Madame Bovary : les secrets du tournage

Ce qui a motivé la réalisatrice indépendante Sophie Barthes à se lancer dans une adaptation filmique du célèbre roman de Gustave Flaubert, c’est l’aptitude du romancier à décrire la tension entre réalisme et romantisme et entre vulgarité et poésie. L’obsession que l’écrivain avait de toujours trouver le mot juste se retrouve ainsi dans le long-métrage de la cinéaste, son intention étant de respecter l’esprit du roman, la psychologie des personnages tout en réalisant un film moderne pour cibler un public plus jeune.

Quand la cinéaste Sophie Barthes a lu le scénario de Felipe Marino, elle a été séduite par cette adaptation qui prenait des libertés mais qui restait fidèle à l’esprit du roman. Cette distance prise avec le matériau d’origine a permis à la réalisatrice de se lancer dans le projet. "C'est cette liberté qui m'a tant séduite. Il est totalement impossible, dans le cadre d'une adaptation cinématographique, d'être strictement fidèle à un tel chef-d’oeuvre. En termes d'unité de temps et d'action, l'histoire a été condensée sur une seule année. Le parti pris consiste à se concentrer sur la très jeune Emma. Elle est à peine entrée dans l'âge adulte qu'elle enchaîne déjà toute une série d'erreurs d'appréciation qui vont la précipiter dans cette spirale de l'autodestruction. Il s'agit d'une jeune femme naïve et vulnérable, vivant dans un monde de projections et de fantasmes, qui va se faire dévorer par cette envie irrépressible d'accéder au plaisir", explique Barthes.

Madame Bovary a été diffusé dans de nombreux festivals à travers le monde. On peut notamment citer le Festival international du film de Toronto, le Festival du film de Telluride, celui de Sidney ainsi que le Festival du cinéma américain de Deauville 2015.

Sophie Barthes avait découvert Mia Wasikowska après avoir visionné quelques épisodes de la série En analyse, où l’actrice australienne jouait le rôle de Sophie, une gymnaste adolescente et suicidaire. La réalisatrice a toujours souhaité tourner un film avec Wasikowska car selon elle, la jeune comédienne est capable d’interpréter des personnages ambivalents et difficiles à jouer.

Madame Bovary est le cinquième long-métrage dans lequel Mia Wasikowska incarne un personnage vivant au XIXème siècle. En effet, c’est en juillet 2008 que l’actrice australienne a vu sa carrière basculer, lorsque Tim Burton l’a enrôlé pour incarner l'héroïne principale de son lucratif Alice au Pays des Merveilles. Cependant, loin de multiplier les grosses productions, Wasikowska a privilégié les films d'auteur et a tenu entre autres le haut de l'affiche dans l'adaptation de Jane Eyre.

Dans le monde du cinéma, il est coutume de dire que le roman de Gustave Flaubert ne produit généralement pas de grands films. Cela n’a pas empêché plusieurs réalisateurs d’avoir tenté d’adapter Madame Bovary sur grand écran. En effet, on a pu dénombrer plus de quinze adaptations du livre. Jean Renoir a été celui qui inauguré la danse avec sa première tentative en 1933, depuis il a notamment été suivi par Claude Chabrol en 1991 et par Anne Fontaine en 2014 avec Gemma Bovery.

Le roman de Gustave Flaubert, bien qu’ayant été écrit au XIXème siècle, a eu une influence durable sur le monde de la culture qui est encore visible aujourd’hui. On peut notamment citer la création de plusieurs pièces de théâtre, mais aussi d’un manga, d’un roman graphique et d’une bande dessinée franco-belge.

Madame Bovary a laissé une place majeure dans son intrigue à la question de la dette et des problèmes financiers. La cinéaste Sophie Barthes a aimé traiter cette problématique lors du tournage de son long-métrage car lorsqu’elle était étudiante à New York, elle a pu constater comment le consumérisme influençait la société américaine. La gigantesque crise financière qui a eu lieu en 2007 a d’autant plus rendu cette question importante aux yeux de la réalisatrice française.

Pour trouver le lieu propice au tournage, l’équipe a visité de nombreux châteaux et villages dans toute la Normandie. Au début, Sophie Barthes voulait filmer près de Rouen, là où se déroulait l’intrigue du roman, mais la plupart des bâtiments avaient été détruits après la Seconde Guerre mondiale. L’équipe s’est alors dirigée plus au sud, et a trouvé le lieu parfait. Comme Barthes ne disposait pas d’un grand budget, elle était ravie d’avoir trouvé ce lieu qui semblait être un authentique petit village du XIXème siècle (seuls deux pôles téléphoniques ont dû être cachés pour les besoins du film).

Le directeur de la photographie de Madame Bovary n’est autre qu’Andrij Parekh, le mari de la réalisatrice Sophie Barthes. Ensemble, ils ont étudié intensément de nombreux tableaux comme ceux de Vilhelm Hammershoi, un peintre danois qui a l’habitude de représenter des femmes dans leur solitude. Pour contraster avec les décors plutôt gris du lieu de tournage, la cinéaste a décidé, avec les costumiers, de créer des habits très flashy pour manifester la passion sulfureuse de certains personnages.