Heureusement, y a les chinetoks pour nous redonner le plaisir du cinéma!!
Diao Yinan n'est pas un chinetok ordinaire. Les grands, très grands réalisateurs chinois qui se sont révélés ces dernières années s'attachaient à peindre (en sombre) la Chine moderne. Les déplacements de population, la misère des campagnes, le développement du banditisme. Diao Yinan, lui, est surtout imprégné du cinéma noir américain des grands années, même si, évidemment, l'arrière plan sociologique est là -et bien là.
C'est le nord de la Chine. Pays du charbon omniprésent, de la neige sale, du ciel plombé, des petits villes lugubres, des dancings miteux. Et des patinoires naturelles.
On trouve, dans des wagons de charbon, balancés manifestement du haut d'un pont, des débris humains. On identifie une victime trop évidente, Xue-Bing. L'enquête, menée par l'inspecteur Zhang (Fan Liao, qui a ramené un Ours d'argent de Berlin, alors que le film recevait l'Ours d'or) et ses collègues, fonce droit dans une fausse piste. Résultat: deux flics au tapis, et l'assassin court encore.
Cinq ans plus tard, Zhiang a quitté la police. Alcoolique, il est arrivé au dernier point de la déchéance quand il croise un ancien collègue qui lui raconte qu'à nouveau, il se trouve confronté à deux crimes mystérieux, deux hommes tués à coups de patin à glace, et chose très bizarre, ils ont été l'un comme l'autre liés à l'employée d'un petit pressing: la veuve de Xue-Bing...... c'est pas le point de départ d'un thriller américain, ça? C'est pas un sujet pour Polanski?
Et cette jeune veuve, Wu (Lun-Mei Gwei), silhouette fragile, visage totalement fermé, tragique et mutique -victime ou coupable? elle nous évoque, d'une certaine façon, la Faye Dunaway de Chinatown. La aussi, Zhiang est fasciné, et il va reprendre, en parallèle, sa propre petite enquête.
A partir de là, le film vit de façon étrange. Tantôt faisant du surplace, avant de repartir. Tantôt prêt à se terminer, avant de rebondir. [Sois bien attentif, spectateur, car rien ne ressemble plus, dans le noir, à un chinois moustachu à bonnet qu'un autre chinois moustachu à bonnet....] Ces sortes de stagnation puis d'accélération du rythme donnent au film une véritable personnalité. Sur cette image grisâtre éclatent, avec un mauvais goût de nouveau riche, les néons criards d'un élégant établissement de jeux, tenu par l'opulente veuve d'une des deux dernières victimes. Le film se termine sur une scène délirante, un feu d'artifice clandestin tiré du haut d'un immeuble, dont les fusées atterrissent n'importe où, faisant fuir les passants et mettant le feu aux poubelles. Tiré par qui? On a une petite idée.
Tout est passionnant dans ce film dans lequel on se sent, par moments, complètement égarés. Ce qui est le propre d'un thriller réussi. Si tout est trop clair, c'est un Maigret! Beau, très beau film à voir absolument.