Medusa : les secrets du tournage

Le film a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2021.

Anita Rocha da Silveira s’est à la fois nourrie de la croissance significative du banc évangélique au Congrès brésilien et de la naissance d’un nouveau type d’influenceurs qui défendent un style de vie ultraconservateur. Elle a aussi puisé parmi les « Gladiateurs », un groupe paramilitaire dont des photos et des vidéos avaient fait surface sur Internet en 2015. On y voyait des jeunes hommes en uniforme saluant devant un autel, criant des mots de commandement, disant qu'ils étaient préparés pour la bataille du Seigneur. La propagation de fake news et la désinformation qui ont pesé sur les élections brésiliennes de 2018 ont aussi marqué la réalisatrice.

Mais elle a surtout été interpellée de voir une partie de la société brésilienne prôner le retour de la femme pudique, au point que des jeunes filles ont été attaquées violemment par d’autres adolescentes pour leurs mœurs légères, leurs tenues jugées trop provocantes… « La violence entre les femmes (souvent utilisée comme une forme de contrôle) est constamment réitérée dans notre société, et elle reste, à ce jour, un sujet dont on parle peu, car elle nous met au défi de réfléchir à la façon dont les moteurs du machisme fonctionnent aussi en nous. »

Le titre est évidemment une référence au mythe de Méduse. À l’origine, elle est une belle jeune fille violée par Poséidon dans un temple dédié à Athéna. Celle-ci la punit en transformant ses cheveux en serpents et en lui donnant le pouvoir de pétrifier tout mortel qui croise son regard. Une autre version indique que Méduse est punie par Athéna pour avoir été trop fière de sa beauté. Anita Rocha da Silveira en propose une relecture moderne : « Méduse a été punie pour sa sexualité, pour avoir désiré, pour ne pas être "pure". En combinant le mythe et la réalité, il m'est apparu que, même au fil des siècles, la volonté des femmes de se contrôler les unes les autres est devenue le fondement même de cette civilisation. »

La réalisatrice souligne qu’elle n’a pas pour intention de critiquer la religion à travers son film mais « plutôt d'attirer l'attention sur certains groupes qui font des interprétations particulières des textes bibliques et contribuent à la construction d'environnements intolérants, sexistes, homophobes et teintés de haine. Aujourd'hui, il peut être facile de s'approprier une doctrine et de l'utiliser comme bon vous semble. »

La principale influence d’Anita Rocha da Silveira sur Medusa a été Dario Argento, en particulier Suspiria et Le Syndrome de Stendhal. Elle cite également David Lynch et Twin Peaks, Carrie de Brian De Palma, ainsi que Get Out de Jordan Peele pour « son excellent mélange d'horreur, d'humour et de commentaire social ». Enfin, Claire Denis, en particulier Trouble Every Day et Beau Travail, l’inspire pour sa manière de « cadrer les corps dans un état intense de contrôle et de sublimation, mais aussi de manière incontrôlée, pour finalement s'abandonner à des désirs cachés ».