Elle est jolie, espiègle, la voix rieuse, elle panse les plaies, elle dresse les chevaux, et elle vient de perdre son amant à la guerre. Voilà le destin d'Angèle qui débarque avec sa fille, Louise, en pleine Picardie, chez un châtelain, Charles, amputé de sa jambe suite aux combats. Inspiré de la tradition romanesque française romantique et élégiaque, le film nous emporte dans les paysages intérieurs tourmentés de deux personnages, hantés par la solitude, le traumatisme de la guerre et la perte (pour l'un de l'homme de sa vie, pour l'autre de sa dignité de capitaine). Le couple se marie, un peu malgré eux, sous contrat, comme le feraient les personnages d'une nouvelle de Maupassant. La situation est totalement improbable, mais Gilles Legrand parvient à rendre crédible une histoire aux grandes envolées lyriques. Le verbe est haut aussi. Le réalisateur avec son scénariste choisit en effet des dialogues très écrits, très inspirés aussi par des écrivains comme Wilde. Tout le film est rempli de mots d'esprit, voire d'aphorismes qui peuvent avoir tendance à alourdir le propos. Et pourtant, le récit se laisse regarder, tant l'intrigue apparemment simple, recèle de ficelles tout à fait riches. Les personnages sont complexes, denses, échappant au risque de la caricature, à la lumière d'une narration où sommeillent mille et une références littéraires. La plus originale, semble-t-il, est celle où la jeune-femme fait préparer une jambe de bois pour son mari afin de lui permettre de devenir de nouveau un homme, en complète corrélation à sa propre impuissance à jouir. Le clin d'œil à Cendrars et sa fameuse main coupée est alors évident. Bref, Gilles Legrand est parvenu à réaliser un film à l'image soignée, parfaitement maîtrisée. On reconnaît la patte romantique d'Armand Amar qui accompagne l'écran de longues plaintes symphoniques. Ce n'est pas un chef d'œuvre, c'est certain, mais un film suffisamment pour beau pour donner envie d'aimer au milieu de ces chevaux.