Une gueule unique et un talent incroyable pour un jeune réac' excité devenu avec le temps vieux sage adorable. Clint Eastwood. Ou comment prendre un virage radical au milieu de sa carrière et se mettre la critique dans la poche avec des films bien-pensant mais esthétiquement admirables. Avec "Gran Torino", on ne déroge pas à la règle ; c'est ce qui le rend si agréable et facile à suivre en même temps que terriblement prévisible et auto-satisfait. Comme dans "Mystic River", "Million Dollar Baby", le diptyque sur Iwo Jima (si on remonte à un peu, ce sera "Sur la route de Madison", "Impitoyable", etc...), Clint a pris conscience du sens de la vie et tient à nous le faire savoir. C'est ainsi que nous aurons droit une fois de plus et deux heures durant à une mise en avant des valeurs bénéfiques de la solidarité familiale, de la tolérance, du travail, du mérite... bref tout ce qui forge un honnête homme ! Rien de nouveau là-dedans, C.E. se complaisant même cette fois-ci dans la caricature en opposant explicitement des schémas-type de personnages pour nous faire prendre parti un peu lâchement. Le discours sur les quartiers difficiles et le communautarisme respire le cliché et l'ensemble s'apparente finalement à une bonne grosse leçon de morale. Sur la forme, c'est là aussi très répétitif : toujours ces mêmes mouvements de caméra, ce même montage, cette même utilisation de la lumière, ces mêmes plans symboliques, ce même appui sur des couleurs froides... Disons pour être gentil qu'on ne change pas une équipe qui gagne ! Bon, à côté de tout ce pathos (la fin est mauvaise) et de cette mise en scène redondante, il reste tout de même un sens du rythme, une bonne distribution, une intrigue correctement bâtie, quelques séquences prenantes, beaucoup d'humour (héhé) ; en résumé, tous ces éléments qui vous rendent un long-métrage plaisant. N'empêche, le vieux Clint commence à radoter (moi aussi d'ailleurs !). Dédicace à une blonde qui se reconnaîtra : sitôt vu, sitôt oublié !