La Vénus d'argent : les secrets du tournage

Pour écrire La Vénus d'argent, Héléna Klotz est partie de deux mythologies. D’un côté la caserne de gendarmerie et les barres d’immeubles de la banlieue, de l’autre la finance et les tours des quartiers d'affaires. Elle précise : "Au milieu, un personnage féminin qui cherche à briser le plafond de verre de sa classe sociale pour se créer du futur. Je ne l’ai pas pensé comme une fille qui veut devenir trader mais comme quelqu’un qui cherche un avenir possible. On pourrait voir Jeanne Francoeur comme l’héritière lointaine et féminine de Julien Sorel, d’Eugène de Rastignac ou de Martin Eden, et La Vénus d’Argent comme un film d’apprentissage au féminin."

Héléna Klotz a travaillé avec la cheffe costumière Judith de Luze, ainsi qu’avec Christelle Kocher, l'une de ses amies qui est aussi créatrice de la marque de mode Koché. "C’est elle qui a pensé à la veste de motarde de Jeanne : il fallait à l’évidence un blouson en cuir, puisque Jeanne ne se sépare pas de son scooter. Christelle m’a suggéré une veste colorée, pour éviter le look noir à la Millenium. Quant au costume, je ne voulais pas d’un costume classique de tueur à gages, noir et blanc comme chez Kitano. Alors j’ai pensé au costume gris de Tom Cruise dans Collateral de Michael Mann. La couleur grise donnait à son personnage un aspect très curieux, comme s’il était déjà mort", confie la réalisatrice.

Dans la peau de l'héroïne, Héléna Klotz a choisi Claire Pommet, connue comme chanteuse sous le nom de Pomme, dont c’est le premier rôle au cinéma : "Le casting est une étape dont je m’occupe personnellement. Chercher les acteurs et les actrices, c’est déjà pour moi une manière d’entrer dans la mise en scène. J’en vois peu pour chaque rôle. Claire m’est apparue comme une évidence. J’avais lu un entretien qu’elle avait donné à Mediapart au sujet des difficultés qu’elle a rencontrées dans le milieu de la musique. Je me suis dit que cette fille allait tout de suite comprendre l’ambition et la blessure de Jeanne", confie la cinéaste.

Avec La Vénus d'argent, Héléna Klotz retrouve Niels Schneider, qui n’en était encore qu’aux débuts de sa carrière quand il a joué dans L’âge atomique (2012). La réalisatrice raconte : "Niels est un acteur génial, au charisme inné, d’autant plus puissant aujourd’hui. Notre amitié fait aussi qu’on gagne du temps dans le travail. Il n’y a pas de réactions d’égo. Niels est profondément bon, mais il peut renvoyer au cinéma quelque chose d’ambivalent, angélique et diabolique, et c’est ce que je voulais retrouver dans son personnage."

Dans le monde de la finance du film, le rôle masculin principal est tenu par Sofiane Zermani, connu comme rappeur sous le nom de Fianso. Héléna Klotz l'a découvert dans Les Sauvages de Rebecca Zlotowski, où sa voix et sa manière de dire le texte avaient frappé la cinéaste : "Il a tout de suite accepté le rôle. Comme pour Claire, je savais qu'il comprendrait l’ambition du personnage de Farès, son rapport au business et à l’argent. Curieusement, je n’avais pas véritablement pris conscience que ce sont deux musiciens. Quelque chose s’est joué de manière documentaire entre eux qui a dépassé l’histoire du film. Ils étaient en phase."

La scène du premier entretien d’embauche a été tournée dans le bâtiment Gustave Eiffel de la Centrale Supelec, à Gif-sur-Yvette, un espace très ouvert et métallique conçu par Rem Koolhas. À La Défense, Héléna Klotz a eu la chance de trouver un plateau vide dans l’une des tours du quartier : "Et on a tout refait comme sur un plateau des années 1970 et 80, dans les films sur la finance comme Wall Street, avec l’idée que c’était déjà un peu dépassé."

"Enfin, l’hôtel particulier d’Elia souligne son caractère aristocratique avec de vieilles matières et des lumières chaudes. C’est assez vide, comme un espace où elle ne fait que passer, avec quelques éléments choisis : un crâne, un bouquet de fleurs, quelques œuvres d’art… Une œuvre de Théo Mercier représentant un pot d’échappement recouvert d’écailles qui brillent, et une sculpture floue de Xavier Veilhan", se rappelle la réalisatrice.

Le titre fait référence à la figurine de proue des Rolls-Royce, forte et métallique que Jeanne imite à un moment du film. "Elle a des ailes. Elle se tient debout, contre le vent, en fendant l’air", précise Héléna Klotz.