"Quand E.T. rencontre Paris, Texas" : pourquoi vous ne devez pas passer à côté de la pépite La Légende d'Ochi ?
Maximilien Pierrette
Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

Premier long métrage réalisé par Isaiah Saxon, "La Légende d'Ochi" mêle l'esprit des films des années 80 et 90 avec un discours moderne et de grandes qualités sur le plan visuel. Ne le ratez pas au cinéma.

Ça parle de quoi ?

Dans un village isolé des Carpates, Yuri, une jeune fille élevée dans la crainte des mystérieuses créatures de la forêt appelées Ochis, se voit interdire de sortir après la tombée de la nuit. Un jour, elle découvre un bébé Ochi abandonné par sa meute. Déterminée à le ramener auprès des siens, Yuri va défier les interdits et s’engage dans une aventure extraordinaire au cœur des secrets de la forêt.

La Légende d'Ochi
La Légende d'Ochi
Sortie : 23 avril 2025 | 1h 35min
De Isaiah Saxon
Avec Helena Zengel, Willem Dafoe, Emily Watson
Presse
3,1
Spectateurs
3,0
Séances (271)

Puppet master

Voir Finn Wolfhard dans un film ou une série inspiré(e) de ce qui se faisait dans les années 80 et 90 n'est pas loin de devenir un cliché, mais on le pardonnera à La Légende d'Ochi. Car quand le film se tourne, entre novembre et décembre 2021, l'acteur n'a joué que dans trois saisons de Stranger Things et un seul volet de S.O.S. Fantômes. Et ses qualités vont au-delà de ses influences. Quand on le découvre, le premier long métrage réalisé par Isaiah Saxon, qui s'est fait la main sur quelques clips musicaux auparavant (dont Wanderlust pour Björk), paraît être à la fois frais et la combinaison de films et styles connus.

On se dit par exemple que si Robert Eggers (Nosferatu) avait dirigé un film familial, le résultat pourrait être proche de La Légende d'Ochi, ce qui ne manque pas de faire rire Finn Wolfhard et Helena Zengel (Benni), l'actrice principale de ce conte, lorsqu'on le leur dit : "Ce que ce film a de génial, c'est qu'il s'agit à la fois d'un film d'art & essai et d'un film familial", nous dit le comédien? "Comme si E.T. rencontrait Paris, Texas. Ou un film d'art & essai européen comme Andreï Roublev, ce genre d'épopées européennes à l'ancienne dont, je pense, La Légende d'Ochi s'inspire beaucoup également."

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"E.T. m'a beaucoup influencé, oui", confirme Isaiah Saxon. "Je dirais même, plus que tout, E.T. et Paris, Texas, qui sont deux films que j'ai vus pour la première fois à l'âge de 25 ans. Je n'avais jamais vu E.T. quand j'étais enfant, et quand je les ai découverts l'un après l'autre, ils sont devenus mes préférés car ils racontaient tous les deux mon histoire : celle d'un enfant et de ses sentiments subjectifs face au divorce de ses parents et à toute la complexité de cette situation. Chacun d'eux le fait à sa manière. De façon très différente, mais ils essaient d'accéder à ces sentiments, et j'ai réalisé que c'était aussi ce que j'écrivais."

"Même si La Légende d'Ochi est un film d'aventure fantastique accessible aux enfants, je l'ai écrit pour l'adulte que je suis. Pour me faire plaisir. Comme l'enfant en moi est toujours vivant, je pense que si j'ai envie de voir ce film, les autres enfants en auront envie aussi. Mais je ne pouvais pas l'écrire spécifiquement pour eux car j'aurais été confronté au problème des films pour enfants, écrits par des adultes pour des enfants imaginaires qui n'existent pas, et qui ne s'adressent à personne au final."

"Mais parmi les autres longs métrages qui m'ont influencé, je peux citer L'Etalon noir qui, selon moi, montre la rencontre la plus authentique entre un enfant et un animal dans ses 45 premières minutes. Il y a aussi Kes de Ken Loach, qui raconte l'histoire d'un enfant morose, triste, qui dresse un faucon crécerelle, dans un monde d'hommes machos dont il se sent exclu, ce qui va le conduire à chercher comment trouver sa place auprès d'un animal. Et puis il y a aussi le réalisme et l'authenticité de chaque instant de ce film. Il n'y a pas de magie cinématographique, mais c'est l'histoire d'un enfant et d'un animal."

"La Légende d'Ochi est à la fois un film d'art & essai et d'un film familial"

Citant également le cinéma de Paul Thomas Anderson ("Je veux vivre dans les plans de There Will Be Blood"), cet admirateur de Michel Gondry a donc signé un film intemporel, avec ses influences digérées, ses messages très actuels (sur le besoin d'être en harmonie avec la nature, ou cette question des voix des femmes que les hommes ont tenté d'étouffer) et une façon de faire à l'ancienne. Avec beaucoup de décors construits en dur, des matte paintings (des éléments peints sur une plaque de verre placée devant la caméra) et une vraie créature.

Vraie dans le sens où il ne s'agit ni d'images de synthèse, ni d'intelligence artificielle, comme Isaiah Saxon l'a prouvé avec des images de making-of mises en ligne sur Twitter (ou X), qui nous montraient que le bébé Ochi qui suit l'héroïne était bel et bien une marionnette : "Le travail des marionnettistes était tout simplement incroyable à voir", s'enthousiasme Isaiah Saxon. "Nous avions sept marionnettistes qui travaillaient à l'unisson pour créer le personnage du bébé : cinq personnes s'occupaient du corps et deux autres contrôlaient le visage à distance, donc ce que vous voyez à l'écran, nous l'avons vu sur le plateau."

"C'est comme un tour de magie. Et pouvoir atteindre ce niveau de maîtrise face à des acteurs comme Willem Dafoe et Helena Zengel, qui sont au sommet de ce que l'être humain peut faire avec son visage, c'était tout simplement incroyable. J'avais l'impression qu'ils donnaient tous les deux le meilleur d'eux-mêmes." "J'ai trouvé génial que l'on puisse travailler avec une marionnette, car ça aurait été très différent avec une IA", nous dit Helena Zengel. "Avoir quelque chose avec qui jouer, et qui ressemblait autant aux vrais Ochis a été incroyablement utile pour créer un véritable lien à l'écran. Et les marionnettistes, ont effectivement fait un travail formidable."

"Ces gars se sont donnés à fond, debout, vêtus de bleu pour qu'on ne les voie pas et qu'on puisse les supprimer au montage. Ils n'avaient le droit de rien faire, ils ne faisaient aucun bruit et ils étaient invisibles. Donc on se concentrait d'autant plus facilement sur Ochi et on ne voyait même pas qu'ils le bougeaient. C'était génial. J'ai trouvé ça incroyable." "À bien des égards, le travail des marionnettistes est celui qui se rapproche le plus du métier d'acteur. Ils étaient en quelque sorte nos partenaires car ce sont eux qui essayaient de faire passer le jeu du bébé Ochi. Les marionnettistes devraient être vénérés au même titre que les acteurs, car ils essaient eux aussi de donner vie à un personnage. C'est aussi grâce à eux que le film est très artisanal à bien des égards."

Pour toutes ces raisons, vous seriez donc bien avisés de ne pas passer à côté de la pépite qu'est La Légende d'Ochi. Et cela vous permettra peut-être de montrer E.T. à vos enfants par la suite, s'ils ne l'ont pas déjà vu.

Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris les 16 et 17 avril 2025

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