Mine de rien, j'ai vu très peu de films de Max Ophüls : il serait définitivement temps de corriger cette anomalie. Ce qui est désormais en cours avec « Madame de... » qui, sans m'avoir autant conquis que « Lettre d'une inconnue », reste du très, très grand art. Formellement, bien sûr : ces travellings, ces cadres, cette élégance se dégageant de chaque plan, peu de réalisateurs en sont capables : c'est clairement son cas. Cette beauté resplendissante, cette caméra constamment en mouvement pour filmer la complexité du sentiment amoureux est totalement au service d'un scénario minutieusement pensé, construit, faisant évoluer, toujours avec beaucoup de subtilité, de non-dits, les pensées, le comportement des trois personnages principaux, à commencer par celui de Danielle Darrieux (brillante, marquante), passant de la (charmante) bourgeoise frivole et détachée à l'amoureuse passionnée de façon troublante. Même si le résultat est un tout petit peu trop subjectif, « complexe » pour moi, il y a beaucoup de très belles idées, à commencer par celle qu'au fond, un objet n'a de la valeur
qu'à travers ce que l'on ressent pour celui qui nous l'offre
, merveilleusement exploitée par une écriture à la précision millimétrée. Pas évident d'écrire une critique « normale » sur une telle œuvre, fonctionnant beaucoup à la sensation : en tout cas, voici un véritable travail d'orfèvre signé maître Ophüls auquel on sera plus ou moins sensible, mais où l'on ne pourra que saluer autant de talent et de subtilité.