Sans queue ni tête : les secrets du tournage

Si la réalisatrice a dû attendre six ans depuis la réalisation de son dernier film Cause toujours! pour faire celui-là, c'est qu'il y a eu entre temps un projet avorté pour des raisons financières, en 2004. Après avoir consacré son énergie à l'écriture d'un roman, elle tombe par hasard sur un livre de Jacques Lacan, et se trouve marquée par le concept de "passe" qu'il avait mis au point - ce moment où quelqu'un en analyse devient lui-même analyste, ce "passage". Elle parle alors à son co-scénariste de la mise en relation cinématographique de la psychanalyse et de la prostitution et tous deux se rendent compte assez vite de toutes les passerelles possibles entre les deux milieux. L'histoire est ainsi née.

Initialement prévu pour fin 2008, le tournage devait à l'origine mettre en scène Michèle Laroque, Emilie Dequenne et François Berléand. L'emploi du temps de chacun s'est finalement révélé incompatible et c'est l'ensemble de la distribution qu'il a fallu remplacer pour aboutir finalement à ces nouveaux choix. Parmi ceux-là, seul Jean-Pierre Darroussin a déjà collaboré avec la réalisatrice sur deux films : Cause toujours! et Si je t'aime, prends garde à toi.

Installée par ces derniers films dans le genre de la comédie, Jeanne Labrune réalise ici un film plus grave qu'il n'y paraît, sur l'argent et les relations humaines. L'histoire se prêterait pourtant assez bien à la mise en place d'un vaudeville léger mais il est apparu plus juste aux auteurs d'y introduire également une gravité de ton. A travers le choix d'Isabelle Huppert et des autres acteurs, des décors et de la lumière "ce qui se tramait c'était précisément de mettre en scène l'envers de la comédie humaine, de soulever le masque du rire," explique la réalisatrice.

Présents dans ses films en tant qu'authentiques outils narratifs, les objets représentent pour la réalisatrice de véritables sujets de questionnements. "Chacun voit dans le même objet quelque chose de différent, il y met du sens, il interprète, il se révèle en parlant de lui, il projette sur lui un imaginaire (...) La vraie valeur d’un objet, c’est sa valeur imaginaire", conclut-elle.

La relation qui a uni les deux femmes tout au long de la préparation du film a été empreinte d'une grande marque de confiance mutuelle. Dès lors que la décision de la comédienne d'accepter le rôle a été prise, il n'y a jamais eu de discussion autour du scénario, et c'est par instinct que l'accord sur la vision du personnage s'est fait, progressivement, au fil des essais. Un rapport strictement professionnel les a animées, chacune laissant à l'autre son espace de travail, vers un but commun. Et, au fur et à mesure de l'avancée du tournage, la parole s'est réduite, chacune guidée par la certitude d'un objectif partagé.

Le film, produit principalement par des sociétés belges, a été tourné du 28 septembre au 12 novembre 2009 et a vu la production s'arrêter à Bruxelles, Liège, Charleroi, au Luxembourg et à Paris.