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    Palme d'or, polémique... Brahim Chioua, DG de Wild Bunch, évoque l'avenir de "La Vie d'Adèle"

    AlloCiné s'est entretenu avec Brahim Chioua, Directeur général de Wild Bunch, la société qui produit, distribue et vend à l'international "La Vie d'Adèle", pour tirer un bilan du Festival de Cannes et en savoir plus sur la sortie en salles de la très attendue "Vie d'Adèle" ! L'occasion également de faire le point sur la polémique initiée par un syndicat de techniciens.

    AlloCiné : Quel bilan tirez-vous de cette édition du Festival ?

    Brahim Chioua : Nous sommes comblés avec la Palme d’or de La Vie d'Adèle et le Prix du jury pour le film de Koreeda, Tel père, tel fils, en tant que vendeur étranger. Nous avions un certain nombre de films, notamment en sélection officielle, comme le film de James Gray (The Immigrant), le film d'Arnaud Desplechin (Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines)), le film de François Ozon (Jeune & jolie), Guillaume Canet hors compétition (Blood Ties), et j’en oublie, donc on est plutôt très content.

    Concernant le Marché de Cannes et les ventes sur les films qui ont été réalisées, ça s’est plutôt bien passé, mais la crise est toujours là. Nous avons toujours des difficultés avec certains pays comme l’Italie, l’Espagne et quelques autres en Europe où le marché est toujours en crise. La Vie d'Adèle est vendu aujourd’hui partout dans le monde. C’est également le cas pour le film de François Ozon.

    "La Vie d'Adèle" est évidemment très attendu. Le film est n°1 des attentes sur AlloCiné. Envisagez-vous éventuellement d'avancer sa sortie ?

    Brahim Chioua : Non. La date qui a été choisie est le 9 octobre. Nous l’avons choisie quelques semaines avant la sélection au Festival de Cannes, sans savoir encore qu’il serait sélectionné, mais en espérant qu’il le serait. Elle a été décidée en fonction, d’une part, de ce qu’on savait de l’achèvement du film à ce moment-là, et d’autre part, en fonction des autres films que nous sortons et de la concurrence.

    C’est la meilleure date que nous ayons trouvée. Au moment où je vous parle, il n’est pas question de la bouger. Le film ne pouvait pas sortir en même temps que sa présentation à Cannes. Il n’était techniquement pas prêt. Si on avait voulu le sortir plus tôt, ça aurait été en septembre, mais avancer aujourd’hui d’un mois, et faire bouger d’autres films, c’est trop compliqué, et ça n’est pas sûr que cela en vaille la chandelle. Très souvent, les Palmes de Cannes sortent dans ces périodes-là.

    Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux

    Quelle sera la durée définitive du film ? Pourrait-t-il sortir en deux parties comme cela a été évoqué ici et là ?

    Brahim Chioua : Cela n’a jamais été réellement envisagé. Ca ne l’a plus du tout été dès lors qu’on a vu le film, non pas terminé, mais quasi terminé, dès lors qu’on a vu la structure du film. A ce moment là, on a tout de suite pensé deux choses : que la durée réelle du film n’était pas ressentie, par nous, et ça été le cas également pour les spectateurs. Par ailleurs, le couper en deux n’avait pas beaucoup de sens. Ca restera un seul film.

    Il va y avoir quelques petites modifications, non pas à notre demande, mais parce que le réalisateur lui-même a ressenti, en revoyant le film à Cannes, quelques petits aménagements à faire. Ca ne va pas fondamentalement modifier la durée du film. Il n’y avait pas de générique en plus à Cannes, ce qui va rallonger de 2 ou 3 minutes le film. A l’arrivée, on aura un film qui fera autour de 2h50, 2h55.

    Et qu'en est-il des chapitres 3 et 4 ? Y aura-t-il une suite avec les images déjà tournées ?

    Brahim Chioua : Je crois qu’en conférence de presse Adèle Exarchopoulos a répondu à cette question, quand on lui a demandé si elle était prête à tourner les chapitres 3 et 4. Elle a dit : « je les ai déjà tourné, ils existent ! ». Et c’est vrai qu’il y a beaucoup de choses qui ne figurent pas dans le film, donc nous réfléchissons à une façon de les montrer, de les exploiter, qui serait plus de l’exploitation en télé, vidéo ou VOD, plutôt qu’une exploitation en salles. Pour l’instant, Abdel n’a pas travaillé dessus ; ce sont des questions que l’on se pose. Mais ce serait bête de se passer d’un certain nombre de choses qu’il a tourné, notamment des scènes de classe au début du film; il y a également des scène de classe à la fin quand Adèle est institutrice, et beaucoup d’autres encore. Peut être qu’on arrivera à en faire quelque chose, mais ça n’est vraiment pas décidé.

    Pensez-vous que le film pourrait être interdit aux moins de 16 ans à sa sortie ?

    Brahim Chioua : J’ose espérer que non. Une interdiction aux moins de 12 ans me semble inévitable. Abdel va d’ailleurs faire quelques petites retouches par rapport à ça pour justement éviter que la question ne se pose. Ce seront de toutes petite choses. Les gens qui auront vu le film à Cannes ne s’en rendront certainement pas compte en revoyant le film à la sortie.

    Dès lors qu’on touche au sexe ou à la violence, on sait qu’il y a possibilité d’interdiction. Il y a des scènes de sexe dans ce film. A mon humble avis, elles ne méritent pas l’interdiction aux moins de 16 ans. Maintenant la commission en jugera peut être différemment.

    Et à l’étranger, le film sera-t-il censuré ?

    Brahim Chioua : Aucun des distributeurs qui a acheté le film n’a mis comme condition qu’il y ait des coupes. Ils vont tous prendre le temps de le montrer, et peut être que dans certains pays, j’en suis même quasiment sûr, on nous demandera de faire quelques coupes. On verra lesquelles. Ce ne sont pas toujours les mêmes raisons qui font que la commission demande des coupes. Là-dessus, Abdellatif s’est montré extrêmement ouvert. Il a déjà dit qu’il procèderait à certaines coupes pour que le film puisse être exploité.

    Abordons à présent la polémique lancée par un syndicat de techniciens pendant le Festival. Nous souhaitions vous donner la parole sur ce sujet...

    Brahim Chioua : C’est vraiment une très mauvaise polémique, parce que le film est juste utilisé pour des raisons qui lui sont totalement étrangères. Il y a ces discussions sur la Convention collective, qui durent depuis quelques années, et de façon encore plus poussées depuis quelques mois. Avec la médiatisation du Festival de Cannes, puis de la Palme, un syndicat s’en est emparé pour mettre en avant ses revendications par rapport à la Convention collective et utilise le film à cette fin là.

    De notre côté, nous n’avons pas d’exemple concret. Est-ce que ce sont des salariés qui n’ont pas été payés ? J’ai lu des choses totalement aberrantes… Le réalisateur qui mangeait du caviar pendant que les techniciens regardaient, qu’il buvait du Champagne, sur les pulls qui ont été utilisés, sur des gens qui roulaient à 180 km/h ou je ne sais quoi... Mais qui n’ont rien à voir avec les faits qui semblent être reprochés, qui seraient que le droit du travail n’a pas été respecté.

    Si le droit du travail n’a pas été respecté, nous attendons qu’on nous dise par qui il n’a pas été respecté, au détriment de qui et qu’est ce qui n’a pas été respecté. Or, pour l’instant, nous n’avons vraiment aucun exemple concret sur lesquels on pourrait dire qu'effectivement il y a eu manquement, il y a eu problème. Je ne dis pas que ça n’existe pas, mais simplement, on ne peut pas en juger si on ne nous dit pas concrètement ce qu’il s’est passé. Il n’y a pas de salariés cités. C’est un salarié ? Deux ? Toute l’équipe ? Il y a une partie de l’équipe de techniciens qui était à Cannes, qui était contente d’être là, de pouvoir participer à ce film. Je n’ai pas entendu de leur part quelconque récrimination.

    Quelle va être la suite  ?

    Brahim Chioua : Il y a une aide de la Région Nord sur le film. Comme le rappelle le syndicat, cette aide n’est définitivement acquise que si le droit du travail a été respecté, donc l’organisme en charge de ces aides est en train d’interroger tous les techniciens de la région qui ont été employés pour le film, et vérifier s’il y a des choses qui ne se sont pas passées correctement ou qui sont condamnables.

    Une fois que l’on aura les résultats de cette enquête, on pourra discuter sérieusement de ce qui est reproché au film. Mais encore une fois, je crois que, la façon dont cela s’est déroulé sur le film intéresse très peu le syndicat en question, et c’est juste une opportunité pour dénoncer, remettre en cause la nomination d’un médiateur auquel ils ne reconnaissent aucune représentativité, etc, etc. Tout ça n’est pas très sérieux.

    Un dernier mot, à propos d'un autre film que vous vendiez cette année au Marché du film à Cannes et qui a fait le buzz, "Welcome to New York" d'Abel Ferrara. Avez-vous appris comment ces images sont apparues sur Internet ?

    Brahim Chioua : On a eu une explication. Il s’est avéré que c’est le chef opérateur du film, qui a mis cette bande-annonce, qui n’était pas le « promo reel » définitif. C’était une bande-annonce de travail, qu’il a mise sur Internet. On lui a fait retirer. La seule explication qu’il nous ait donnée, c’est qu’il était désolé et qu’il ne savait pas qu’il n’avait pas le droit. Voilà ce qu’il s’est passé réellement. Ca a créé le buzz mais ce n’était pas certainement pas du marketing organisé par nous. Le film ne va pas être prêt avant quelques mois, donc on ne voulait pas déflorer comme ça ces images là. C’était contre notre gré et à notre détriment.

    Un extrait de "La Vie d'Adèle" :

    La Vie d'Adèle

    Propos recueills par Brigitte Baronnet, le 29 mai 2013.

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