On prend les mêmes recettes et on recommence pour le deuxième volet des « Souvenirs d’enfance » de Marcel Pagnol, avec les mêmes acteurs. Les mêmes ? Oui, même si certains sont mis en retrait par rapport à "La gloire de mon père". C’est le cas de l’oncle Jules alias Didier Pain. Eh oui, même si les deux films du diptyque datent de la même année, les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol s’étalent sur plusieurs années. Et forcément, durant ce laps de temps, des intervenants disparaissent (par exemple le brocanteur) et d'autres font leur apparition. Ainsi on verra Jean Carmet en gardien du château si cher à l’enfant d’Aubagne, Jean Rochefort en homme très en vue ravagé par l’absinthe, Philippe Uchan en Bouzigue ainsi que son lieutenant incarné par le regretté Ticky Holgado.
Pour cette suite, on attendait logiquement une parfaite continuité. C’est chose faite, notamment avec cette narration en voix off de Jean-Pierre Darras.
Hélas, en ce qui me concerne, "Le château de ma mère" ne dégage pas tout à fait le même charme que "La gloire de mon père", bien que j’aie trouvé celui-ci déjà très en-deçà des adaptations pagnolesques précédentes, en particulier par rapport aux réalisations anciennes qui ont fait les beaux jours de Fernandel et de la bande à Raimu, ou par rapport au diptyque de Claude Berri en 1986.
Mais ce qui me fait le plus râler, c’est qu’Yves Robert a semble-t-il décidé de stopper son adaptation là, alors que les « Souvenirs d’enfance » comportent en tout et pour tout quatre volumes. A mon avis, lequel n’engage que moi, quand on choisit de porter à l’écran une telle œuvre, on n’a pas le droit de la tronquer. Le scénaro-réalisateur se l’est pris (le droit), et sans doute est-ce la raison pour laquelle il a empiété sur le troisième volume (nommé « Le temps des secrets ») en intégrant les aventures du jeune Marcel avec Isabelle. Alors non seulement la puissance émotionnelle n’est pas aussi importante qu’espérée (après tout, ces récits constituent une œuvre majeure de l’écrivain), non seulement l’œuvre littéraire ne sera jamais adaptée au grand écran dans son intégralité, mais en plus Yves Robert ne respecte pas le bon ordre des souvenirs d’enfance que Pagnol a pris plaisir à partager avec la France entière.
Reconnaissons tout de même que la parenthèse avec Isabelle a été bien insérée. Mais avec un tel rajout, j’aurai fichu mon billet que ce second film aurait été un peu plus long que le précédent, en tout cas d’une durée au moins similaire. Au lieu de ça, on a sept minutes de moins. Curieux, non ? Surtout quand le romancier prend le temps de raconter l’histoire des quatre châteaux qui ont bercé ses vacances en y semant des doutes, des inquiétudes, voire des peurs, mais aussi du bonheur. Tu penses, quand ils offrent un raccourci loin d’être négligeable… avec en prime un petit arrière-goût d’interdit savoureusement salé…
Car ce fameux château, c’est le château de la discorde qui amènera des rencontres épiques et une très bonne intégration de l’humour par le ridicule de situation. Mais ce château constitue aussi le lieu où la formidable carrière de Pagnol a commencé. Mais chhhuuuuttttttt j’en ai presque trop dit !
D’une façon générale, ce second opus respire autant de nostalgie que le premier film, soulignée par la musique de Vladimir Cosma et la voix de Jean-Pierre Darras dont la tonalité trahit une certaine émotion face aux superbes écrits des extraits choisis. Mais il me semble qu’on perd un peu de l’insouciance du premier. Normal quand un soupçon de tristesse s’invite.
Pour ce qui est de l’interprétation, les acteurs déjà présents retombent dans les travers constatés au début de "La gloire de mon père" : un jeu un peu trop exagéré. La palme revient tout de même à Jean Rochefort, qui en fait tellement des tonnes qu’il en devient ridicule. Alors je sais bien que tourner son personnage en ridicule était le but recherché, mais là il me semble que ça va trop loin. Et que dire de la jeune Isabelle interprétée par une Julie Timmerman ? Je ne sais pas vous, mais j’ai trouvé cette jeune fille si agaçante, si péteuse que je lui aurais bien botté le cul à lui en faire claquer des dents et passer son séant par-dessus tête. Mais quel postérieur ? Celui du personnage ou de la jeune comédienne ? Bah autant faire un tir groupé et se faire plaisir, hein. Oups, trop tard, d’autres sont visiblement passés avant moi puisqu’on ne reverra plus jamais cette jeune actrice sur le grand écran.
Aussi je considère "Le château de ma mère" qualitativement en-dessous de "La gloire de mon père", pour lequel je regrettais déjà une capacité amoindrie à émouvoir le spectateur, tout du moins par rapport au diptyque de Claude Berri sorti quatre ans plus tôt. Bien évidemment, ce sera selon la sensibilité de chacun, encore que j’ai l’émotion facile. Et en plus, je connais la quasi-intégralité des œuvres du romancier. Mais ceux-là, non seulement je les connais, mais en plus ils m’ont laissé un souvenir impérissable. Alors en effet, pour moi le compte n’y est pas.
Et pour terminer, si je devais titrer mon modeste commentaire, ce serait « Le château de son père » parce que j’ai la sensation que cette superbe propriété a fait peser plus de risques sur Joseph Pagnol (en l’occurrence sa carrière d'instituteur) que n’importe qui d’autre.