Entrée au cinéma avec un parti-pris des plus défavorables..... A priori, tout ce que je déteste: un film "psychologique français".... une actrice qui s'est jusqu'ici illustrée dans des "comédies françaises"..... l'adaptation d'un livre de l'hystérique de service, qu'on peut voir sur toutes les chaines déplorant qu'on ne l'invite nulle part. Et une réalisatrice qui, jusqu'à présent, n'a rien fait qui m'ait intéressée. Donc, je me préparais à répandre sur ces pages, avec un plaisir sadique, un peu de fiel....
Tout faux! le film de Catherine Corsini, sensible, intelligent, sobre m'a ravie -et je vous engage tous à aller le voir! Virginie Efira est très bien -on s'étonne qu'elle ait mis si longtemps à se révéler au cinéma, même si elle abuse du sourire illuminé de Sainte-Ursule-portant-ses-seins-sur-un-plateau..... mais c'est vrai que Rachel, le beau personnage qu'elle interprète, est lumineux, un magnifique personnage de femme. Femme forte: elle élève seule sa petite fille, avec bonheur. En même temps, elle cherche à progresser constamment sur le plan professionnel, allant jusqu'à quitter le cocon familial et amical de Chateauroux pour Reims, où elle va trouver un poste plus intéressant. Forte, lumineuse..... mais enkystée dans un amour aberrant pour Philippe (Niels Schneider, ignoble à souhait!) un fils de famille, un pourri complet, qui lui déclare qu'il ne l'épousera jamais (d'ailleurs il se marie avec une fille de son milieu, et bien riche), refuse de reconnaître la petite Chantal, mais n'hésite pas à sauter Rachel lorsqu'il vient la voir, de temps en temps -il peut s'écouler plusieurs années entre les visites.... Jusqu'au jour où, excédé par les revendications de Rachel, il reconnait Chantal.... et se met à voir sa fille tous les week-ends.
Amour impossible entre une femme simple et un pervers narcissique, mais aussi entre une mère et une fille fusionnelles -jusqu'à ce que cela se déglingue, que Chantal rejette sa mère, puis qu'elle revienne pour lui poser la question: Pourquoi n'as tu rien vu? Quelle question! comment cette femme simple aurait elle imaginé cette horreur, cette vengeance du pervers qui n'a pas au fond supporté cette reconnaissance de paternité imposée, et s'applique à la souiller.... La bonne question de Chantal, ç'aurait été: Mais pourquoi es tu restée avec lui? Et la bonne question de Rachel: Mais pourquoi as tu continué à la voir.....
Fascinante immersion dans les méandres de l'âme humaine, mais sans pathos, et une chose pour laquelle on doit aussi féliciter Catherine Corsini, c'est que le contexte social (un fils de famille qui utilise, manipule, une jeune femme issue d'un milieu ouvrier) aurait pu être pesant, voire lourdingue, s'il avait été imposé avec moins de délicatesse.
Bref: très bien!