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    Maman a tort : rencontre avec le réalisateur Marc Fitoussi
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Rencontre avec le réalisateur et scénariste Marc Fitoussi (Copacabana, La Ritournelle) pour la sortie, ce mercredi, de Maman a tort, montrant une adolescente plongée dans le monde du travail, parfois cruel, pour son stage de 3ème...

    SND

    AlloCiné : Maman a tort répondait à une envie de votre part de faire un film sur la jeunesse ?

    Marc Fitoussi, réalisateur et scénariste : J'avais envie de parler de l'adolescence. J'avais déjà fait un documentaire sur les séjours linguistiques. J'avais suivi des ados qui partaient à Bristol en Angleterre. C'était des jeunes ados français qui n'allaient pas dire un mot d'anglais pendant tout le film et n'aller être qu'entre Français en réalité en Angleterre. J'avais réussi à capter des choses assez dingues et c'est ce qui m'a toujours un peu freiné de faire une fiction sur l'adolescence. Comment capter ça à travers une fiction dans quelque chose de très écrit ? Et puis je me suis lancé. Je trouvais que l'idée du stage de troisième était intéressante car ça me permettait de parler d'adolescence mais aussi du monde adulte. Je n'avais pas envie de faire un film qui soit juste au collège avec des séquences entre ados qu'on a un peu trop vu je trouve. Le film me permettait de parler à la fois du monde adulte, du monde du travail, et de l'adolescence, et d'avoir un nouveau regard sur le monde du travail à travers une adolescente.

    C'est la première fois que j'écris un film où je ne sais absolument pas qui va tenir le rôle principal. J'avais l'idée de comédiens quand j'ai écrit mes précédents films, même si parfois celle à qui je pensais ne fut pas celle qui a dit oui... Enfin bref ! Mais ça me permettait dans mon écriture d'y voir déjà clair. L à, cette Anouck, je ne savais même pas si elle allait être blonde ou brune. Et en faisant ce casting, et en trouvant Jeanne [Jestin], pour moi c'était l'évidence. Je me sens extrêmement chanceux de l'avoir trouvée car je suis sûr que la réussite du film repose complètement sur ses épaules. 

    Qu'est-ce qui a vous a plu chez Jeanne Jestin justement ?

    Je la trouve hyper magnétique. J'adore Isabelle Huppert et j'y ai vu Isabelle Huppert ! Ce que j'aime, c'est que quand on voit Isabelle dans La Dentellière, il y a quelque chose d'assez boudeur, d'assez mystérieux, d'assez renfermé. C'est quelqu'un qui donne énormément, qui est très généreux, mais qui est en même temps très opaque. Je trouve que Jeanne à ça. C'est quelqu'un d'extrêmement naturel. Dès la première prise, tout sonne juste. Son visage est très intrigant. Je retrouve ça aussi par exemple chez Léa Seydoux. Elle a quelque chose d'assez fascinant dans le visage. Dans le film d'Ursula Meier, L'Enfant d'en haut, je la trouve géniale.

    Bestimage

    Est-ce que vous aviez des films d'adolescence en tête lorsque vous avez fait ce film ? A un moment, on entend d'ailleurs L'Effrontée avec Charlotte Gainsbourg...

    Oui, c'est celui-là que j'avais en tête. Il y en a d'autres comme Diabolo Menthe. J'adore La Boum. Tous ces films étaient de vrais portraits, avec des scènes de classe, etc. Je ne voulais pas ça. J'aime beaucoup L'Effrontée parce que justement c'est un film l'adolescence l'été quand il n'y a pas cours. De la même manière, Maman a tort est un film sur l'adolescence mais sans les salles de classe.

    Vous faites un portrait assez dur et juste du monde du travail, mais ce qui est intéressant, c'est que ça passe par des petites choses, comme des attitudes, etc.

    Oui, il y a déjà ce duo de pestes interprété par Camille Chamoux et Nelly Antignac qui est une actrice qu'on connait peu et que je trouve formidable. Toutes ces mesquineries, toutes ces bassesses, je crois que malheureusement, c'est le quotidien de beaucoup de gens. Le film est très mordant. On n'est pas dans la caricature, je pense. Mais en même temps, j'aime ces personnages. Ces personnages disons "ordinaires" sont aussi touchants. Je n'ai pas envie de donner l'impression d'être contre eux. Et finalement, le cinéma dépeint très peu ces gens-là. C'est la vie de beaucoup de Français : les transports en commun, travail, soirée télé... Le personnage que joue Emilie Dequenne n'est peut être pas très glamour mais reflète ce que vivent beaucoup de gens.

    SND

    C'est aussi un film sur la solitude...

    Complètement. Pour preuve, le personnage que joue Jean-François Cayrey qui est le supérieur hiérarchique d'Emilie Dequenne est un type qu'on peut trouver odieux, et qui en même temps à quelque chose d'assez pathétique qui le rend presque touchant. C'est quelqu'un qu'on devine peut être un peu seul. Je voulais qu'il y ait quelque chose un peu entre deux, jamais noir ou blanc.

    Un mot sur Emilie Dequenne ?

    J'avais déjà travaillé avec elle sur La Vie d'artiste. C'était mon premier film, elle était forcément plus jeune. Elle avait un rôle presque comme Anouck, à peine majeure, qui voulait se lancer dans la chanson, qui était pleine d'idéaux aussi. Je dois avouer que je n'ai pas immédiatement pensé à Emilie en écrivant ce film. Je pensais à d'autres actrices, même plus âgées. Je pense que finalement c'est intéressant justement d'avoir une actrice de cette génération, ce qui me permettait de justifier que ce personnage soit un peu emprisonné : elle a eu un enfant très jeune, elle a tout de suite été obligée de rentrer dans la vie active et n'a pas pu faire de vrais choix de vie. Son jeune âge permet aussi de penser que ça peut changer. Peut être que ce stage va lui ouvrir les yeux, que sa fille va lui faire comprendre qu'il faut aller voir ailleurs. Il y a une issue possible. 

    La bande-annonce de Maman a tort de Marc Fitoussi

     Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2016

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