Quand sort un film afghan, tourné en Afghanistan avec des acteurs afghans, on n'y va pas, on y court! (d'autant plus que la semaine passée était répertoriée: spéciale semaine du nanar; de Garrel à Lemercier en passant par Klapisch, vous aviez le choix entre tout l'éventail du navet, du plus prétentieux au plus démago...
C'est vrai, peut être, qu'on oublie qu'il s'agit d'un film. Qu'on ne va pas le juger pour ses qualités cinématographiques (réelles pourtant!), parce qu'on est, avant tout, plongés dans une tranche de vie -si exotique!
De fait, vous ne verrez pas de silhouettes furtives sous leur tente bleue. Ou très peu, dans le décor. On est à Kaboul, grande ville moderne (??), et les jeunes filles, comme les iraniennes, portent des jeans bien serrés et, dans la rue, un foulard mollement noué qui glisse largement en arrière de la tête. Dans les fêtes de mariage, hommes et femmes sont séparés, mais personne ne s'offusque quand un homme rentre au milieu de ces dames en cheveux et décolletées.
La modernité ne va pas, certes, jusqu'au déneigement des rues. En arrière plan, la chaine de montagne étincelante est magnifique, mais les passants pataugent, les voitures -surtout des taxis- s'embourbent et dérapent. L'hiver a l'air bien rude, dans cette ville!
Wajda (Wajma Bahar), donc, est jeune et insouciante. Elle va rentrer en fac de droit; et elle est amoureuse. Du très occidentalisé Mustafa (Mustafa Abdulsatar) -l'appartement de sa maman, moderne et même cossu, est totalement meublé à l'occidentale. Donc, voilà: on est dans la bourgeoisie évoluée. Wajda se considère comme fiancée, même si la demande aux parents n'a pas été faite officiellement, mais les familles se connaissent. Alors, elle ne résiste pas longtemps à Mustafa. Sans préservatif, vous pensez bien. Et quand elle est enceinte, le joli cœur se défausse: Wajma n'a pas saigné, c'est donc qu'elle n'était pas vierge. Il ne veut pas élever l'enfant d'un autre.... Vous voyez, on connait ça depuis Marius/Fanny/César.
Wajma est soutenue par sa mère (Breshna Bahar) et sa grand mère, qui ont pitié d'elle malgré le silence dans lequel elle se mure. Mais son frère, un crétin qui ne s'intéresse qu'aux combats de chien, n'est pas dans les mêmes dispositions. Il prévient le père (Hadji Gul), démineur qui travaille loin de Kaboul. La réaction paternelle est d'une violence inouïe, terrifiante. La jeune fille est battue à coups de ceinturon. Les coups atterrissent aussi sur les femmes qui tentent de s'interposer. Wajma est enfermée dans la remise, sans chauffage, sans nourriture. Il va la brûler, dit-il, c'est la seule façon de laver son honneur; et tuer le suborneur (dont Wajda refuse, désespérément, de dévoiler l'identité). Non sans avoir pris un conseil juridique (voila qui nous rappelle aussi les films iraniens). Si le père avait surpris les amants en pleine action, il aurait pu les tuer sans être inquiété, dit ce sage homme; mais, ne connaissant les faits que par ouï dire, ça change tout! S'il les tue (enfin, j'imagine, surtout s'il tue l'amoureux...) il risque au minimum l'emprisonnement à vie, voire la mort!
De toutes façons, le père malgré sa honte, n'est pas un tueur -et Wajma ne sera pas brûlée.... Je vous laisse découvrir une fin aigre-douce.
Le film de Barmak Akram nous passionne, donc, cette plongée dans ce monde où la virginité d'une fille est un bien familial, et où la perte de cette virginité déshonore tout le clan est à voir, absolument. En plus, le film est très bien fait.