut le dire, ce génie a beau avoir crée des perles, certaines sont brillantes mais superficielles, qui ont tendance à transpirer la machine à oscars, et c'est un peu le cas pour Invictus. Alors bien sûr, dire qu’Invictus est un mauvais film serait de la mauvaise foi, mais dire que c'en est un grand relèverait de l’exagération.
Le film part d'une base excellente, raconter l'histoire d'un homme et de son humanisme hors pair à travers la période de coupe du monde de Rugby 1995, où l'Afrique du Sud l'avait emporté. Et si le sport semble au cœur du film, il est quelque peu masqué derrière la grande histoire, celle d’un homme ayant déposé les armes et qui tente de construire une nouvelle nation presque utopique. Et même si c’est cela qui s’avère le plus intéressant dans Invictus, c’est cet humanisme bien trop appuyé qui constitue son plus grand défaut. Car en gros ce que nous raconte Eastwood c’est que l'apartheid c’est pas bien, que les blancs et les noirs doivent s’aimer les uns les autres, que le pardon est essentiel et que le sport permet de rassembler un peuple. Ok c’est très beau tout ça mais Clint nous brosse un portrait du leader sud-africain bien trop idéalisé. Les aspects de la stratégie politique et l’utilisation des différents symboles pour guider son peuple sont très bien traités, intelligemment. Mais ce qui semble passer aux oubliettes c’est l’essentiel, à savoir que cette coupe du monde remportée par l’Afrique du Sud chez elle n’aura eu qu’un effet provisoire, et que ce combat de Mandela, aussi louable et génial soit-il sur un plan stratégique, n’aura pas vraiment eu d’effet durable sur le pays qui aujourd’hui encore souffre. A bien y regarder, il semble que Clint Eastwood ait plutôt livré sa déclaration d’amour à un personnage entré dans la légende de son vivant plus qu’un regard objectif. Mais paradoxalement, on ne peut pas retire le fait que Clint Eastwood reste un excellent conteur, et un incroyable metteur en scène.
Il y a donc quelques défauts dans Invictus mais on ne peut ignorer le talent qui se reflette dans le film, autant dans sa réalisation, que dans son casting d'ailleurs. Morgan Freeman campe un Mandela historique de manière juste, avec ses mimiques, et Matt Damon, émouvant dans son rôle de capitaine d'équipe, qui se voit doté d'une motivation extrême à l'idée de penser ce que la victoire pourrait donner à son pays. Malheureusement, tout est beaucoup trop beau pour être vrai et cela gâche un peu l'histoire de base qui était très intéressante, tout simplement celle de Mandela. Ainsi, Invictus est un beau film trouvant parfois un vrai souffle épique mais définitivement mineur dans une filmographie de haut vol du réalisateur.