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    Le Grand Méchant Renard : rencontre avec le réalisateur Benjamin Renner
    Thomas Imbert
    Thomas Imbert
    -Chef de rubrique - Infotainment
    De la Terre du Milieu aux confins de la galaxie Star Wars en passant par les jungles de Jurassic Park, il ne refuse jamais un petit voyage vers les plus grandes sagas du cinéma. Enfant des années 90, créateur des émissions Give Me Five et Big Fan Theory, il écrit pour AlloCiné depuis 2010.

    Après le très poétique "Ernest et Célestine", Benjamin Renner change de registre et revient avec un conte drôle, personnel et coloré, "Le Grand Méchant Renard". A l'occasion du Festival d'Annecy, nous avons pu rencontrer le réalisateur...

    FOLIVARI / PANIQUE!/ STUDIOCANAL / RTBF (Télévision belge) - OUFtivi / VOO / Be tv

    Après avoir revisité l’univers doux et poétique de l’illustratrice belge Gabrielle Vincent dans Ernest et Célestine, acclamé par la critique et par le public, Benjamin Renner est de retour avec un deuxième long métrage réalisé en collaboration avec Patrick Imbert, et adapté de sa propre bande dessinée : Le Grand Méchant Renard et autres contes, en salles aujourd'hui.

    Alors qu’il était de passage au Festival du Film d’Animation d’Annecy jeudi dernier, nous avons pu rencontrer l'artiste et lui poser quelques questions sur ce nouveau projet très personnel, ainsi que sur l'animation en général…

    Est-il plus difficile d'adapter l'univers de quelqu'un d'autre ou de jouer avec ses propres personnages ?

    Benjamin Renner : Ce sont deux choses très différentes. Les enjeux ne sont pas les mêmes. Quand tu suis l’univers de quelqu’un, tu te rends compte de manière assez évidente de si tu y arrives ou pas. Il ne s’agit pas forcément d’être ultra-fidèle au dessin. Parfois, il suffit juste de comprendre l’esprit ou l’énergie du dessin. Tu vas peut-être en faire un peu trop, ou alors tu vas être trop sage. Et ce qui est bien, c’est que tous les lecteurs qui connaissent l’univers d’origine peuvent te dire si oui ou non tu as atteint l’objectif.(…) Par contre, quand tu fais ton travail tout seul, tu es libre, tu fais ce que tu veux. Mais tu te poses des questions par rapport à toi-même. Tu te demandes si c’est intéressant, si ça va plaire aux gens… Quand tu crées tout le graphisme, tu as un poids supplémentaire dans le sens où ça repose sur toi. Moi, je suis assez complexé de mon dessin, je ne le trouve pas très beau. Ce n’est pas un dessin qui est fait pour être beau, mais pour être expressif. (…) Certains films reposent vraiment sur la prouesse artistique, sur la délicatesse du dessin. Chez moi, ce n’est pas le cas. Chez moi, c’est un dessin qui doit raconter des choses, et il s’arrête là. Je sais qu’après Ernest et Célestine, qui était quelque chose de délicat, fin, subtil, où le dessin était très travaillé, j’étais un peu complexé de me dire qu’on allait offrir quelque chose de beaucoup plus "à l’arrache", d’une certaine manière. C’est normal puisque narrativement je veux que ça soit à l’arrache. (…) Je ne suis pas en train de dessiner la Joconde. Je suis plus proche de Reiser que de Moebius ou de Jean Giraud.

    Je suis plus proche de Reiser que de Moebius ou de Jean Giraud.
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    Comment avez-vous décidé de faire du "Grand Méchant Renard" un long métrage ?

    A l’origine, le projet était pour la télévision. Mon producteur m’avait proposé de faire trois épisodes. J’en ai réalisé un, et Patrick Imbert a réalisé les deux autres. A la base, mon intention n’était pas forcément de le porter au cinéma. Je voulais juste faire trois petits films, pas plus. Je ne voulais pas faire une série, parce que ça peut être un peu fatiguant au bout d’un moment. Je voulais juste raconter cette histoire et j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire. Mon producteur, en voyant les trois films, s’est dit : "La qualité est là, pourquoi ne pas les rassembler et en faire un long métrage ?" C’est vraiment venu de son initiative. Au départ, j’étais même un peu réticent parce que ces trois films n’avaient pas été conçus pour être ensemble. Il fallait trouver un lien entre eux. Au début, le producteur voulait que je fasse des scènes pour les relier. On a fini par trouver une petite astuce pour faire en sorte que les trois films soient liés, que ça fasse un long métrage cohérent.

    C’est comme ma petite famille, ou des potes avec qui j’aime jouer.

    Parmi toute cette petite troupe d'animaux, avez-vous un personnage préféré ?

    Ça fait un peu psychopathe de dire ça, mais c’est un peu comme avec tes enfants, tu ne peux pas dire que tu en as un préféré. Je les aime tous, même les personnages antipathiques. Même le Loup, je l’apprécie. C’est un univers que j’ai créé, ça vient de la bande dessinée. J’aimerais peut-être en faire d’autres, un jour, si j’ai l’inspiration. Ce que je voulais faire à la base, c’était prendre chaque personnage et raconter son histoire. Par exemple, le Loup, je ne suis pas du tout contre l’idée qu’il ait un album pour lui tout seul où on explique son histoire, d’où il vient… Ça m’intéresserait, c’est pour ça que je n’ai pas vraiment de personnage préféré, j’aime bien les dessiner tous. C’est comme ma petite famille, ou des potes avec qui j’aime jouer. Le rapport que j’ai avec eux, c’est que je les utilise quand j’ai envie de me détendre. Comme si j’avais des petits acteurs auxquels je donne des ordres par le dessin. (…) Tu essayes un truc, tu te dis qu’il ne faut pas faire comme ça, qu’il faut refaire la scène différemment. Et puis tout à coup, tu as une idée qui vient presque du personnage lui-même parce que tu l’as dessiné et tu as une surprise. Tu réalises que ça t’évoque quelque chose de marrant, qui te fais penser à autre chose. Je trouve qu’il y a un vrai rapport de metteur en scène un peu théâtral quand tu travailles avec le dessin.

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    Comment cela se passe-t-il lorsqu'on a travaillé de manière très personnelle pendant longtemps sur des personnages qui sont les nôtres et qu'on doit tout à coup les "confier" à des comédiens ?

    C’est un peu effrayant. C’est une chose que j’avais déjà un peu apprise sur Ernest et Célestine. Quand tu mets en scène, tu as une idée très précise de ce que tu veux, surtout en animation où c’est toi qui vas contrôler le moindre mouvement de tes personnages. C’est comme si je demandais à Gérard Jugnot, par exemple, de jouer dans un film, que je le contrôlais à distance pour ses gestes, mais que lui continuait à contrôler sa voix. Il faut être sûr que tu vas être raccord avec la personne. Sur Ernest et Célestine, je m’étais rendu compte que finalement, je ne contrôlais pas tant les acteurs que ça. Au début, je voulais qu’ils fassent exactement ce que j’avais en tête, et je me rendais compte que j’étais en train de les frustrer. Ce ne sont pas des perroquets, ils ne sont pas là pour m’imiter mais pour proposer quelque chose. Donc j’ai appris à travailler avec eux pour de vrai. (…) Quand j’ai adapté Le Grand Méchant Renard, j’avais ça en tête. Je savais que j’allais devoir faire ce lâcher-prise. Il fallait juste être sûr de trouver le bon acteur, celui qui allait me proposer quelque chose qui soit raccord avec l’idée que j’avais du personnage du Renard. J’ai trouvé des acteurs, et pour le coup, je ne me suis pas trompé. C’était exactement ce que je voulais. Pour le Renard, c’était parfait. Le Loup, pareil, il avait la gouaille, le ton… Tu les laisses faire. Parfois, si c’est vraiment trop éloigné, tu leur dis non, et parfois tu as des super surprises. Il faut juste garder l’esprit ouvert. (…)

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    On a d'ailleurs eu la bonne surprise d'entendre la voix de Christophe Lemoine (South Park, Le Seigneur des anneaux...) dans le film...

    Il était venu pour le Renard, à la base. Il avait été casté pour le rôle du Renard. Ce que je trouvais intéressant chez lui, c’était sa présence. Quand il est là, il est là. Quand il parle, on entend sa voix. Et j’ai donc préféré lui donner un autre rôle, celui de la Cigogne qui est ultra-pédant et prétentieux. Non pas que Christophe Lemoine soit comme ça, mais il joue très bien ce genre de rôles. Il a été super. Et d’ailleurs, quand on a dû faire des petits interstices entre les épisodes, on en a profité pour en rajouter une couche et lui donner une sorte de monologue qui nous a bien fait rire à animer.

    Je ne mets jamais le distinguo entre animation, BD, jeu vidéo, tout ce qui est narration avec le dessin (…). Ce que j’aime, c’est raconter des histoires quel que soit le médium.

    Quel a été votre dernier coup de coeur en animation ?

    Je dirais Les Enfants Loups, Ame & Yuki, qui est vraiment très beau. Ça a été une espèce de choc d’animation, un truc de fou. Après, ça n’est pas de l’animation à proprement parler mais je suis un grand amateur de jeu vidéo. (…) Le dernier jeu auquel j’ai joué qui m’a vraiment retourné s’appelle Inside. Ce n’est pas du tout dans le ton du Grand Méchant Renard mais c’est une sorte de court métrage que tu finis en deux ou trois heures. C’est magnifique mais c’est très sombre, un peu à la David Lynch. Et j’avoue que j’ai eu en main le dernier Zelda et que j’étais comme un enfant. J’ai compris ce que Miyamoto avait expliqué quand il avait créé le premier Zelda et quand il disait qu’il voulait rappeler son enfance, quand il jouait dans la forêt à capturer des insectes. J’ai compris ce truc en jouant, j’ai ressenti cette espèce de joie à découvrir un monde où on est complètement libre. Je parle du jeu vidéo parce que pour moi, c’est une autre forme de narration, et je ne mets jamais le distinguo entre animation, BD, jeu vidéo, tout ce qui est narration avec le dessin (…). Ce que j’aime, c’est raconter des histoires quel que soit le médium.

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    Quand tu es petit et que tu découvres une technique, c’est la révélation ultime !

    Vous souvenez-vous de votre tout premier dessin ?

    C’est vague, parce que j’ai commencé à dessiner quand j’avais 3 ou 4 ans. Comme tous les gamins, j’ai commencé par dessiner des trucs dans tous les sens. Je me rappelle d’un dessin qui m’avait marqué parce que c’était le premier que ma mère avait collé sur le frigo. C’était un dessin de chèvre que je pense avoir copié parce que je regardais une émission de télé, et je crois que j’ai redessiné un tableau qu’un peintre avait peint à la télé. Donc je n’ai aucun mérite, c’était une imposture, ce succès de dessin. Mais je m’en rappelle bien. Mon père, qui aimait beaucoup dessiner, me donnait des techniques. Je m’en rappelle une qui m’avait beaucoup marqué. Il m’avait montré que si on passe le doigt sur un dessin au crayon de papier, ça crée une ombre un peu floue. Après ça, je le faisais sur tous mes dessins. J’avais tout le temps les doigts noirs à force d’appuyer le crayon de papier. Tous mes dessins avaient une espèce de relief immonde, parce que j’étais super fier de cette technique. C’est assez rigolo, quand tu es petit et que tu découvres une technique, c’est la révélation ultime !

    (Re)découvrez la bande-annonce du "Grand Méchant Renard et autres contes"...

     

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