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    Léon Morin, prêtre sur OCS Géants : comment convaincre un Belmondo hostile à l'idée d'incarner un curé...
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    À l'occasion de la diffusion sur OCS Géants de Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville, retour sur la genèse mouvementée de ce classique du cinéma français.

    Léon Morin, prêtre - Ressortie le 25 octobre 2017

    De Jean-Pierre Melville avec Jean-Paul BelmondoEmmanuelle RivaIrène Tunc

    DE QUOI ÇA PARLE ?

    Les relations, pendant l'Occupation, entre une jeune veuve fuyant les Allemands et un prêtre qui lui donne asile.

    LEON MORIN A EXISTÉ

    Léon Morin, prêtre est une adaptation du roman de Béatrix Beck, prix Goncourt en 1952. La romancière a puisé son inspiration dans sa vie personnelle, notamment sa rencontre avec l'Abbé Jules Albert Peillet. Elle rencontre ce dernier durant la Seconde Guerre mondiale à Grenoble.

    L'écrivaine, veuve communiste, se convertit au catholicisme sous l'impulsion de cet Abbé érudit au sens de l'humour exacerbé. De cette rencontre, Beck tirera son roman Léon Morin, prêtre, l'Abbé Peillet devenant donc le Père Morin et Béatrix devenant Barny.

    JEAN-PIERRE MELVILLE S'EMPARE DU ROMAN

    Le cinéaste Jean-Pierre Melville cherchait à adapter Léon Morin, prêtre depuis près de 8 ans. Bien qu'il soit athée, Melville a été profondément touché par le roman de Beck.

    "Ce n'était pas seulement l'histoire principale qui m'attirait. Plutôt, j'étais fasciné par le contexte, toute une foule d'anecdotes toutes plus captivantes les unes que les autres, des personnages..."*, confiait le metteur en scène.

    La romancière Béatrix Beck n'avait de cesse de lui demander quand il allait enfin se pencher sur le film. Mais l'intransigeant Melville ne trouvait pas SON Léon Morin. En effet, il était déjà clair pour lui qu'Emmanuelle Riva jouerait Barny, mais le prêtre posait problème à l'époque.

    "Habillés en curé, tous les acteurs français, même les meilleurs, ont l'air déguisés. Alors j'ai attendu"*, déclarait le cinéaste.

    En 1960, il voit sur À bout de souffle de Jean-Luc Godard et tombe sous le charme de ce comédien gouailleur, encore assez méconnu du grand public. Il l'avait déjà toutefois repéré dans Classe tous risques de Claude Sautet, pour lequel Melville a eu un coup de coeur. Le réalisateur avait une idée précise de son Léon Morin, et comptait bien prendre à contre-pied l'image de Belmondo, son côté "cool" contrastant avec l'image grave et austère d'un curé. Melville s'envole donc direction Rome pour rencontrer l'acteur, en plein tournage de La Ciociara de Vittorio De Sica.

    BELMONDO PAS CONVAINCU

    Jean-Paul Belmondo est au départ très très réticent à l'idée d'incarner un prêtre. Melville insiste durant de longs mois, tentant de convaincre le comédien. Il va même jusqu'à le relancer sur le tournage d'Une femme est une femme de Godard. Belmondo est catégorique, il ne veut pas porter la soutane. C'est pourtant ce que va lui proposer Melville, qui a apporté avec lui cet habit pour le faire enfiler à Belmondo.

    Ce dernier accepte : "Je suis joueur, alors j'enfile son habit de corbeau, trop content de sauter sur l'occasion de faire marrer la galerie. Mais une fois dedans, je change d'avis. D'abord parce que toutes les femmes présentes me complimentent. Ensuite, parce que, comme par miracle, la solennité me saisit. En une minute, je suis devenu curé"*, se souvient Jean-Paul Belmondo.

    UNE PREMIERE VERSION DE 3H !

    Le premier montage de Léon Morin, prêtre durait 3 heures 13 ! Le cinéaste opère alors un virage à 180 degrés, décidant de faire des coupes drastiques et de centrer l'intrigue autour de la relation entre Barny et Morin. En effet, dans le premier jet, le prêtre n'apparaissait qu'au bout d'une heure 15 de film. Dans la seconde version, ce dernier arrive au bout de 15 minutes.

    Le metteur en scène expliquera cela par le charisme de Belmondo, portant le film sur ses épaules de bout en bout. Béatrix Beck en sera d'ailleurs furieuse, fustigeant Melville pour avoir occulté la dimension sexuelle et subversive de la relation entre Morin et Barny. S'estimant trahie, elle exprimera carrément du "dégoût" pour l'adaptation de Melville.

    À noter que Nicolas Boukhrief a récemment tourné sa propre version du livre de Béatrix Beck, La Confession, avec Romain Duris et Marine Vacth dans les rôles principaux.

    *Propos repris du livre Jean-Pierre Melville le solitaire de Bertrand Tessier, à paraître chez Fayard le 6 novembre 2017

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