Souffrant d'un déficit certain d'image auprès du grand public, c'est la Creuse qui a été élue pour le tournage, bénéficiant ainsi d'un coup de projecteur bienvenu. Ce département, terre de ses vacances d'enfant, est par ailleurs un endroit familier à Laura Smet. Une distinction qui a attisé l'attention du réalisateur, soucieux de découvrir plus précisément une personnalité trop souvent confinée à une image: "Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, j’ai découvert une personne incroyable, au sens premier du terme. Laura, c’est le mouvement perpétuel, la parole – trop de paroles – la pensée – trop de pensées – un déséquilibre formidable et fertile qui ne tend que vers la vie, l’incertain et le fragile", commente-t-il.
Jean-Louis Murat est un musicien français célèbre autant pour ses compositions sensibles et inclassables que pour son franc-parler assez corrosif. Outre ses qualités musicales que Renaud Fely apprécie incontestablement ("C'est l'un des meilleurs chanteurs français, pour moi. Un artiste habité qui construit, avec style, ses morceaux autour du sentiment, du sensoriel et du sensible"), Murat présente également une autre particularité qui résonne avec plaisir aux oreilles du réalisateur, celle d'être "de la campagne":"Il est de « là-bas ». Il sait raconter les hommes et la nature. Sa musique se nourrit des éléments. Il est inspiré. Le choix allait de soi", commente-t-il.
Au plus profond de la campagne, un film ne s'envisage que difficilement sans lien avec la nature. Des passerelles se mettent en place entre les deux mondes, imposant l'influence de la nature sur les humains, et inversement. Ainsi, la scène du brame du cerf, à la fraîcheur de la nuit, qui expose "l’émotion de Pauline, son rire, ont quelque chose de miraculeux. Cette scène incarne vraiment le dépassement. Leurs phrases se bousculent. Leurs mains se frôlent…" Et chacun en a un rapport différent. " Catherine, elle, la subit. Serge n’y a jamais vraiment trouvé sa place. Maurice ne se pose pas la question : il est de là. Quant à François, il communie avec elle, même si c’est le lieu du drame."
Le déroulement de l'histoire est affaire de découverte mutuelle, le spectateur et les personnages avançant sur la même ligne, avec les mêmes informations. Cette coordination est le fruit de la conception du réalisateur qui envisage les dialogues comme "des confessions salutaires". Ainsi, "les informations se donnent quand les personnages le sentent, ni avant, ni après" et la parole devient acte de catharsis, une condition qui permet à Pauline et François de se libérer dans leurs échanges. Et une exigence salutaire : "ils sentent chez l’autre une capacité d’écoute et de compréhension suffisamment forte. C’est la condition nécessaire pour qu’ils puissent s’aimer."
La filmographie de Yannick Renier porte le sceau d'un cinéma dit "d'auteur", caractérisé par un réel engagement auprès d'un réalisateur. Renaud Fely a su trouver dans son interprète les qualités qu'il cherchait, les engageant ainsi dans une relation de travail assez poussée. "Yannick possédait à la fois la bonté, l’enfance, l’innocence. (...) Il a su éclairer le personnage de sa propre humilité et vitalité. Nous avons travaillé autour de la joie et de la douceur ; un être désarmant qui se livre et qui se donne."
Tout à son intention de rendre "vivants" ces personnages en reconstruction, décidé à les voir "palpiter", le réalisateur s'est fixé un principe récurrent de mise en scène : les filmer de face. Il explique ainsi ce que cette technique offre comme interprétation : "Je tenais avant tout à une certaine simplicité. (...) Les rares fois où je place la caméra derrière eux, c’est qu’ils ont une idée derrière la tête. Ou qu’ils ont quelqu’un en tête", explique-t-il.
Avec Pauline et François, Renaud Fely réalise son premier long métrage, quatre ans après avoir été le directeur de la seconde équipe de Pascale Ferran sur le multi-césarisé Lady Chatterley. C'est d'ailleurs sur ce tournage qu'il fait la rencontre Arnaud Louvet qui l'accompagne, lui aussi pour une première, à la production de ce film.