Après Magnum Force j'ai voulu voir Dirty Harry, le prototype de la série des Harry. La problématique de Magnum Force c'était le peu scrupuleux mais moralement irréprochable Harry opposé à un groupe de flics illuminés se prenant pour des redresseurs de torts. Ici, Harry est toujours aussi expéditif mais l'opposition vient des pouvoirs publics, politiques et judiciaires. Le maire et le district attorney s'adressent à lui comme à un sous-fifre irresponsable. Leur ligne de conduite c'est pas de vagues et pas de bavures policières, tant pis pour les victimes des malfrats, et s'il faut payer des rançons on paye. On fait à Harry une réputation largement injustifiée de raciste, même s'il se laisse aller parfois à des provocations verbales. Le tueur est un gringalet vicieux, qui fait le stadier dans une banlieue pourrie de San Francisco. Pour attirer Harry dans son antre il lui inflige une série d'appels téléphoniques dans des cabines publiques. On est en 1971, il n'y a pas de portables. Ces séquences sont utiles pour le scénario mais assez improbables en elles. Je ne me vois pas à Blanc-Mesnil à minuit courant d'une cabine téléphonique à l'autre. Pourtant Harry le fait, retrouve le serial killer Scorpio, parvient à lui enfoncer un couteau dans la cuisse, lui appuie dessus pour lui faire révéler la cachette où il a planqué sa dernière victime. Trop tard, le corps nu de la pauvre jeune fille est retrouvé mort. On se dit qu'il y a là de quoi envoyer Scorpio à la chaise électrique ? Pas du tout, le district attorney et son tortueux conseiller juridique expliquent à Harry que c'est lui le coupable de tortures sur un malheureux jeune homme de milieu défavorisé. Nouvelle affaire de car scolaire détourné, nouvelle rançon demandée, nouvelle valise de bifetons offerte par M le Maire. Là Harry, dirty mais faut pas pousser, pète les plombs et règle l'affaire à sa manière. Tel Gary Cooper du Train sifflera trois fois, il jette son insigne de flic, à défaut de sa rancune, à la rivière. On lui en procurera un autre pour la suite des Harry. Bon alors et ce film ? Bien tourné, esthétiquement soigné, les bas fonds de Frisco comme dirait Jules Dassin sont saisissants, mais Siegel n'oublie pas les vues panoramiques de la baie et du Golden gate bridge. Don Siegel, déjà auteur de l'Invasion des profanateurs de sépultures, semble apprécier les sujets à arrière plan politique. Et puis il y a le grand Clint Eastwood, avec son Smith et Wesson à six coups, très important le sixième coup, surtout pour Scorpio. Car Magnum c'est le nom de la cartouche, nous dit la toile.