Il est clair, et Corneau est le premier à le reconnaître, que ce long métrage n'existerait pas sans Patrick Dewaere. Complètement déjanté et instable, anti-héros tragicomique, tantôt calme et aimant tantôt violent et incontrôlable, il est tout bonnement époustouflant. Comme s'il nous prenait par le col pour nous flanquer deux grosses baffes en criant « regardez-moi!! ». Certain disent qu'il en fait trop, avec raison, mais c'est justement parce qu'il s'est livré corps et âme, sans retenue et sans compromis, dans une démesure tragique, qu'il est si digne de louanges. «Série Noire» n'est pas un film voyeuriste mais un film où l'âme (sombre et tourmentée) des hommes est mise à nu. Rassemblant des acteurs exceptionnels, de Bernard Blier à la novice Marie Trintignant, «Série Noire» est la réussite d'un vrai travail d'équipe, Alain Corneau s'effaçant avec compréhension et humilité devant ses prodigieux acteurs tandis que Georges Pérec offre à Dewaere des dialogues sublimes. Peut-être Corneau a-t-il réalisé des mauvais film par la suite, là n'est pas la question. Ici il fait la brillante synthèse de ses influences scorsesiennes et françaises, s'inscrivant avec respect aux carrefours de deux traditions, mais il réussit quand même à créer du neuf. Film noir, très noir, il n'en demeure pas moins émouvant par ses protagonistes qui se débatent avec rage contre la fatalité, gardant jusqu'au bout l'espoir de pouvoir enfin vivre. Intelligent et intense, «Série Noire» fait honneur au cinéma français et à ses modèles. Dewaere quant à lui demeurera pour toujours vivant, tellement il a donné de lui-même dans ses films. [3/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/