« Un amour impossible », titre et bande d’annonce qui ne sont guère désirables, un comble pour un film sur les sentiments amoureux ! De plus, le scénario tiré du très controversé livre de Christine Angot semble être un terrain est miné ou encore une possible option de sensationnalisme.
Contre toute attente, la proposition de Catherine Corsini est d’une pudeur sans faille et pourtant totalement bouleversant et remuant car la retenue n’exclut pas des scènes très fortes.
Bien que de facture classique, les plans sont beaux, les couleurs évoluent subtilement selon les époques et les saisons mais aussi suivant les sentiments ressentis et certains mouvements de caméra sont très travaillés, notamment lors de l’échange final.
Certains passages sont sublimes, que ce soit dans un sentier de forêt sinueux bordés de muguets à perte de vue (symbolique d’une relation jolie en apparence mais tumultueuse), ou dans un style opposé, une station-service d’époque enfermée dans du béton grisâtre (la laideur du carburant qui anime la fille).
La reconstitution des différentes époques est non seulement sans faille mais en plus, elle apporte une mélancolie aussi surprenante que difficilement explicable. Le vieillissement des personnages et surtout de Rachel est très bien géré et les différentes actrices qui incarnent Chantal à quatre époques de sa vie sont très bien choisies. Les comédiens sont excellents et le duo Virginie Efira et Niels Schneider fait des merveilles que ce soit dans le magnétisme de la passion ou la froideur la plus rigide. Lui incarne la beauté sombre à la parfaite éducation bourgeoisie, mais aussi un malaise troublant qui fait planer une épée de Damoclès. Elle incarne la douceur, la force, la droiture de sa condition plus simple.
Personnage central et pilier du film, la mère passe de l’amour aveugle à la souffrance pudique, à une relation proche avec sa fille puis à l’éloignement par cause de non-dit. A une époque où la condition de la femme était liée à des schémas patriarcaux, c’est courageusement et surtout sans faire de vague que Rachel tente de faire le deuil de sa relation et cherche à s’émanciper. Malheureusement, la relation toxique liée à une volonté de faire reconnaitre sa fille à son père fait qu’un dangereux lien est maintenu et apportera son lot d’horreurs.
Elle n’est jamais victime, toujours digne et capable d’encaisser beaucoup sans pouvoir parler à quiconque, il ne faut oublier que dans ces années-là, la folie et la névrose étaient encore trop souvent considérés comme des pathologies proches et qu’aller voir un psy était une solution considérée comme honteuse et totalement inavouable. Dans ces conditions, il n’était pas évident de gérer un pervers, d’agir et de dénoncer l’inavouable, de lutter contre le carcan des classes encore très présent, puis au final de sortir du cadre imposé par une société « bien-pensante ».
De par des ellipses fort bien gérées, la chronologie respectée n’est ainsi pas rébarbative et permet d’apprécier l’évolution de l’enfant qui va porter les chaines familiales et s'en défaire du mieux qu’elle peut. La haine, adressée à la mauvaise personne, fait monter en puissance un malaise omniprésent jusqu’à la révélation choquante de son origine.
Le film est à l’image de son héroïne : pudique, intelligent, de peu de mots, de non-dits et de parts d’ombres, parfois révoltant, toujours émouvant.
La citation finale est sublime et conclut parfaitement cette adaptation littéraire de grande classe !